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La marijuana à usage médical, un domaine florissant pour les chercheurs universitaires

La nouvelle réglementation fédérale réservant la production aux fournisseurs autorisés crée d’« extraordinaires débouchés ».

par KAREN BIRCHARD | 03 SEP 14

De récentes modifications apportées aux règles régissant la production de marijuana à des fins médicales au Canada ont suscité un regain d’intérêt pour la recherche sur cette substance. La nouvelle réglementation gouvernementale entrée en vigueur le 1er avril dernier transfère la responsabilité de la production de marijuana à des fins médicales de Santé Canada à de grandes sociétés commerciales. Dans le cadre de leurs activités, ces entreprises commencent à financer la recherche sur la marijuana dans plusieurs sphères, la confiant majoritairement à des chercheurs universitaires sous-traitants.

Chercheur spécialisé dans la douleur à l’Université McGill, Mark Ware affirme que les modifications réglementaires pourraient servir de tremplin à de nouvelles découvertes et prédit que les chercheurs canadiens pourraient devenir des chefs de file mondiaux dans ce domaine.

« Il s’agit d’un débouché extraordinaire, déclare-t-il. Jamais de meilleures possibilités ne se sont présentées. »

Il y a plus d’une dizaine d’années, le Dr Ware a lancé le tout premier essai clinique canadien de cannabis médical, « un petit projet pilote », peu après l’entrée en vigueur de la réglementation sur la marijuana à usage médical. Depuis quelques années, il est toutefois difficile d’obtenir du financement fédéral pour poursuivre la recherche dans ce domaine. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) a accordé des fonds aux fins de la recherche sur les plants de cannabis, mais un porte-parole des Instituts de recherche en santé du Canada a indiqué qu’ils ne subventionnent aucun projet sur la marijuana à usage médical en ce moment et nous a recommandé de nous adresser au Centre canadien de lutte contre les toxicomanies.

En plus d’occuper le poste de directeur de la recherche clinique à l’unité antidouleur du Centre de santé de l’Université McGill, le Dr Ware est également directeur général du Consortium canadien pour l’investigation des cannabinoïdes. Selon lui, les données sont insuffisantes sur deux principaux points : la sécurité et l’efficacité de la marijuana. « Nous avons vraiment besoin d’essais cliniques canadiens afin d’éclaircir bon nombre des affirmations concernant le cannabis à usage médical », soutient-il, et non seulement pour maîtriser la douleur. La marijuana sert, par exemple, à traiter les symptômes de la sclérose en plaques, à atténuer la nausée chez les cancéreux, à diminuer l’anxiété, à réduire les crises d’épilepsie et à soulager la pression oculaire liée au glaucome.

La Canadian Medical Cannabis Industry Association, qui représente les nouveaux producteurs autorisés, convient qu’il faut accroître la recherche. Un certain nombre de ses membres ont déjà établi des collaborations de recherche avec des universités ou prévoient le faire. Selon l’association, 21 entreprises ont reçu des permis de production, bien que Santé Canada en ait seulement recensé une dizaine jusqu’ici sur son site Web de producteurs autorisés. Il existe un arriéré d’environ 1 000 candidatures d’entreprises qui souhaitent faire approuver la mise sur pied d’installations de production de marijuana à usage médical.

Prairie Plant Systems Inc. de Saskatoon, qui produit du cannabis à usage médical par l’inter-médiaire de sa filiale CanniMed, s’est adressée à deux universités pour réaliser un essai clinique (l’entreprise tient le nom des deux universités confidentiel tant que les chercheurs n’ont pas reçu l’approbation de leurs comités d’éthique respectifs). L’essai portera sur les effets du cannabis médical sur l’arthrose du genou, évalués à l’aide de plusieurs variétés de marijuana, et explorera la sécurité à court terme du cannabis vaporisé.

« Nous avons quatre autres programmes cliniques et précliniques en amont, explique Brent Zettl, président-directeur général de l’entreprise, par laquelle la recherche clinique constitue la grande priorité. Nous collaborons actuellement avec six universités. » M. Zettl voit une foule de possibilités de recherche outre la sphère d’intérêt actuelle, le soulagement de la douleur, et prédit que d’ici 10 ans, il s’agira d’un domaine de recherche très prisé par les neuroscientifiques également.

Un autre producteur autorisé, ABcann Medicinals Inc. de Napanee, en Ontario, a établi des partenariats de recherche avec l’Université de Guelph et l’Université Queen’s. « Nous n’aurions pas vu un tel intérêt il y a cinq ans, car les universités répugnaient à se lancer dans la recherche sur la marijuana », indique Steven Liss, vice-recteur à la recherche à l’Université Queen’s. Il soutient que l’expertise de son université dans les essais cliniques pourrait se révéler un atout pour la nouvelle industrie.

« C’est comme n’importe quel autre produit agricole nécessitant de la recherche », affirme M. Liss, précisant que les projets de recherche possibles dépassent largement le domaine clinique et s’étendent à ceux de la biologie, de la chimie, de l’ingénierie et même de l’agroentreprise. Selon lui, il pourrait ultérieurement en découler beaucoup de possibilités de formation pour les étudiants et de débouchés secondaires.

Lesley Campbell, professeure adjointe au département de chimie et de biologie de l’Université Ryerson et spécialiste de l’évolution des végétaux, affirme que c’est l’un de ses étudiants qui lui a proposé la marijuana comme sujet de recherche. « Steve Naraine, qui a terminé ses études en mai, était producteur autorisé avant la modification de la loi, et il m’a demandé si j’envisagerais des travaux de recherche sur cette plante, dit-elle. C’est un végétal très complexe et difficile à cultiver. J’entrevois de nombreuses possibilités de recherche. » Elle a communiqué avec Tweed Marijuana Inc., dont la filiale est l’un des nouveaux producteurs autorisés, qui a répondu immédiatement.

Située dans une ancienne usine de chocolat Hershey, à Smith Falls, en Ontario, Tweed a profité de l’occasion pour participer avec les scientifiques de l’Université Ryerson à un projet de recherche de six mois pour étudier l’environnement et l’éclairage optimaux pour ses locaux de culture. Mme Campbell a reçu une subvention d’engagement partenarial du CRSNG (visant à créer une nouvelle relation entre une entreprise et un chercheur universitaire), a embauché son ancien étudiant au sein de l’équipe de recherche et l’a envoyé réaliser son étude à Tweed. Le projet devait se terminer en septembre.

Tweed a également conclu un accord de recherche avec l’Université d’Ottawa pour étudier les propriétés médicinales de différentes variétés de cannabis. L’entreprise cultive une vingtaine de souches pouvant possiblement cibler des maladies ou des affections précises. Contrairement à la recherche menée par l’Université Ryerson, qui s’effectue en usine, les travaux de l’Université d’Ottawa seront exécutés en milieu clinique sur le campus, ce qui exige un processus d’approbation plus long. Par conséquent, les chercheurs Cory Harris, Doug Johnson et John Arnason, respectivement professeur adjoint, professeur agrégé et professeur titulaire de biologie, s’acquittent des travaux préliminaires en attendant de recevoir leurs permis.

« Les connaissances sur la pharmacologie de la plante sont incomplètes, explique M. Harris. Voilà l’occasion pour les chercheurs d’apprendre beaucoup. J’aimerais un jour voir une collaboration dans l’ensemble de l’industrie. »

En raison de l’ancien statut juridique de la marijuana, « il était auparavant impossible d’effectuer une telle recherche au Canada, allant des essais cliniques à l’établissement d’une liste des composantes [biologiques], déclare Mark Zekulin, premier vice-président de Tweed. Cette recherche est passionnante et importante ».

L’International Pharmaceutical Academy devait tenir un congrès sur la marijuana à usage médical à Toronto les 16 et 17 septembre. Par ailleurs, l’Université Acadia accueillera le 25e congrès annuel de l’International Cannabinoid Research Society en juin 2015.

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