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L’agrément des programmes d’études environnementales fait débat

Alors que certains professeurs accueillent avec prudence l’initiative d’ECO Canada, d’autres s’en réjouissent.

par ROSLYN DAKIN | 07 NOV 12

Annie booth, qui donne un cours sur la gestion des ressources des Premières Nations à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, se souvient combien il a été difficile, il y a 17 ans, d’obtenir l’intégration de ce cours au programme de foresterie de l’établissement. Selon elle, le comité d’agrément de l’époque estimait qu’un tel cours n’avait pas sa place dans la cadre d’un programme professionnel de foresterie.

C’est entre autres pour cette raison que Mme Booth se méfie de la tendance à l’agrément des programmes d’études environnementales récemment observée au Canada. Elle craint que cela n’empêche ces programmes d’études interdisciplinaires de s’adapter à l’évolution rapide de la société. Les organismes d’agrément risquent, selon elle, de ne pas pouvoir évoluer aussi rapidement que les objectifs sociétaux.

Au cœur du débat figure l’Organisation pour les carrières en environnement, ou ECO Canada, un organisme à but non lucratif mis sur pied en 1992 par le gouvernement fédéral dans le but de permettre aux intervenants de l’industrie et du milieu de l’éducation d’étudier les questions re-latives à l’emploi. Depuis 2008, ECO Canada a procédé à l’agrément de divers programmes de sciences environnementales à la demande des enseignants universitaires et des collèges membres du Réseau canadien universitaire des sciences environnementales et du Réseau des collèges canadiens en matière d’environnement.

Cette année, ECO Canada a de plus entamé l’agrément des programmes d’études environne-mentales fondés sur les arts libéraux, en commençant par ceux du Collège universitaire King’s, à Edmonton (Alberta), et de l’Université Lakehead, à Thunder Bay (Ontario). En mai dernier, après avoir assisté à un exposé d’ECO Canada prononcé dans le cadre d’une réunion des directeurs des programmes d’études environnementales, Mme Booth, directrice du baccalauréat en études environnementales de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, a commencé à s’inquiéter. Pour elle, l’organisme promeut avec insistance un service à la fois superflu et inopportun. Avec 23 de ses collègues, Mme Booth a signé, dans le numéro de septembre du Bulletin de l’ACPPU, publié par l’Association canadienne des professeures et professeurs d’uni-versité, une lettre appelant à cesser d’accorder l’agrément ECO Canada.

En plus de déplorer un manque de souplesse, les signataires de la lettre soulignent qu’ECO Canada facture des frais considérables – environ 7 000 $ pour l’agrément initial, plus des frais de suivi annuels de 1 000 $ par programme agréé – pour un processus qu’ils estiment redondant et sans valeur ajoutée par rapport aux évaluations périodiques des programmes universitaires.

Tous les directeurs de programmes d’études environnementales ne sont toutefois pas de cet avis. John Wood, doyen de la faculté de sciences naturelles du Collège universitaire King’s, voit ainsi plusieurs avantages à l’agrément. ECO Ca-nada contribue selon lui à l’action de son établissement au profit de la réorientation professionnelle des anciens : les diplômés des programmes agréés peuvent en effet obtenir en quatre ans plutôt que cinq l’agrément de spécialiste en environnement décerné par l’organisme. Ajoutant que cela contribue à l’image et à la visibilité des programmes, M. Wood estime logique l’agrément des programmes d’études et de sciences environnementales, les deux étant fortement imbriqués au sein du Collège universitaire King’s du fait de nombreux cours en commun.

Pour Stephen Bocking, de l’Université Trent, l’agrément a pour premier avantage de faire prendre conscience aux employeurs de la valeur de ce domaine émergent. « Je ne pense pas, dit-il, que les intervenants du secteur environnemental soient pleinement conscients des avantages qu’un programme environnemental interdisciplinaire apporte aux étudiants. »

En tant que directeur du programme d’études de l’environnement et des ressources de l’Université Trent, M. Bocking a participé en 2009 au processus d’agrément du programme de sciences environnementales de cet établissement qui, précise-t-il, entend maintenant obtenir aussi l’agrément de son programme d’études environnementales.

À l’inverse, pour Brian Cumming, directeur de la faculté de sciences environnementales de l’Université Queen’s, l’agrément n’a guère de sens pour les programmes de sciences humaines non professionnels, qui peuvent et doivent être très diversifiés. « La diversité a du bon, précise-t-il. Elle est synonyme de choix. » Signataire de la lettre parue dans le Bulletin de l’ACPPU, M. Cumming met également en doute la valeur de l’agrément accordé par ECO Canada à l’em-ployabilité des diplômés. Pour lui, le fait qu’un candidat soit ou non diplômé d’un programme agréé par ECO Canada n’influe en rien sur les décisions d’embauche.

Pour Mme Booth, le financement d’ECO Canada par l’industrie et par le gouvernement pose problème. « Le but est d’influer sur notre mode d’en-seignement, de faire en sorte que les programmes d’études et de sciences environnementales répondent aux objectifs de l’industrie et du gouvernement », soutient-elle.

Grant Trump, président et chef de la direction d’ECO Canada, se défend, insistant sur le fait que l’agrément est géré par un organe autonome d’ECO Canada, la Commission canadienne d’accréditation environnementale, composée de représetants du milieu universitaire et de l’industrie. Il ajoute que les lignes directrices d’ECO Canada touchant les programmes d’études ont été élaborées et analysées par les directeurs de programmes d’études de plusieurs établissements. M. Bocking, était du nombre. D’après lui, la lettre parue dans le Bulletin de l’ACPPU mésestime la souplesse des critères applicables, fondés sur les capacités au sens large et non sur une liste de cours précis. « L’objectif est vraiment d’améliorer les programmes de sciences et d’études environnementales, affirme-t-il, non de les freiner à quelque égard que ce soit. »

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