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Les professeurs québécois sont satisfaits au travail, mais pas tout à fait…

Une nouvelle étude révèle qu’ils sont peu satisfaits des mesures offertes par leur établissement au chapitre de la conciliation travail-famille.

par BRONWYN CHESTER | 17 NOV 08

Dans une étude publiée la semaine dernière, les chercheurs Nathalie Dyke et Frédéric Deschenaux constatent avec étonnement que plus de 77 pour cent des professeurs québécois se disent « très satisfaits » au travail. Comme l’Enquête sur le corps professoral québécois donne suite à une étude menée en 2006 qui révélait que 29 pour cent des jeunes professeurs quittaient le milieu universitaire dans les cinq années suivant leur embauche, les deux chercheurs s’attendaient à un niveau d’insatisfaction plus élevé.

Lors de la conférence Faut-il reconstruire l’université québécoise? organisée à Montréal récemment, Mme Dyke a comparé ces résultats paradoxaux aux relations interpersonnelles : « Il est possible d’aimer quelqu’un tout en éprouvant beaucoup de frustrations », explique-t-elle, ajoutant que les femmes et les jeunes professeurs des deux sexes se disent moins satisfaits de leur emploi que les hommes et les professeurs plus âgés, respectivement.

Des 1 328 professeurs ayant participé à l’enquête qui comportait 60 questions, 58 pour cent de ceux qui sont âgés de 61 ans et plus sont « très satisfaits » au travail, comparativement à 23,4 pour cent de ceux qui sont âgés de 35 ans et moins. Au sein de ce groupe, 54 pour cent se disent « moyennement satisfaits ».

La conférence a été organisée et l’enquête a été commandée par la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université, représentante des professeurs au Québec.

Autre indication que les 9 000 professeurs du Québec ne sont pas tous également satisfaits de leur situation, l’enquête a révélé que près de la moitié des participants (49 pour cent) ont sérieusement envisagé de quitter leur emploi. De ce nombre, 39 pour cent ont pensé quitter le milieu universitaire, tandis que 19 pour cent ont projeté d’aller travailler dans un autre établissement d’enseignement supérieur. Interrogés sur leurs motifs, près des deux tiers ont mentionné l’insatisfaction au travail, 17 pour cent, l’avancement professionnel, et 13 pour cent, le salaire.

L’enquête a tenté de mesurer divers aspects de la satisfaction au travail. Les relations humaines représentent une grande source de satisfaction, puisque 97 pour cent des participants disent entretenir de bonnes relations avec leurs étudiants, et 83 pour cent, avec leurs collègues. Par contre, près de 40 pour cent se disent insatisfaits du climat de travail, des critères de promotion et du financement.

Parmi les facteurs qui minent la satisfaction au travail figure la difficulté à concilier les responsabilités professionnelles et familiales. En effet, près de 40 pour cent des participants sont peu ou pas du tout satisfaits de la compréhension et du soutien offerts aux professeurs qui ont des enfants, tandis que seul un sur six considère qu’il dispose de suffisamment de temps à l’extérieur de l’université. Par ailleurs, 24,6 pour cent des femmes ont décidé d’avoir moins d’enfants que prévu en raison de leur situation professionnelle, et 8,4 pour cent ont choisi de ne pas en avoir du tout.

L’enquête a révélé que les femmes apprécient la recherche autant que les hommes et que 30,2 pour cent d’entre elles se considèrent d’abord et avant tout comme des chercheuses, comparativement à 31 pour cent des hommes. Les femmes sont par ailleurs plus nombreuses que leurs homologues masculins à souhaiter disposer de plus de temps pour la recherche, dans une proportion de 82 pour cent contre 73 pour cent.

Les participants à l’enquête devaient également énumérer les enjeux auxquels les universités québécoises sont confrontées. La grande majorité d’entre eux (85 pour cent) ont fait part de leurs observations par écrit.

Le sous-financement des universités et de la recherche, qui oblige les professeurs à se tourner vers les organismes subventionnaires et le secteur privé, compte parmi les difficultés soulevées. Il ressort clairement des citations publiées qu’il s’agit également d’une cause d’insatisfaction au travail : « En raison de la difficulté à obtenir du financement, nous sommes obligés de passer beaucoup trop de temps à rédiger des demandes de subventions […]. Ce temps serait mieux utilisé s’il servait à effectuer de la recherche et à former les étudiants […] », a écrit un professeur.

Certains ont soulevé la question de la dévalorisation de l’enseignement au profit de la recherche ainsi que celle de la disparition du professeur « complet » : « Une tendance se dessine : des assistants à l’enseignement pour enseigner, des fonctionnaires pour administrer, des profs pour la recherche. C’est la pire des situations : ne plus être essentiel à l’ensemble des composantes de la vie universitaire. »

La gouvernance des universités est l’enjeu le plus abondamment soulevé par les professeurs interrogés. La plupart dénoncent le fait que l’université est administrée comme une entreprise privée, la concurrence que se livrent les établissements pour obtenir du financement et attirer de nouveaux « clients » ainsi que la disparition du concept de l’université comme lieu de libre pensée : « L’enceinte de confiance, de réflexion et de collégialité qui constitue la pierre angulaire du cheminement intellectuel est menacée », comme l’exprime l’un d’eux.

Participant à la conférence, le professeur allemand Antoon De Baest a sympathisé avec ses homologues québécois : « En Hollande, nous appelons cela la McUniversité. »

Quand elle jette un regard sur l’avenir de l’université québécoise, Mme Dyke, chercheuse indépendante, espère que les données qu’elle a recueillies avec M. Deschenaux, professeur à l’Université du Québec à Rimouski, serviront aux professeurs québécois qui travaillent à façonner leurs établissements : « Nous voulons stimuler la réflexion et les échanges au sein du corps professoral », explique-t-elle. Dans leurs recherches à venir, elle et son collègue prévoient examiner plus en profondeur la satisfaction des professeurs dans leurs disciplines respectives.

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