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Actualités

L’Ontario se dote d’un plan de lutte contre la violence sexuelle sur les campus

Les experts saluent la stratégie, mais attendent des précisions sur sa mise en œuvre et son application

par ROSANNA TAMBURRI | 21 AVRIL 15

À la suite de l’adoption récente d’un plan d’action par le gouvernement provincial, les universités et les collèges de l’Ontario pourraient devoir adopter de nouvelles politiques strictes en ce qui concerne la prévention de la violence sexuelle et leur réaction aux cas qui surviennent sur les campus. Les experts préviennent toutefois que les politiques proposées ne seront efficaces que si la bonne démarche est retenue pour leur mise en œuvre et leur application.

Le gouvernement ontarien a dévoilé au début mars le canevas d’une stratégie de lutte contre la violence et le harcèlement sexuels au travail et sur les campus. Le plan d’action appelle entre autres au dépôt d’un projet de loi exigeant que les collèges et les universités collaborent avec les étudiants pour adopter en matière d’agression sexuelle des politiques officielles, qui devraient être révisées et renouvelées tous les quatre ans. Les établissements seraient tenus de mettre en place des procédures de plaintes et des protocoles de réaction clairs, des programmes efficaces de formation et de prévention, ainsi que des services de soutien aux victimes d’agression sexuelle disponibles en tout temps. Les universités devraient aussi consigner et signaler publiquement tous les cas de violence sexuelle sur leur campus.

« Nous voulons améliorer la sécurité sur nos campus, où les agressions et le harcèlement sont trop présents, où on les signale rarement et où l’on s’en occupe peu », a affirmé Kathleen Wynne, première ministre de l’Ontario, lors du dévoilement de la stratégie intitulée Ce n’est jamais acceptable. Le document précise qu’une femme sur trois sera victime d’une agression sexuelle au cours de sa vie, et que les taux d’agressions sexuelles sont cinq fois plus élevés chez les femmes de moins de 35 ans.

Le plan en 13 points prévoit aussi les mesures suivantes :

  • Une campagne d’éducation et de sensibilisation de la population qui incite les témoins à intervenir;
  • la modification des procédures de poursuite pénale;
  • l’intégration de discussions sur le consentement dans le programme de santé et d’éducation physique au primaire et au secondaire;
  • de la formation aux intervenants de première ligne;
  • l’augmentation du financement des centres communautaires destinés aux victimes d’agression sexuelle.

Le gouvernement s’est engagé à investir 41 millions de dollars sur trois ans pour mettre en œuvre ces changements. Le projet de loi prévu devrait être déposé à l’automne.

Ces mesures constituent « assurément un pas dans la bonne direction, soutient Elizabeth Sheehy, professeure de droit à l’Université d’Ottawa. C’est très encourageant. » Elle signale toutefois que personne ne sait encore comment la loi sera appliquée. Par exemple, les universités seront-elles tenues d’adopter des méthodes uniformisées de suivi et de déclaration des agressions sexuelles? Devront-elles mettre sur pied sur leur campus des centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle pour offrir l’assistance jour et nuit prévue dans le plan?

Nul ne sait non plus si les établissements qui ne respectent pas les règles proposées s’exposeront à des pénalités. Mme Sheehy souligne qu’aux États-Unis, les universités qui ne se conforment pas aux lois fédérales de signalement des crimes et de lutte contre la discrimination sont passibles de lourdes amendes et risquent même de perdre leur financement. Si l’Ontario faisait de même, « les répercussions seraient énormes », prévient-elle.

Elle applaudit toutefois à l’initiative de l’Ontario. À son avis, le plan pourrait inciter d’autres provinces à emboîter le pas et inciter les étudiants à continuer de militer en faveur d’un changement. « Les étudiantes prennent la parole d’un bout à l’autre du pays, dit-elle. C’est très inspirant. »

Charlene Senn, professeure de psychologie et d’études de la condition féminine à l’Université de Windsor, salue les mesures qui obligeraient les universités à adopter et à réviser régulièrement des politiques et des protocoles en matière de violence sexuelle, ce que peu d’établissements font à l’heure actuelle. Elle déconseille cependant aux établissements de mettre en œuvre des politiques sans consulter les spécialistes du domaine. « Je crains qu’on ne se précipite pour adopter des politiques sans respecter les pratiques exemplaires. »

Exiger plus de rigueur de la part des universités dans le suivi et la déclaration des cas est une bonne idée, mais il faut selon elle savoir qu’un grand nombre de cas signalés dans un établissement signifie peut-être que le suivi y est plus rigoureux et que les femmes s’y sentent à l’aise de dénoncer les agressions. En outre, il faut investir pour financer les stratégies de formation et de prévention prévues dans le plan, et former adéquatement les personnes chargées de les mettre en œuvre. Autrement, « nous ne créerons pas le genre de milieu sûr qui favorise le signalement, » affirme-t-elle.

Le Conseil des universités de l’Ontario et Collèges Ontario, qui représentent les établissements d’éducation postsecondaire de la province, s’est engagé à se conformer aux nouvelles exigences. Collèges Ontario a dévoilé sa nouvelle politique en matière d’agression sexuelle, qui énonce des normes de signalement et des procédures d’enquête et de règlement des plaintes bientôt mises en œuvre dans les 24 collèges de la province.

Ailleurs au Canada, des universités passent à l’action à la suite des nombreux reportages consacrés à la question depuis quelques mois, dont une enquête de la CBC dévoilant l’inexactitude des données sur les agressions sexuelles à l’université.

L’Association des universités de l’Atlantique (AUA) a formé un groupe de travail afin d’améliorer les politiques en matière d’agression sexuelle dans les établissements d’éducation postsecondaire de la région. Les sept membres du groupe représentent des universités, des collèges et le corps étudiant. Peter Halpin, directeur général de l’AUA, indique que le groupe organisera un atelier à l’intention des administrateurs et des leaders étudiants, à la fin juin. Les participants examineront entre autres les stratégies de prévention, les protocoles de signalement et les services de counseling.

Au Québec, le Bureau de coopération interuniversitaire, qui représente les universités de la province, a également constitué un groupe de travail chargé de formuler des recommandations et des pratiques exemplaires en matière de prévention de la violence sexuelle.

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