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Le rôle des professeurs de la diaspora

Colloque à Ottawa sur le rôle des professeurs d’universités canadiennes originaires de pays en développement dans la recherche pour le développement

par MÉLANIE BÉCHARD | 15 DÉC 08

Les professeurs originaires du monde en développement qui se sont établis dans un pays industrialisé jouent souvent un rôle clé pour le développement international. Un colloque a récemment permis d’examiner le rôle des professeurs de la diaspora installés au Canada sous un angle nouveau : leurs atouts particuliers et leur capacité à tirer parti de partenariats institutionnels au profit de la collaboration internationale en matière de recherche.

« La rencontre avait pour but de lancer le débat et d’amener chaque établissement à réfléchir à son internationalisation, explique Karen McBride, vice-présidente à la Direction des affaires internationales à l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC), organisatrice de l’événement. La collaboration internationale en matière de recherche peut grandement bénéficier de l’expertise de ce groupe de professeurs. »

Financé par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), le colloque d’une journée, qui s’est déroulé à Ottawa en novembre, a entre autres rassemblé des dirigeants universitaires et professeurs canadiens – dont bon nombre font partie de la diaspora – ainsi que des représentants d’une association internationale et de deux associations africaines d’universités, des trois principaux organismes subventionnaires canadiens, d’Entraide universitaire mondiale du Canada, du CRDI et de l’AUCC. « On a assisté à de vrais débats ponctués de points de vue différents sur tous les sujets », précise Mme McBride.

Certains établissements participent déjà avec succès à la collaboration internationale en matière de recherche avec l’aide de professeurs de la diaspora. « La recherche est un moyen idéal pour faire démarrer des initiatives avec la diaspora, a déclaré Mario Pinto, vice-recteur à la recherche à l’Université Simon Fraser. »

M. Pinto a mentionné le programme de maîtrise en santé mondiale de son établissement, qui forme des professionnels de la santé pour œuvrer dans les régions de l’Inde où règne l’inégalité en matière d’accès aux soins de santé. Les étudiants alternent cours à l’Université et stages en Inde. « Ce programme est en partie né grâce aux professeurs de la diaspora, a-t-il expliqué, et la haute direction le soutient fortement. »

Autre exemple : un projet pilote de l’Université de la Saskatchewan financé par le CRDI, dans le cadre duquel des étudiants étrangers qui sont rentrés dans leur pays d’origine sont régulièrement invités à revenir pour parfaire leurs compétences, entretenir leurs réseaux et tisser des liens durables entre l’université de leur pays d’origine et celle de la Saskatchewan.

On ne pouvait parler des professeurs de la diaspora sans aborder le problème de l’exode des cerveaux. « Il est inconcevable de mener à bien des projets qui favorisent cet exode sans mettre en place des mécanismes pour le contrer », a affirmé M. Pinto.

Selon certains participants au colloque, les professeurs de la diaspora se sentent coupables, moralement tenus d’aider les leurs. D’autres se gardent de généraliser : « Certains sont très attachés à leur pays d’origine, mais d’autres le détestent à raison », a souligné un des participants.

La notion même de diaspora a fait l’objet du débat. Entend-on par là uniquement les immigrants de première génération, ou également leurs enfants et petits-enfants nés au Canada?

« On ne connaît pour l’instant que le nombre des immigrants ordinaires venus d’Afrique, qui ne représentent qu’une fraction de la diaspora, a précisé Abdeslam Marfouk, chercheur à l’Université Libre de Bruxelles. On en sait très peu sur le pays d’origine, le sexe et les qualifications des membres de la diaspora. Commençons par faire en sorte que la diaspora soit visible. »

Membre de la diaspora marocaine, M. Marfouk s’est beaucoup penché sur l’exode des cerveaux, le rôle que peuvent jouer les membres de la diaspora pour le contrer ou encore le temps et les ressources qu’ils réinvestissent dans leur pays ou région d’origine.

Certains programmes attirent naturellement les professeurs de la diaspora sans les cibler pour autant. Selon les participants, ceux de Partenariats internationaux en science et technologie Canada en font partie. Cet organisme indépendant est chargé par le gouvernement de favoriser la diffusion des nouvelles technologies par des partenariats entre les entreprises ainsi que les organisations de recherche canadiennes et leurs vis-à-vis en Inde, en Chine et au Brésil.

Autre exemple : le programme de Partenariats universitaires en coopération et développement (PUCD) lancé en 1994 grâce au financement de l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Géré par l’AUCC, le programme vise à établir des partenariats de développement durable entre les universités canadiennes et les organisations d’enseignement supérieur et de formation des pays en développement.

« En tant que gestionnaires du programme, nous constatons que nombre de professeurs de la diaspora dirigent des projets dans leur pays ou région d’origine », souligne Mme McBride.

Selon une récente étude de l’AUCC, 18 pour cent des directeurs canadiens (anciens et actuels) de projets du programme de PUCD font partie de la diaspora. De ce nombre, 56 pour cent gèrent ou ont géré des projets dans leur pays d’origine et 26 pour cent, dans leur région d’origine.

Les professeurs de la diaspora ont incontestablement un rôle à jouer dans la collaboration en matière de recherche pour le développement. On ne s’entend toutefois pas sur la manière de mettre cette ressource à profit.

« Selon Nina Di Stefano, analyste principale des politiques à l’AUCC, c’est une question d’équilibre. Il faut arriver à tirer parti des contributions de ces professeurs sans mettre en place des mécanismes ciblés, potentiellement contreproductifs. »

Selon certains participants, la mise en place de tels programmes risquerait d’isoler ces professeurs, de les démarquer de leurs collègues. « Aucun d’eux ne souhaite être évalué différemment de ses pairs », ajoute un professeur.

Certains participants craignent qu’on compte trop sur les professeurs de la diaspora comme fer de lance de ces initiatives. Pour beaucoup, les universités doivent exposer clairement ce qui les pousse à investir dans la collaboration internationale en matière de recherche pour le développement et réfléchir à leur rôle en tant que citoyennes du monde.

Pour obtenir un complément d’information sur les contributions des professeurs de la diaspora au développement international, ne manquez pas le prochain numéro d’UniMonde intégré au numéro de mars 2006 d’Affaires universitaires.

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