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L’explosion du nombre d’étudiants étrangers au Canada se poursuit

Les universités canadiennes cherchent malgré tout à diversifier la provenance de ces étudiants pour éviter de ne compter que sur quelques pays de provenance.

par MOIRA MACDONALD | 06 MAI 19

En 2015, Vijay Babu, natif de Chennai en Inde, avait 21 ans et venait d’obtenir son diplôme en génie informatique. Il cherchait un programme aux cycles supérieurs pouvant répondre à ses aspirations professionnelles, où que ce soit dans le monde. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé avant la fin de l’année dans un avion à destination du Canada. Il a atterri à Thunder Bay, en Ontario, en pleine tempête de neige. M. Babu avait été séduit par la possibilité d’intégrer l’Université Lakehead en janvier, les occasions de travail-études entrevues et la réputation du Canada : nature splendide, enseignement de qualité et environnement relativement sûr pour les étudiants étrangers comparativement aux États-Unis.

Quatre ans ont passé depuis. Titulaire d’une maîtrise en informatique de l’Université Lakehead, M. Babu s’apprête à y occuper un premier poste à temps plein au sein de l’équipe de conseillers auprès des étudiants étrangers. Il doit ce poste au mentorat qu’il a bénévolement effectué auprès de ces mêmes étudiants, de plus en plus nombreux à l’Université Lakehead.

« Je compte m’établir ici, affirme M. Babu, aujourd’hui âgé de 25 ans et récemment tombé amoureux de la randonnée, du kayak… et de la neige! J’adore l’hiver. Thunder Bay est en quelque sorte mon chez-moi, au Canada. »

L’expérience de M. Babu illustre bien la réussite des étudiants étrangers au Canada. En 2014, le gouvernement fédéral s’était fixé pour objectif de porter le nombre d’étudiants étrangers dans les établissements canadiens à plus de 450 000 d’ici 2022 – environ deux fois plus qu’en 2011. Ce chiffre a été atteint dès 2017. Selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le pays comptait au 31 décembre 2018, tous niveaux confondus, un nombre record d’étudiants étrangers, soit 572 000 – 16 pour cent de plus qu’en 2017. Au niveau postsecondaire, leur nombre s’élevait à 435 415, soit 18 pour cent de plus qu’en 2017.

« Nos établissements membres, y compris les universités, travaillent de plus en plus à diversifier leur effectif étudiant, affirme Larissa Bezo, présidente et chef de la direction du Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI). Leurs efforts commencent à porter fruit. »

Dans les universités canadiennes, les étudiants étrangers forment souvent au moins 15 pour cent de l’effectif, voire plus. Avec 1 400 étudiants étrangers, l’Université Lakehead est en bonne voie d’atteindre son objectif de 2 000 en 2023 (20 pour cent de son effectif). Elle n’en comptait que 150 il y a neuf ans.

L’Université de la Colombie-Britannique a vu le nombre de ses étudiants étrangers progresser de près de 60 pour cent en quatre ans. Ils sont aujourd’hui 16 000, formant le quart de son effectif. « Pour les étudiants étrangers, le Canada est attaché à l’idée de citoyenneté mondiale, chère à la jeune génération », souligne Murali Chandrashekaran, vice-provost, Internationalisation, à l’Université de la Colombie-Britannique.

En décembre dernier, l’Université de Windsor a ouvert à New Delhi son tout premier bureau de recrutement à l’étranger. L’Inde constitue son premier marché, derrière la Chine, le Nigeria et le Bangladesh. Les efforts de l’Université de Windsor pour attirer les étudiants désireux d’effectuer une maîtrise en commerce ou encore en science, en technologie, en génie ou en mathématiques ont été plus que fructueux. Les étudiants étrangers forment aujourd’hui 70 pour cent de son effectif aux cycles supérieurs. Ils sont environ 2 700 – six fois plus qu’il y a dix ans.

« C’est avant tout grâce à la politique d’immigration du Canada », souligne Chris Busch, vice-recteur adjoint à la gestion de l’effectif à l’Université de Windsor. Cette politique permet aux étudiants étrangers de travailler pendant et après leurs études, en plus de prévoir un parcours d’acquisition de la résidence permanente – un statut que quelque 60 pour cent des étudiants étrangers avaient l’intention de demander en 2018, selon un sondage du BCEI. La faiblesse du dollar canadien et, comme dans le cas de M. Babu, la réputation de qualité et de sécurité du Canada contribuent aussi à la popularité du pays selon les observateurs.

« Pour une éducation de qualité équivalente les droits de scolarité sont relativement peu élevés au Canada comparativement à d’autres pays très prisés », comme le Royaume-Uni ou les États Unis, affirme Lanre Adenekan, étudiant nigérian de 33 ans qui effectue une maîtrise en gestion, comptabilité internationale et finance à l’Université de Windsor. S’il a choisi cet établissement, c’est en raison du petit nombre d’étudiants par classe et de l’existence d’un programme qui lui permettra d’accéder à des postes de haut rang dans le secteur bancaire une fois de retour au Nigeria. « D’autres pays ne sont pas aussi inclusifs que le Canada, ajoute M. Adenekan. J’ai choisi un pays où je savais que je serais accepté. »

La croissance exponentielle du nombre d’étudiants étrangers survient alors que la population de jeunes adultes stagne, voire recule dans certaines régions. En augmentant l’effectif et les recettes des établissements en cette ère de financement gouvernemental restreint, les étudiants étrangers « créent des possibilités pour les étudiants canadiens », affirme Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada. Ils stimulent aussi l’économie des petites collectivités, en particulier celles qui tentent de se remettre de la perte d’industries. L’Université du Cap Breton, dont le nombre d’étudiants étrangers a plus que doublé entre 2017 et 2018 pour dépasser les 2 700, aurait selon les estimations injecté l’an dernier environ 60 millions de dollars dans l’économie de Sydney, en Nouvelle-Écosse.

Une stratégie de diversification

Tout cela est bien joli, mais gare au retour de manivelle. Une bonne planification s’impose. L’été dernier, les administrateurs universitaires ont pu voir combien il est risqué de compter sur un pays en particulier quand, à la suite d’une querelle diplomatique avec le Canada, l’Arabie saoudite a rappelé ses étudiants, même si ces derniers ont finalement été moins nombreux qu’on le craignait à quitter le Canada. « Cet incident a eu pour effet de sonner une alarme partout au pays », rappelle James Aldridge, vice-provost, International, à l’Université Lakehead.

Le Canada a par la suite eu un différend avec la Chine – de loin le premier pays de provenance d’étudiants étrangers – à propos de l’arrestation sur son sol de Meng Wanzhou, directrice financière d’un géant chinois des télécommunications. L’agence de crédit Moody’s a alors prévenu qu’une accentuation des tensions politiques entre les deux pays pourrait nuire à la cote de crédit des universités canadiennes.

Les droits de scolarité annuels des étudiants étrangers oscillant entre 20 000 dollars et 60 000 dollars, voire plus, un net recul du nombre d’étudiants étrangers mettrait les universités en péril. Dans son rapport budgétaire de 2018-2019, l’Université de Toronto souligne que les droits de scolarité des étudiants étrangers représentent 30 pour cent de ses revenus, soit plus que les subventions provinciales (25 pour cent).

Depuis, le maître mot des gestionnaires canadiens de l’éducation internationale est devenu
« diversification ». Universités Canada souhaite que le Canada se dote d’une nouvelle stratégie sectorielle quinquennale en matière d’éducation internationale, qui déterminerait les pays de provenance à privilégier en fonction de divers critères : partenariats existants, accords commerciaux, possibilité pour le Canada d’y livrer concurrence, etc.

Universités Canada se félicite de l’enveloppe de 148 millions de dollars sur les cinq prochaines années prévue par le budget fédéral de 2019 pour promouvoir le Canada comme
« destination d’études » auprès des « étudiants étrangers de premier niveau ».

Selon le BCEI, le Canada s’est hissé à la quatrième place des pays les plus attrayants pour les étudiants étrangers en 2017 (devant l’Australie et la France, mais derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine). Toutefois, les dépenses annuelles du gouvernement fédéral consacrées à la promotion de l’image de marque de l’éducation canadienne n’ont été que d’environ cinq millions de dollars, contre 7,5 millions de dollars pour la Nouvelle-Zélande et 12 millions de dollars pour l’Australie, précise M. Davidson, selon qui il est temps de « passer à la vitesse supérieure. Il faut profiter de l’image actuelle du Canada, perçu comme un pays ouvert, inclusif et dynamique », conclut le président-directeur général d’Universités Canada.

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