Pour unir les intervenants du milieu universitaire, rien de tel que des données de qualité. Les chercheurs des établissements d’enseignement supérieur, le corps professoral, les administrateurs universitaires et les fonctionnaires accueillent avec enthousiasme le rétablissement de l’enquête du Système d’information sur le personnel d’enseignement dans les universités et les collèges (SPEUC), annoncé par la ministre des Sciences Kirsty Duncan ce mois-ci à l’Université Western.
« Grâce au rétablissement de l’enquête du SPEUC, nous faisons un pas important dans la bonne direction, affirme Glen Jones, titulaire de la Chaire de recherche de l’Ontario en politiques et mesure de l’éducation postsecondaire, et doyen de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario de l’Université de Toronto. Nos systèmes de données canadiens présentent de grosses lacunes, mais nous pourrons dorénavant disposer de données de qualité sur les titres, le salaire et l’âge des membres du corps professoral, qui sont essentielles à notre bonne compréhension de l’enseignement supérieur au Canada. »
« Non seulement nous rétablissons l’enquête, mais nous la rendrons plus complète en y incluant les professeurs de niveau collégial et à temps partiel »
Lancée en 1937, l’enquête demandait aux établissements de rapporter, entre autres, pour chaque professeur à temps plein effectuant un mandat d’au moins 12 mois, l’âge, le sexe, le rang professionnel, l’année de nomination et le nombre d’années depuis la dernière promotion. Les données sur le salaire ont été particulièrement utiles aux associations de professeurs et à l’administration des universités dans le cadre des négociations de convention collective. Les intervenants universitaires ont également utilisé certaines données de l’enquête pour faire le suivi des tendances en matière d’emploi, notamment en ce qui a trait à l’équilibre entre les sexes au sein du professorat et au nombre de professeurs approchant l’âge de la retraite.
« Pouvez-vous concevoir une politique sur les soins de santé sans données sur le nombre de médecins et leur domaine de spécialisation? », lance M. Jones en guise de comparaison.
Il explique que pour mettre au point de bonnes politiques sur l’enseignement supérieur (p. ex. sur les problèmes touchant l’expansion des programmes, la charge de travail des professeurs et l’égalité entre les sexes), les gouvernements doivent pouvoir s’appuyer sur une base de données et les données provenant de l’enquête du SPEUC pourront être utilisées à ces fins. Selon lui, « les décideurs reconnaissent que les membres du corps professoral sont le pilier de nos discussions sur l’innovation et la recherche et développement au Canada, et que nous avons besoin d’un minimum de données de base sur cette catégorie d’employés. »
Statistique Canada profitera du rétablissement de l’enquête du SPEUC pour voir comment on pourrait en élargir la portée. « Non seulement nous rétablissons l’enquête, mais nous la rendrons plus complète en y incluant les professeurs de niveau collégial et à temps partiel », précise la ministre Duncan.
Bien que Statistique Canada ait déjà tenté d’inclure dans l’enquête des données sur les chargés de cours universitaires à temps partiel et les professeurs de niveau collégial, il n’existe pas de données nationales cohérentes et à jour sur ce groupe d’employés. Heather Dryburgh, directrice du tourisme et du Centre de la statistique de l’éducation à Statistique Canada, explique que l’organisme consultera les intervenants sur les besoins en nouvelles données, y compris sur ce qu’on entend par professeur à temps partiel. « Nous devons tous nous entendre sur une définition afin de pouvoir obtenir des données comparables et harmonisées à l’échelle du pays. » Elle s’attend à ce que ce processus, auquel prendront part les gouvernements fédéral et provinciaux, des chercheurs, des groupes de promotion de l’éducation ainsi que des administrateurs universitaires et collégiaux, s’échelonne sur plusieurs années. Elle prévoit aussi que Statistique Canada lancera des projets pilotes indépendants pour recueillir les données pendant le déroulement des consultations.
le rétablissement de l’enquête est aujourd’hui possible grâce à la réaffectation de fonds du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique
En 2012, le gouvernement fédéral, cherchant à réduire ses frais, a annoncé dans son budget que l’enquête serait annulée. Selon Statistique Canada, les coûts d’administration du SPEUC seraient d’environ 500 000 $ par année. Mme Dryburgh déclare que le rétablissement de l’enquête est aujourd’hui possible grâce à la réaffectation de fonds du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, et que « cette réaffectation n’élimine aucune autre enquête ou activité du ministère ».
À l’hiver 2014, le personnel de l’Université Western a voulu combler les lacunes dans les données en recueillant directement auprès des établissements pratiquement la même information que Statistique Canada et en la diffusant moyennant une cotisation annuelle. « Nous accomplissons cette tâche en Ontario depuis environ 12 ans, confirme James MacLean, responsable de la planification et du budget à l’Université Western. Le Ontario Council of Academic Vice-Presidents nous a permis d’agir à titre de dépositaire des données du SPEUC. Grâce au consortium ontarien, nous mettons en commun les données du SPEUC et nous produisons des rapports pour les membres du conseil. Nous disposons donc déjà d’un processus. »
L’Université Western a fini par éliminer six ou sept éléments de données de son enquête, y compris les rapports sur les professeurs cliniciens (des médecins affiliés à des hôpitaux d’enseignement). M. MacLean explique que « les rapports des universités sur ces sujets n’étaient absolument pas cohérents ».
Pour l’année de collecte en cours, Statistique Canada s’appuiera sur l’enquête entamée par l’Université Western. Cette dernière devra donc obtenir de chaque établissement son accord de divulguer les données recueillies à l’organisme fédéral. Statistique Canada comblera les lacunes dans les données et, en avril, publiera ses rapports ainsi que les données, de la manière habituelle : les données regroupées et aléatoires seront fournies à la population et les chercheurs et les organisations pourront obtenir des données ou des ensembles de données précis.
« Nous évaluons aussi notre Programme des Centres de données de recherche, qui est en place dans environ 27 universités canadiennes dans l’ensemble du pays, et nous cherchons des façons de rendre les données du SPEUC accessibles dans ces centres, poursuit Mme Dryburgh. Elles seraient tellement plus utiles si les chercheurs de ces centres pouvaient y avoir facilement accès et les utiliser pour publier leurs travaux. Mon rôle est de m’assurer que des efforts sont consacrés à cet objectif à long terme. »