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Récit d’un conflit entre une décision du sénat et une convention collective

Une décision marquante de la cour en Colombie-Britannique concerne le modèle bicaméral de gouvernance universitaire.

par LÉO CHARBONNEAU | 08 JUIN 10

Selon la university act de la Colombie-Britannique, les politiques universitaires, c’est-à-dire celles qui touchent à l’éducation, sont régies par le sénat de l’établissement. Que se passe-t-il alors lorsqu’une décision du sénat va à l’encontre d’une disposition de la convention collective dûment approuvée par le conseil d’administration?

C’est le dilemme devant lequel se trouvait la Cour d’appel de la Colombie-Britannique en avril dernier. La Cour s’est essentiellement rangée du côté du sénat de l’université, invoquant que les questions de politique universitaire ne relèvent pas du conseil d’administration.

La décision est remarquable en ce sens qu’elle concerne la nature bicamérale de la gouvernance universitaire, un domaine dans lequel il existe très peu de jurisprudence au Canada.  Les deux parties en cause, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et l’Association des professeurs de la UBC, ont refusé d’en discuter une fois la décision rendue.

Au cœur du litige se trouve la convention collective signée entre la UBC et l’Association des professeurs de l’établissement. Une des dispositions de la convention collective stipule que l’évaluation des méthodes d’enseignement peut faire appel à l’opinion des étudiants obtenue par « procédures officielles ».

Toutefois, en mai 2007, le sénat a approuvé une nouvelle politique touchant l’évaluation des méthodes d’enseignement par les étudiants qui a remplacé toutes les politiques précédentes en ce domaine. Selon la nouvelle politique, l’évaluation par les étudiants doit s’inscrire dans un système global d’évaluation de l’enseignement, et les données ainsi obtenues pourraient être utilisées entre autres dans le cadre du processus de promotion et de permanence.

L’Association des professeurs a allégué que la politique violait sa convention collective et a déposé un grief qui a été renvoyé en arbitrage. La UBC a répliqué que l’arbitre n’avait pas le pouvoir de réviser la politique du sénat.

L’arbitre a accepté la position de l’Université et conclu dans un jugement rendu en mars 2009 que, de fait, il n’avait pas l’autorité, en vertu de la convention collective, de se prononcer sur la politique, même si celle-ci allait à l’encontre de la convention collective. L’arbitre a expliqué aussi que l’« Université », telle que la définit la loi de la Colombie-Britannique, n’est pas une simple entité, mais plutôt un composé de parties séparées comprenant notamment le conseil d’administration et le sénat. Le conseil d’administration n’a pas le pouvoir de casser une décision du sénat qui relève de la compétence du sénat, pas plus que le sénat n’a le pouvoir de casser une décision du conseil d’administration qui relève de la compétence du conseil d’administration, c’est-à-dire, des politiques administratives.

L’Association des professeurs de l’établissement a tenté d’obtenir une révision judiciaire de la décision, invoquant que celle-ci refusait aux employés de l’Université le droit fondamental à de véritables négociations collectives.

En raison de l’importance de la question soulevée, la juge a accordé le statut d’intervenant, en faveur de l’Association des professeurs, à l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université et au Syndicat canadien de la fonction publique. Parallèlement, l’Association des universités et collèges du Canada a obtenu le statut d’intervenant en faveur de la UBC.

Les 9 et 20 mars 2010, la Cour d’appel a entendu les deux parties. Le 20 avril, elle a rendu sa décision, rejetant l’appel et soutenant la position de l’arbitre.

« On s’attendrait à ce que le sénat et le conseil d’administration collaborent dans les domaines d’intérêt commun, mais, ultimement, la gouvernance universitaire relève du sénat et le conseil d’administration n’est pas autorisé à intervenir dans l’élaboration des politiques à cet égard, que ce soit en vertu d’une convention collective ou autrement », a conclu la juge Jo-Ann E. Prowse.

« Si l’Association [des professeurs] avait eu raison, lorsqu’une politique universitaire a des répercussions sur les relations de travail (comme c’est généralement le cas), le conseil d’administration, sans avoir de mandat législatif de gouvernance universitaire, pourrait approuver une convention collective qui annule en partie la politique. Le conseil d’administration aurait alors le pouvoir de décider de certains aspects de la politique universitaire par l’entremise des conventions collectives.  À mon avis, ce n’est pas le rôle que prévoit la loi pour le conseil d’administration », a poursuivi la juge. [Traduction]

La juge a ordonné à l’Association des professeurs de payer les coûts engagés par la UBC pour couvrir les frais des procédures judiciaires liées à cette cause. L’Association des professeurs n’a pas encore annoncé si elle comptait interjeter appel de la décision.

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