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La GRC demande l’aide d’archivistes pour déterminer la provenance d’objets volés

Au moins une partie des 1 300 objets retrouvés proviendrait de collections universitaires.

par KAREN BIRCHARD | 06 MAR 13

La GRC de la Nouvelle-Écosse a lancé un appel aux archivistes et bibliothécaires des universités canadiennes afin d’identifier les propriétaires d’un grand nombre de manuscrits, de livres, d’œuvres d’art et d’objets anciens volés, dont certains auraient été dérobés parmi des collections universitaires. Plus de 1 300 objets volés ont été découverts dans une résidence en janvier, ce qui a mené à l’arrestation d’un homme bien connu des groupes de protection du patrimoine local. La police croit que plusieurs autres caches existent et estime à près d’un million de dollars la valeur des objets retrouvés jusqu’à maintenant.

Plusieurs universités, dont l’Université Dalhousie, l’Université Mount Saint Vincent et l’Université Memorial, avaient déclaré la disparition d’objets de leurs collections. La récente saisie a suscité un vif débat sur les mesures de sécurité en place dans ces établissements. Des porte-parole des trois universités ont souligné que les archives et les collections spéciales des établissements publics doivent demeurer ouvertes à tous; il faut donc éviter les mesures de sécurité trop restrictives qui nuiraient à l’accessibilité.

La récupération des archives volées remonte à juillet dernier, près d’Halifax, lorsqu’un agent de la GRC a arrêté John Mark Tillman, 51 ans, pour une infraction au Code de la route. Sur le siège avant de la voiture se trouvait une lettre du général britannique James Wolfe à son frère, datant de 1758. L’Université Dalhousie avait déclaré la disparition de la lettre en 2009, mais selon Michael Moosberger, archiviste à l’Univer-sité Dalhousie, « il est possible que le vol remonte à plus loin. Nous avons constaté la disparition en 2009 au cours d’un inventaire, mais nous ne savons pas exactement quand la lettre a été volée. »

Lorsque la police lui a montré la lettre, M. Moosberger a constaté qu’elle était abîmée. Un sceau en relief avait été arraché, emportant plusieurs mots au passage. D’autres objets ont été volés à l’Université Dalhousie, mais il est difficile d’évaluer le nombre exact : Mises bout à bout, les boîtes d’archives s’étendraient sur sept kilomètres, et « beaucoup de gens y ont accès », explique-t-il.

La découverte de la lettre de Wolfe, une enquête policière intensive et des renseignements recueillis du public ont mené la cour à lancer un mandat de perquisition, en janvier, pour la maison de 3 500 pieds carrés de M. Tillman à Fall River, en Nouvelle-Écosse. M. Tillman a été arrêté et accusé initialement de quatre chefs de possession de biens volés. Les policiers admettent avoir été surpris du grand nombre d’objets historiques trouvés chez lui.

Parmi les livres rares retrouvés, dont plu-sieurs appartiendraient à l’Université Mount Saint Vincent, figure un ouvrage de philosophie datant de 1491. Terry Paris, bibliothécaire responsable des collections à l’Université Mount Saint Vincent, décrit le livre qui a disparu il y a des années, à la suite de rénovations à la bibliothèque : « Il est en très bon état et on voit quelques notes dans les marges, dont un symbole d’une main pointant un doigt. Nous avons tous des livres chouchous que nous aimons montrer aux visiteurs. J’aimais bien leur dire que celui-là avait été imprimé un an avant que Colomb ne débarque en Amérique. »

L’Université Mount Saint Vincent a constaté la disparition de 30 livres de sa précieuse collection MacDonald, dont plusieurs anciennes éditions d’ouvrages de Charles Darwin. La première édition en parfaite condition De l’origine des espèces qui a été volée vaudrait plus de 100 000 $, selon les experts des livres rares. On soupçonne que le livre a été vendu aux enchères à New York. Le FBI se joint donc à l’enquête, de plus en plus vaste.

Lorsque Joan Ritcey, directrice du centre d’études de Terre-Neuve-et-Labrador de l’Université Memorial, a entendu parler des objets retrouvés chez M. Tillman, elle a appelé la GRC pour savoir si des partitions volées s’y trouvaient. M. Tillman avait visité le centre quelques années plus tôt et demandé à voir une composition de six pages en couleur de Henry Tillman, datant de 1853.

« Il s’est installé dans la section des livres rares avec la partition, puis s’est levé soudainement et est parti. Nous avons tout de suite remarqué qu’il avait pris la partition et nous l’avions sur bande vidéo. Nous avons appelé la police immédiatement, mais elle ne l’a pas rattrapé. » Même si l’enquête policière n’a mené nulle part, elle a conservé la fiche d’emprunt et les renseignements personnels donnés par le voleur, à tout hasard.

Nul ne sait combien d’objets de valeur disparaissent chaque année des collections universitaires au pays. Selon les archivistes, la police et les tribunaux ne considèrent pas ce genre de délit comme prioritaire. La Rare Books and Manuscripts Section de l’Association of College and Research Libraries (ACRL) met donc en ligne une liste des objets disparus, pour que le plus de gens possible puissent participer aux recherches.

« C’est un problème d’ordre international. Les vols d’archives dépassent les frontières et beaucoup d’objets possèdent une valeur culturelle irremplaçable, » ajoute Alvan Bregman, chef des services techniques des bibliothèques de l’Université de la Colombie-Britannique. Il fait cependant remarquer qu’il est important d’atteindre un équilibre entre sécurité et accessibilité : selon lui, la sécurité ne passe pas par la présence de gardes armés, mais par l’adoption de « précautions sensées et raisonnables ».

M. Bregman affirme que paradoxalement, la numérisation des documents rares a entraîné une augmentation des demandes de consultation des originaux. « Les copies numériques peuvent toutefois constituer une preuve de propriété en cas de vol », ajoute-t-il.

La GRC a commencé à afficher sur un site Web spécial des photos des objets d’archives dont ils tentent d’identifier le propriétaire. M. Moosberger, de l’Université Dalhousie, a exa-miné une partie des documents retrouvés par les policiers. Il a notamment observé que les objets volés reflétaient « systématiquement un intérêt pour tout ce qui se rapporte [à la goélette] Bluenose. »

[CORRECTION : Dans la version originale de cet article, il était indiqué que la valeur de la lettre récupérée de Wolfe était estimée à 18 000 $. En fait, ce n’est pas cette lettre qui était évaluée à ce montant, mais plutôt une autre lettre de Wolfe vendue dans un encan il y a des années.]

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