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Les doctorantes auraient vécu plus de détresse et de perturbations que les doctorants au début de la pandémie

Une étude récente révèle des différences considérables entre le rapport au travail vécu par les doctorantes et les doctorants durant la première vague et recommande d’individualiser davantage le soutien.

par MOIRA MACDONALD | 05 OCT 22

Vu leur caractère exploratoire, les études doctorales, même dans les circonstances les plus favorables, peuvent être ardues et alimenter un sentiment de solitude.

Est-on surpris qu’une pandémie mondiale et des mesures de confinement – empêchant même l’accès aux laboratoires et aux bibliothèques, voire au terrain – plongent les doctorant.e.s dans un état de détresse?

Une équipe québécoise a récemment mené une étude exploratoire au sujet des effets de la pandémie sur les étudiant.e.s au doctorat. Elle a découvert que les doctorantes vivaient nettement plus de détresse et voyaient leurs recherches davantage perturbées. Ces constats l’amènent à recommander aux universités de revoir la division égale des ressources en temps de crise entre les doctorant.e.s.

« Dans un contexte de mutation des programmes de doctorat, les études sur la COVID-19 sont capitales. Elles nous éclairent beaucoup sur les améliorations à apporter et les moyens à prendre pour que nos étudiant.e.s se sentent aussi bien qu’avant, voire mieux », explique la chercheuse principale de l’étude, Anna Sverdlik, postdoctorante au Laboratoire de recherche sur le comportement social et au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Nous sommes d’avis qu’il faudrait peut-être commencer à arrimer les ressources aux besoins individuels des étudiant.e.s au lieu d’apporter la même aide à chacun par souci d’égalité », explique la chercheuse, qui se penche depuis une dizaine d’années sur le bien-être et les progrès des doctorant.e.s.

L’équipe de recherche comptait également Robert J. Vallerand, professeur de psychologie et directeur du Laboratoire de recherche sur le comportement social de l’UQAM, et Nathan Hall, professeur adjoint de psychologie, vice-doyen responsable des études supérieures et postdoctorales et directeur du Groupe de recherche sur la motivation et les émotions liées à la réussite de l’Université McGill. Mme Sverdlik estime que « les effets particuliers de la pandémie sur les doctorant.e.s méritent que l’on s’y attarde, car ils continueront de se faire sentir pendant de nombreuses années ».

L’équipe a interrogé un peu plus de 700 étudiant.e.s au doctorat à l’échelle mondiale vers la fin de la première vague, soit en juin 2020. Outre la perturbation de leurs recherches, les doctorantes ont rapporté des taux plus élevés de stress et d’anxiété générale ainsi que de l’irritabilité durant leur travail universitaire, là où leurs homologues masculins montraient plus d’enthousiasme. Aucun écart significatif n’a été observé entre les groupes quant à l’évaluation par un individu de l’avancement de ses études. Puisque trois répondant.e.s sur quatre étaient des femmes et que près de 80 % étaient d’origine caucasienne, l’équipe de recherche a recommandé qu’un groupe d’étudiant.e.s plus diversifié soit étudié.

Au nombre des principales difficultés figuraient l’impossibilité de voir sa famille et ses ami.e.s, le fait d’être cloîtré.e à la maison, l’effacement des frontières temporelles entre les sphères professionnelle et familiale, l’isolement ainsi que l’inaccessibilité du campus et de ses ressources. Pour s’adapter, les répondant.e.s sont allé.e.s chercher le soutien de leur famille et de leurs ami.e.s, se sont distrait.e.s par le travail, l’exercice et la télévision et se sont créé une routine confortable.

« Certaines personnes ont pu être hyperproductives » au début de la pandémie, fait valoir Monica Batac, candidate au doctorat en travail social à l’Université McGill. « De mon côté, j’ai dû tout arrêter jusqu’à l’année scolaire suivante. »

Lorsque la première vague a frappé, elle s’apprêtait à se rendre sur le terrain dans le cadre de sa thèse sur la vie et le travail des intervenant.e.s et des agent.e.s d’intégration des immigrant.e.s d’origine philippino-canadienne en Ontario, au Manitoba et au Yukon. Les visites en question ayant dû être annulées, elle a quitté Montréal pour retourner à Toronto aider ses proches, nombreux à travailler en première ligne dans des hôpitaux, des établissements de soins de longue durée et des usines. Elle a fait les courses pour ses parents atteints de la COVID-19 et gardé son neveu dont les parents faisaient des heures supplémentaires.

« C’était difficile à cause des nombreuses sources d’incertitude », rapporte Mme Batac. En raison d’un retard de six à huit mois dans sa collecte de données, celle-ci a dû revoir son plan de travail pour intégrer des méthodes virtuelles. Ses finances ont aussi été plombées, vu l’impossibilité de faire prolonger la bourse d’études fédérale dont elle bénéficiait à l’époque.

Mieux communiquer

L’équipe suggère aux départements et aux directeurs et directrices de recherche d’en faire un peu plus pour accompagner et soutenir les doctorantes en temps de crise. Il pourrait également être utile de communiquer plus souvent et plus ouvertement avec elles quant à l’avancement de leur travail et au temps qu’elles sont en mesure d’y consacrer. L’équipe recommande aussi de leur indiquer régulièrement les attentes pour les aider à cheminer vers l’obtention de leur diplôme : thèse, objectifs de développement professionnel (p. ex., publications), etc. Elle conclut qu’en contexte pandémique, il faudrait aiguiller les étudiant.e.s au doctorat vers des moyens d’entretenir à distance des liens sociaux dans leur domaine et vers des ressources en santé mentale.

Stephen Ross, professeur d’anglais et mentor auprès d’étudiant.e.s aux cycles supérieurs à l’Université de Victoria, estime que les besoins de soutien des doctorant.e.s « varient beaucoup d’un individu à l’autre », mais a remarqué que les responsabilités parentales – assumées principalement par les femmes – ajoutaient de la pression. De manière générale, il a augmenté ses contacts avec tous ses mentoré.e.s : « Je cherchais non pas à faire le point sur leurs recherches, mais bien à savoir si mes étudiant.e.s se portaient bien. Après tout, quand on vit des difficultés personnelles, on travaille moins bien. » Il a également créé un programme pour inviter les étudiant.e.s aux cycles supérieurs à marcher ensemble à l’extérieur pour interagir et s’entraider.

Mme Batac raconte qu’un groupe de rédaction de thèses organisé à son université et des rencontres hebdomadaires avec d’autres doctorant.e.s l’ont aidée à reprendre son élan et à accepter la flexibilité comme étant inévitable dans ses études. Autre facteur important : la supervision par une personne qui prenait souvent de ses nouvelles et qui comprenait que chaque individu progressait à son rythme, selon son vécu et ses responsabilités.

« J’ai aimé ne pas être forcée de faire semblant que tout était normal. Ma conseillère, Jill Hanley, a été un modèle de flexibilité et d’autocompassion », confie la doctorante, qui espère soutenir sa thèse au printemps 2023.

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  1. Luc Simon / 9 octobre 2022 à 10:57

    Se pourrait-il que le contraste hommes vs femmes mis ici en exergue suite à l’analyse de la détresse et des perturbations liées à la pandémie de COVID-19 masque en fait des différences à la fois plus subtiles mais nettement plus significatives liées plutôt au secteurs disciplinaires dans lesquels s’engagent les étudiants.es aux cycles supérieurs?

    Nos analyses des données d’enquêtes d’envergures menées dans l’ensemble du Canada (ECEMD-CGPSS, ) depuis une douzaine d’années, riches de plus de 200 000 répondants d’étudiants et d’étudiantes à la maîtrise et au doctorat montrent en effet des différences notables dans la répartition homme/femme selon les secteurs disciplinaires. De plus, lorsque l’on compare les réponses des répondants masculins vs les répondantes féminines à l’intérieur d’un même secteur ou sous-secteur disciplinaire, pour de nombreux aspects tels le niveau de satisfaction, de stress, santé mentale, etc… les différences s’avèrent beaucoup moins notables, voire non significatives.

    Il serait donc tout à fait approprié de recommander d' »arrimer les ressources aux besoins individuels des étudiant.e.s au lieu d’apporter la même aide à chacun par souci d’égalité », mais également de prendre en compte les particularités disciplinaires ainsi que les dimensions socio-culturelles qui influencent les parcours universitaires et les aspirations individuelles de tout ceux qui s’engagent dans des études supérieures.

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