Le temps est venu pour le Canada de faire partie du réseau The Conversation, un site Web qui présente des nouvelles et des observations écrites par des universitaires et révisées par des journalistes. Le site canadien a été lancé le 26 juin. La salle de presse principale se trouve à l’Université de Toronto, avec un bureau satellite à l’Université de la Colombie-Britannique.
Anciennement à la tête de La Presse canadienne, le nouveau rédacteur en chef de The Conversation Canada, Scott White, pense que ce portail répondra à un besoin criant des lecteurs. « Nous offrirons exclusivement de l’information objective pour permettre aux gens de se forger leur propre opinion, explique-t-il. Je crois que c’est le souhait de tous ceux qui travaillent dans le domaine des médias au Canada, [mais] ils n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour le concrétiser. »
The Conversation Canada a été cofondé par deux professeurs agrégés de journalisme de l’Université de la Colombie-Britannique, Alfred Hermida et Mary Lynn Young, en partie grâce à une subvention de développement de partenariat de 200 000 $ du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). Tous deux affirment que le site permet aux universitaires de faire connaître directement leurs travaux au grand public.
« Les comités subventionnaires et les universités recherchent de plus en plus ce type d’outil pour connaître les répercussions de leurs travaux de recherche, affirme M. Hermida, également directeur de l’école de journalisme de son établissement. En travaillant individuellement avec des rédacteurs professionnels, les chercheurs perfectionneront leurs compétences rédactionnelles pour les adapter à un public moins spécialisé. »
The Conversation a vu le jour en 2011, en Australie. Des universitaires y écrivent sur une foule de sujets, comme la politique, les affaires, la santé et la technologie. Certains articles vulgarisent des travaux de recherche récents à l’intention du grand public, et d’autres se fondent sur des expertises ou des connaissances documentées pour expliquer et commenter les enjeux du moment. Les universitaires offrent gratuitement leurs écrits comme un service à la collectivité.
Des journalistes professionnels gèrent le site comme une salle de presse. Ils attribuent les sujets, révisent les articles et publient le tout sur le site local, auquel les lecteurs des autres sites ont aussi accès. Tous les articles sont titulaires d’une licence de Creative Commons et peuvent être repris gratuitement par des publications externes. C’est ainsi qu’un article de M. Hermida sur la propagation des rumeurs en temps de crise, écrit en 2014 pour le site australien, a été publié dans le New Zealand Herald.
Le réseau actuel de The Conversation compte plus de 30 000 contributeurs universitaires et attire chaque mois 4,8 millions de lecteurs. (Ce nombre monte en flèche lorsque les articles repris par des publications externes sont inclus.) Il est constitué de six éditions (Australie, Afrique, États-Unis, Royaume-Uni, France et site mondial) et est en processus d’expansion (d’autres lancements sont prévus sous peu). Chaque site est exploité comme un organisme à but non lucratif distinct par les fondations et les universités qui en sont membres. En contrepartie de frais annuels, elles reçoivent des analyses de lectorat détaillées.
Les deux professeurs avaient déjà eu l’idée de développer une version canadienne quand, il y a environ trois ans, M. Hermida a rencontré, lors d’une conférence aux Pays-Bas, le rédacteur en chef du site britannique, dont il a plus tard visité les bureaux à Londres. Peu de temps après, il a commencé à planifier la création d’une version canadienne avec MmeYoung. Ils ont reçu une subvention Connexion du CRSH de 50 000 $ pour mener une étude de faisabilité en juillet 2015, puis, l’année suivante, une subvention de développement de partenariat.
« La subvention nous a servi de capital de lancement pour nos activités de financement et d’information », raconte M. Hermida. L’Université de la Colombie-Britannique et l’Université de Toronto se sont jointes à eux à titre de membres fondateurs, tandis qu’Universités Canada joue le rôle de commanditaire stratégique, ce qui a facilité la création de liens avec d’éventuelles universités partenaires.
« Maintenant plus que jamais, des observations fondées sur des données probantes sont nécessaires dans la sphère publique pour orienter l’élaboration de politiques et la prise de décisions stratégiques, affirme Pari Johnston, vice-présidente, Politiques et affaires publiques, Universités Canada, et membre du premier conseil d’administration de The Conversation Canada. En puisant dans l’expertise du corps professoral de toutes les universités canadiennes, The Conversation répondra à un besoin important de notre environnement médiatique. »
M. Hermida admet qu’il a eu beaucoup à apprendre au cours de la dernière année en vue du lancement du site. « Mary Lynn et moi sommes des journalistes et des universitaires, pas des spécialistes du secteur à but non lucratif », souligne-t-il.
Le duo a réussi à obtenir l’appui de 17 universités réparties dans sept provinces. Jusqu’à maintenant, chaque établissement s’est engagé à apporter son soutien financier pendant au moins trois ans (les paiements sont établis selon une échelle mobile inspirée du modèle d’adhésion à Universités Canada). Il a aussi obtenu du financement de la Margaret & Wallace McCain Family Foundation et a conclu un accord de publication des articles sur le fil de presse de La Presse canadienne.
M. White s’est joint à l’équipe en mai dernier. Il a aménagé les bureaux à l’Université de Toronto et embauché cinq employés en vue du prélancement au printemps. Il s’est aussi chargé de communiquer avec les quelque 500 universitaires canadiens qui ont déjà fait connaître leur intérêt à écrire des articles pour l’édition canadienne de The Conversation, en plus de bâtir une base de données. M. White explique que son objectif est de publier deux ou trois articles inédits par jour au cours de l’été. À l’automne, davantage de rédacteurs devraient être embauchés, ce qui permettra d’accroître l’activité du site.
M. Hermida et MmeYoung apportent leur aide à un groupe québécois qui lancera ultérieurement la version française du site canadien. Entre-temps, La Conversation France continuera de publier les articles produits par les universitaires francophones canadiens. Certains de ces articles seront traduits et publiés sur le site The Conversation Canada.
Bientôt, les deux universitaires se retireront de l’exploitation du site pour se consacrer à la phase suivante du projet : l’utilisation du site à des fins de recherche. Une partie de leur subvention du CRSH servira à étudier les retombées de The Conversation sur le transfert des connaissances. « Alfred et Mary Lynn mènent un projet de recherche, et je leur offre un laboratoire », affirme M. White.
Le hasard a voulu que le site soit lancé quelques jours avant le 150e anniversaire de la Confédération. « The Conversation Canada fera la promotion de l’expertise canadienne, soutient M. Hermida. Il permettra en outre de jeter un regard canadien sur notre rôle dans le monde. »
*La contribution de Mme Young au développement de l’idée de The Converversation Canada avant la visite de M. Hermida aux bureaux du site britannique avait été omise dans une version précédente de cet article.