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Le défi de la culture philanthropique dans les universités francophones du Québec

Les fondations universitaires québécoises mettent tout en œuvre pour inculquer l’habitude du don chez leurs diplômés.

par MARIE LAMBERT-CHAN | 04 DÉC 13

Cinq cents millions de dollars. C’est l’objectif de la campagne majeure de financement de l’Université de Montréal, sans doute la plus importante dans l’histoire des universités francophones québécoises. Pendant ce temps, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) a amassé 27 millions de dollars, soit sept millions de plus que le montant espéré, et l’Université de Sherbrooke prévoit dépasser l’objectif de 10 millions de dollars qu’elle s’était fixé pour sa campagne de financement interne, une somme 40 pour cent plus élevée que celle récoltée il y a à peine cinq ans.

La philanthropie prend du galon dans les universités francophones québécoises, mais celles-ci souffrent toujours de la comparaison avec leurs consœurs anglophones. L’Université McGill a recueilli un milliard de dollars au cours de sa campagne qui s’est achevée après sept ans en juin dernier, et l’Université de Toronto, dont la collecte de fonds bat son plein, est en bonne voie d’en obtenir deux fois plus.

« Ce sont des montants spectaculaires, reconnaît John Parisella, directeur exécutif de Campus Montréal, la grande campagne de financement de l’Université de Montréal, HEC Montréal et Polytechnique Montréal. Il a aussi œuvré comme bénévole au cabinet de la campagne du millénaire de l’Université Concordia. « Cependant, ces établissements sont plus anciens et ont par conséquent une tradition philanthropique plus solidement ancrée que la nôtre. Il y a un rattrapage à faire, mais les universités francophones modifient leurs stratégies.  »

Il faudra une bonne dose de patience pour y arriver. La culture du don reste à bâtir au Québec, et ce, dans tous les secteurs. En 2010, les Québécois ont fait un don moyen de 208 $, comparativement à 446 $ pour l’ensemble des Canadiens, selon Statistique Canada. Seulement un pour cent de l’argent amassé à des fins caritatives est allé aux universités et aux collèges.

Les raisons de ce désengagement sont multiples. « Les Québécois se fient à l’État pour financer les services comme la santé et l’éducation », remarque Daniel Lapointe, auteur de La gestion philanthropique : guide pratique pour la collecte de fonds.

Si les Québécois donnent moins aux universités, c’est peut-être parce qu’ils sont moins nombreux à y avoir fait des études. Le taux de fréquentation universitaire des Québécois est aujourd’hui d’environ 23 pour cent, soit légèrement inférieur à la moyenne nationale de 26 pour cent. Bien que taboue, l’hypothèse mérite réflexion selon certains. « Nous n’avons pas suffisamment convaincu la population de l’importance de l’éducation, estime Jacques Bégin, directeur du Service du partenariat et du soutien au développement universitaire à l’UQTR. Les gens donnent davantage au domaine de la santé parce qu’ils sont interpelés par la maladie. On doit expliquer le pouvoir de l’éducation. J’incite mes donateurs à fractionner leur don : un tiers pour couvrir les besoins immédiats en santé et deux tiers à l’éducation pour former des médecins et des infirmières pour que nous puissions tous en profiter. »

Miser sur l’individu

Comme les Québécois donnent moins, les fondations universitaires se sont tournées vers les entreprises. À l’UQTR, les dons corporatifs comptent pour 90 pour cent des sommes récoltées, explique M. Bégin. À l’Université du Québec à Montréal (UQAM), lors de la dernière campagne, cette proportion était de 84 pour cent.

« Certaines entreprises sont tellement sollicitées qu’elles ont atteint un point de saturation, s’exclame M. Lapointe. Il faut mettre davantage l’accent sur les individus. » Diane Veilleux, directrice générale de la Fondation de l’UQAM, en est consciente : « Notre objectif numéro un est d’augmenter notre bassin de donateurs, quitte à ce que les montants offerts soient plus petits. »

À l’UQTR, cette évolution est devenue vitale avec la crise économique qui touche la région.

« Les dons des entreprises ont baissé, constate M. Bégin, qui peaufine une stratégie de sociofinancement. J’aimerais proposer aux diplômés une formule où ils donnent 10 $ par mois. Ça semble peu, mais si je persuade 20 pour cent d’entre eux, au bout d’une année, j’obtiendrai plus d’un million de dollars. »

Tous s’entendent : pour augmenter les dons, il faut renforcer le sentiment d’appartenance à l’alma mater avant que les étudiants n’obtiennent leur diplôme. L’Université McGill l’a compris depuis longtemps. « Dès la rentrée, on organise des activités pour les nouveaux étudiants afin d’instiguer chez eux une loyauté à l’établissement. Les études au premier cycle sont un moment privilégié pour mettre en place ce processus, car les étudiants y créent leurs meilleurs souvenirs », affirme Marc Weinstein, vice-principal au développement et aux relations avec les diplômés à l’Université McGill.

Les fondations des universités francophones et leur association de diplômés appliquent tranquillement, mais sûrement cette méthode. À l’UQTR, les étudiants reçoivent un passeport où ils peuvent accumuler des étampes en participant à diverses activités sur le campus, renforçant ainsi leur sentiment d’appartenance.

Il y a trois ans, les dirigeants et les cadres de l’Université de Sherbrooke ont reçu une formation sur l’importance de leur participation dans le développement de la culture philanthropique. « Si les étudiants ont des bons contacts avec le personnel et les professeurs pendant leurs études, ils s’en souviendront », affirme François Dubé, directeur général de la Fondation.

Toutes ces initiatives finiront par payer, assure M. Lapointe. « Il y a 50 ans, qui aurait pu imaginer que les francophones détiendraient le pouvoir économique au Québec, rappelle-t-il. Pourtant, c’est désormais la réalité. Ce sera la même chose pour les universités francophones qui, un jour, rattraperont les universités anglophones. Seulement, il faut se donner beaucoup, beaucoup de temps pour y parvenir. »

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