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Le français poursuit son déclin dans le milieu de la recherche

L’Acfas brosse un portrait inquiétant de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada.

par CATHERINE COUTURIER | 10 JUIN 21

Que ce soit pour la publication, les demandes de subvention ou l’organisation d’événements en français : la vie universitaire des chercheurs francophones à l’extérieur du Québec est semée d’embûches, alors que l’anglais continue de faire office de lingua franca. Si cette préoccupation ne date pas d’hier, les dernières études sur la recherche en contexte minoritaire, elles, remontaient à une dizaine d’années.

Lancé le 7 juin et le fruit de deux ans de travail, le Portrait et défis de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada a été réalisé conjointement par l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML) de l’Université de Moncton et la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante de l’Université de Montréal, en collaboration avec l’Acfas. « Le projet visait à combler le manque de données probantes et fiables sur la réalité de ces chercheurs », a expliqué Sophie Montreuil, directrice générale de l’Acfas, lors du webinaire qui a souligné le lancement de ce rapport. Les données ainsi récoltées permettront d’appuyer les actions de l’Acfas et de sensibiliser les décideurs.

Le déclin du français

L’étude comprend deux volets, soit une analyse de la diffusion des travaux de recherche à l’échelle internationale et de la langue des demandes de subvention, de même qu’un sondage auprès de 515 chercheurs francophones en contexte minoritaire. « Ces données nous renseignent sur les pratiques de recherche et de diffusion, le rapport au français dans les demandes de financement, les difficultés rencontrées dans la diffusion en français et la perception du français dans l’écosystème », résume Vincent Larivière, professeur à l’Université de Montréal et un des trois principaux chercheurs de l’étude.

Premier constat : l’anglais occupe une place de choix dans les publications, surtout du côté des sciences naturelles. Au Canada, plus de 90 pour cent des nouvelles revues créées depuis 2005 publient dans la langue de Shakespeare. Les revues bilingues, pour leur part, contiennent de moins en moins d’articles en français.

À l’échelle mondiale, la part de l’anglais dans les publications a augmenté depuis les années 1950, et ce, au détriment de toutes les autres langues; environ 10 à 15 pour cent des articles ne seraient pas écrits en anglais, le français occupant une petite part de ceux-ci. Quarante-quatre pour cent des chercheurs sondés ont d’ailleurs affirmé n’avoir publié aucun article en français dans les deux dernières années; la proportion en sciences naturelles est encore plus marquée (71 pour cent). « Tout ça a des conséquences sur la recherche et sur les objets de recherche nationaux », remarque M. Larivière. Le manque d’écrits scientifiques en français a aussi un impact sur la formation, comme les étudiants francophones ont moins accès à des textes en français.

L’attrait de l’anglais

L’anglais possède un capital symbolique important, on observe entre autres que la plupart des revues prestigieuses sont de langue anglaise. L’utilisation de l’anglais prédomine aussi dans les demandes de subventions : dans les années 1990, 75 pour cent des demandes déposées au Conseil de recherches en sciences humaines étaient en anglais; en 2020, c’était 85 pour cent. La tendance est encore plus marquée en sciences naturelles, alors que seulement 5 à 10 pour cent des demandes soumises sont en français.

Les chercheurs ont par ailleurs soulevé des défis pour organiser des activités scientifiques en français. La principale difficulté évoquée reste la mobilisation de collègues parlant ou comprenant le français. « C’est normal dans les universités anglophones, mais on a découvert que la même proportion (les trois quarts des répondants) a mentionné cette difficulté dans les universités bilingues », souligne Sylvain St-Onge, assistant de recherche à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques et coauteur de l’étude.

L’Acfas en action

Même si ces constats s’appliquent également dans une certaine mesure à la recherche en français en milieu majoritaire, la situation en contexte minoritaire est plus fragile. Les chercheurs francophones travaillent souvent dans des petites universités, ont une grande charge d’enseignement et peu d’accès à des assistants de recherche francophones. Sans compter que plusieurs de ces établissements luttent pour leur survie. « Quel soulagement de lire ce rapport! Enfin, une étude qui valide mon expérience et mes craintes », a commenté Stéphanie Chouinard, professeure au Collège militaire royal du Canada.

Devant cet état des lieux, l’Acfas émet neuf recommandations qui s’articulent autour : d’améliorer le soutien aux chercheurs; d’assurer un meilleur accès aux ressources; d’appuyer la diffusion en français; et de favoriser une évaluation juste et de valoriser la recherche faite en français.

La principale recommandation de l’Acfas est la création du Service d’aide à la recherche en français (SARF), qui appuierait et soutiendrait les chercheurs en contexte minoritaire, sensibiliserait les universités et aiderait à la valorisation de la recherche et des différents savoirs. « Il est clair que ce que nous publions aujourd’hui n’est qu’un début, et nous ne voulons surtout pas voir ce rapport tabletté », insiste Mme Montreuil. L’organisme nourrit notamment l’espoir que les divers paliers gouvernementaux, les universités et les agences subventionnaires se sentent interpellés et rendent cette recommandation financièrement possible.

COMMENTAIRES
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  1. GEBERT / 11 juin 2021 à 11:54

    Pour mieux approcher, ce contexte de la minorité française :
    Plusieurs points sont à éclaircir :
    À qui s’adresse cette approche :
    1) Aux minorités françaises au Canada seulement ;
    2) Au valeurs françaises et humaines dans le monde ;
    3) À des milieux uniquement universitaires ;
    4) À des profils expérimentés ;
    5) Cette approche est elle fermée ou ouverte, et comment ?
    6) Quels seraient les projets que l’on pourrait y développer ? Les secteurs clés porteurs attendus ?
    7) Comment et sous quelles conditions y contribuer ?
    Respectueusement
    Michel GEBERT
    Chercheur indépendant
    France