Voilà encore quelques années, les produits usagés semblaient réservés aux moins nantis. Or, avec la création de sites Web de petites annonces, l’engouement pour les articles vintage et les préoccupations environnementales, il est aujourd’hui de bon ton d’acheter des biens d’occasion. Si bien que les consommateurs canadiens dépensent chaque année 30 milliards de dollars pour des produits usagés durables et semi-durables, soit 15 pour cent de la valeur totale des articles neufs achetés.
C’est l’une des conclusions de l’« Indice Kijiji de l’économie de seconde main », la toute première mesure de ce marché pour lequel les scientifiques canadiens n’avaient jusqu’à présent peu ou pas de données. À l’occasion de son dixième anniversaire, le site d’annonces classées Kijiji a commandé cette étude à des chercheurs de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM) et de l’Université de Toronto.
« Nous avons évalué le marché dans sa globalité, en mesurant à la fois l’acquisition et le délaissement d’objets dans toutes les pratiques – don, achat, échange, location, prêt, etc. – et à travers tous les canaux, que ce soit les plateformes électroniques ou les friperies classiques », explique Fabien Durif, directeur de l’Observatoire ESG UQAM de la consommation responsable.
« Nous avons découvert que c’est un marché assez substantiel dont la croissance annuelle bondit de 20 pour cent depuis les six dernières années », indique Peter Spiro, expert-conseil en économie et membre exécutif du Mowat Centre for Policy Innovation à l’Université de Toronto.
En moyenne, les Canadiens ont accordé une deuxième vie à 76 produits au cours de l’année. Il en ont acquis 35 et délaissé 41. Les habitants des Prairies et de l’Alberta sont les grands champions, ayant respectivement accordé une seconde chance à 115 et 106 articles. Les Québécois arrivent en queue de peloton avec seulement 50 transactions au cours des 12 derniers mois. Autres découvertes : les femmes et les jeunes sont plus actifs sur le marché d’occasion et les biens les plus couramment échangés sont les vêtements, les chaussures et les accessoires de mode.
Les consommateurs sont surtout motivés à l’idée d’économiser quelques sous en achetant des articles usagés. Cependant, quand vient le temps de se départir de leurs objets, ils sont surtout séduits par la facilité de s’en défaire (grâce à Internet) et par l’idée de poser un geste qui profitera à la société et à l’environnement. Autrement dit, le gain financier n’est pas leur principal souci.
Le marché d’occasion se révèle bon pour le porte-monnaie des Canadiens : il permet à une famille de quatre personnes d’économiser 1150 $ par année. En outre, l’argent dépensé sur ce marché contribue pour environ 34 milliards de dollars au produit intérieur brut (PIB) du Canada puisqu’il n’est pas consacré aux importations. « C’est sans compter le fait qu’on prolonge la vie de milliers d’objets qui ne finissent pas prématurément dans les dépotoirs », ajoute M. Spiro.
L’Indice Kijiji sera mis à jour chaque année et explorera davantage les tendances du marché d’articles d’occasion. « Au cours des prochains mois, nous étudierons de plus près les variations entre les pratiques de chaque province pour en comprendre les raisons sociologiques et culturelles », précise M. Durif.
Pour consulter le Rapport 2015 de l’ « Indice Kijiji de l’économie de seconde main » : http://consommationresponsable.kijiji.ca/