Au congrès des sciences humaines de cette année, les conférenciers et experts invités des États-Unis et de l’Europe seront plus nombreux que jamais. Les organisateurs de la plus grande conférence universitaire interdisciplinaire du Canada cherchent en effet à élargir la portée de l’événement et à y attirer plus de délégués étrangers. Quelque 70 associations savantes tiendront leur propre conférence annuelle à l’occasion du Congrès, qui se déroulera du 30 mai au 5 juin à l’Université d’Ottawa.
La Fédération des sciences humaines, organisatrice de l’événement, proposera des symposiums et des allocutions qui intéresseront un vaste public, entre autres sur les changements climatiques et les droits des enfants. Plusieurs ambassades à Ottawa ont contribué au soutien logistique et financier de l’événement.
Ce changement illustre bien le fait que les problèmes de la société canadienne et les questions de recherche qui occupent les universitaires sont de portée de plus en plus internationale, précise Antonia Maioni, professeure de sciences politiques à l’Université McGill et présidente de la Fédération. « Les universitaires canadiens évoluent dans un contexte mondialisé, par les recherches qu’ils mènent et les réseaux qu’ils forment avec des partenaires du monde entier. »
Environ 10 pour cent des délégués au Congrès de cette année proviendront de l’extérieur du Canada, soit un peu plus que l’an dernier, selon Jean-Marc Mangin, directeur général de la Fédération, qui vise à terme une proportion de 15 à 20 pour cent de participants étrangers. « Nous ouvrons le Congrès à un vaste public et abolissons les frontières entre les disciplines », affirme-t-il.
Une telle démarche est importante parce que la recherche actuelle est en grande partie interdisciplinaire et collaborative, soutient Michael E. Sinatra, professeur agrégé d’études anglaises à l’Université de Montréal et président de la Société canadienne des humanités numériques. Des organismes subventionnaires du monde entier, dont le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ont créé des concours conjoints qui exigent une collaboration internationale. Selon M. Sinatra, « le Congrès est devenu un véritable pôle d’échanges » qui permet aux chercheurs de réseauter et de rencontrer des partenaires de recherche potentiels.
La Société canadienne des humanités numériques et l’Association for Computers and the Humanities américaine tiendront d’ailleurs une première conférence conjointe lors du Congrès où une centaine d’articles seront présentés comparativement à 60 l’an dernier. La Fédération invite les autres associations savantes canadiennes à tenir des conférences conjointes avec leurs homologues étrangères lors du Congrès pour favoriser la participation internationale. M. Mangin indique qu’au moins une autre grande association envisage de le faire, mais sans la nommer, puisque le projet prendra sans doute plusieurs années à se concrétiser.
La participation au Congrès s’avère cependant difficile pour certains universitaires canadiens. Jason Haslam, professeur agrégé d’études anglaises à l’Université Dalhousie et président de l’Association of Canadian College and University Teachers of English (ACCUTE), l’une des plus importantes associations savantes canadiennes, explique que la diminution des subventions de voyage et la rareté des postes à temps plein menant à la permanence empêchent de plus en plus d’universitaires de participer au Congrès et à d’autres conférences internationales, comme le congrès annuel de la Modern Language Association (MLA) américaine. « L’accès s’en trouve restreint », soutient-il.
L’ACCUTE a payé le déplacement de ses membres enseignants contractuels pour le congrès 2015 de la MLA, qui s’est tenu à Vancouver au début de janvier. « Nous essayons de combler les lacunes, mais les besoins demeurent », affirme M. Haslam. Ces rencontres sont pourtant importantes pour les chercheurs : selon M. Haslam, l’ACCUTE a reçu davantage de propositions de communications pour la conférence de cette année que l’an dernier.
Le Congrès demeure populaire auprès des universitaires canadiens en raison de sa longévité et de son interdisciplinarité, ajoute M. Sinatra. Le congrès de la MLA est traditionnellement axé sur les offres d’emploi. Or, devant la rareté des postes universitaires, l’événement a selon lui « perdu un peu de son attrait ».
« Le Congrès des sciences humaines n’a pas subi le même sort, n’ayant jamais mis l’accent sur la recherche d’emploi. Je crois que le virage international du Congrès fait état de la réalité de la recherche actuelle et des intérêts des chercheurs. Ce n’est pas seulement une astuce pour mousser la participation. »
M. Sinatra aimerait voir la Fédération collaborer plus étroitement avec l’Association francophone pour le savoir (Acfas), qui réunit des chercheurs en sciences naturelles, en sciences sociales et en arts. De nombreux chercheurs québécois assistent au congrès de l’Acfas, dont la prochaine édition se déroulera du 25 au 29 mai à l’Université du Québec à Rimouski. Leur participation au Congrès des sciences humaines a tendance à augmenter lorsque l’événement se tient au Québec. « J’encouragerais le Congrès à envisager sérieusement une intégration accrue entre les deux sociétés. »
La Fédération s’attache non seulement à élargir la participation au Congrès, mais également à diversifier sa base d’adhérents. Il y a deux ans, elle a modifié ses règles d’adhésion pour ouvrir la porte aux collèges. Plusieurs d’entre eux ayant démontré de l’intérêt, la Fédération songe maintenant à réviser son barème de cotisation pour les accommoder, comme le signale M. Mangin.
Ces changements s’annoncent au moment où la Fédération se prépare à célébrer son 75e anniversaire lors d’une deuxième conférence, distincte du Congrès, qui se tiendra aussi à Ottawa, mais à l’automne.