À la fin de 2007, l’Université de la Colombie-Britannique a adopté une déclaration de principes visant à favoriser l’accès des pays pauvres aux innovations issues de ses recherches. Dès le mois de mai, un premier résultat concret a été enregistré avec l’autorisation accordée par l’établissement à une société vancouvéroise de développer un médicament destiné aux pays industrialisés, à condition qu’elle le commercialise également à moindre prix dans les pays en développement.
C’est la première université canadienne à souscrire à des principes stratégiques d’« accessibilité mondiale » qui guident l’attribution de licences relatives aux technologies mises au point en son sein, même si d’autres établissements promeuvent activement l’utilisation de leurs technologies dans les pays en développement.
En vertu de ces principes, dès que le bureau de l’Université responsable des liaisons avec l’industrie juge une technologie émergente prête à être commercialisée, il doit prendre en compte un nouveau paramètre en plus des aspects comme la brevetabilité ou l’état de la science. « Ce nouveau paramètre est l’accessibilité mondiale », explique Angus Livingstone, directeur général du bureau précité.
Selon M. Livingstone, nombre des technologies mises au point à l’Université – dans le domaine du génie logiciel, par exemple – n’ont aucune utilité pour les pays en développement. Par contre, les technologies liées à la santé peuvent souvent être utiles tant dans ces pays que dans les pays industrialisés.
« La question, précise-t-il, est de savoir comment assurer la mise au point de ces technologies dans les pays industrialisés et l’accès des pays en développement à celles-ci. »
Une amphotéricine B orale, mise au point à l’Université de la Colombie-Britannique par Kishor et Ellen Wasan, s’est récemment révélée porteuse de deux applications potentielles, à savoir traiter les infections fongiques, présentes partout dans le monde, mais aussi la leishmaniose, une maladie parasitaire débilitante répandue dans certaines parties des pays en développement.
Le contrat de licence conclu autorise la société vancouvéroise iCo Therapeutics Inc. à développer, pour les marchés industrialisés, une amphotéricine B orale destinée au traitement des infections fongiques. En contrepartie, la société s’engage à développer une forme de cette amphotéricine capable de traiter la leishmaniose et à la commercialiser à prix moindre dans les pays en développement.
Les National Institutes of Health des États-Unis et la Fondation Bill et Melissa Gates « adhèrent fermement » aux principes de l’établissement, précise M. Livingstone. « Ils citent l’Université en exemple et invitent les autres intervenants à l’imiter », ajoute-t-il.
L’établissement a d’abord été poussé à élaborer une stratégie axée sur l’accessibilité mondiale par quelques-uns de ses étudiants engagés, membres des Universities Allied for Essential Medecines (UAEM). Dirigées par des étudiants, les UAEM compte plus de 25 sections en Amérique du Nord. Elle invite les universités à s’intéresser aux maladies délaissées, à évaluer la réussite de leurs recherches en fonction de leur incidence sur le mieux-être des populations et à intégrer une clause d’accessibilité mondiale aux licences accordées aux sociétés pharmaceutiques ou axées sur les biotechnologies.
La section des UAEM de l’Université de la Colombie-Britannique s’est réunie l’an dernier avec le recteur de l’établissement, Stephen Toope, et son vice-recteur à la recherche, John Hepburn. Elle en a profité pour leur rappeler que le plan stratégique de l’établissement, Trek 2010, vise à assurer à l’Université une renommée mondiale, mais aussi à faire de ses étudiants et de ses professeurs des citoyens du monde.
« Les représentants des UAEM ont en somme invité l’Université à passer de la parole aux actes », résume M. Livingstone. Ils ont dit souhaiter qu’elle adhère au protocole de Philadelphie adopté par les UAEM, qui dicte la façon dont les universités doivent faire connaître les fruits de leurs recherches au monde en développement. Le bureau de l’Université responsable des liaisons avec l’industrie a toutefois jugé ce protocole trop contraignant. « Il a déclaré, poursuit M. Livingstone, que le mieux qu’il puisse faire est d’édicter d’abord certains principes pour les appliquer ensuite au fil du temps de manière à mettre graduellement en place des stratégies exploitables dans différents contextes. »
En novembre, lors de la réunion du conseil d’administration de l’établissement marquée par l’adoption des principes d’accessibilité mondiale, M. Toope a qualifié cette adoption de moment phare de la première année de son mandat, non seulement à cause de son intérêt personnel pour le mieux-être de la population mondiale, mais aussi parce qu’elle constitue une occasion d’interagir fortement avec un groupe d’étudiants.
« Pour le recteur de l’établissement, souligne M. Livingstone, l’évolution du dossier illustre parfaitement ce que toute université devrait faire : travailler avec ses étudiants, prêter l’oreille aux propos d’une partie de son corps professoral, puis adapter ses politiques en conséquence. »