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L’Université des Premières Nations prête à jouer un rôle accru au sein de la société

Le redressement de l’établissement représente toutefois un défi de taille pour son nouveau recteur.

par ROSANNA TAMBURRI | 05 JUIN 15

Mark Dockstator, recteur de l’Université des Premières Nations du Canada, utilise un graphique pour illustrer l’évolution de la relation entre les peuples des Premières Nations et la société canadienne au fil des ans. On peut y voir que les Autochones sont passés du statut de « citoyens mineurs » – pour reprendre les mots du recteur – avant 1970 à celui de groupe ayant enregistré d’importants progrès en matière d’accords de revendication territoriale, de droits constitutionnels, d’autogouvernance et, tout récemment, de réappropriation des ressources naturelles sur les terres traditionnelles.

« De nombreux développements ont eu lieu au cours des 40 dernières années, fait remarquer M. Dockstator. Pourtant, ce n’est que récemment que la société canadienne l’a constaté. » Pourquoi? Parce que les enjeux autochtones ont désormais une incidence directe sur l’économie du pays et sur les Canadiens, explique le recteur.

L’évolution de l’établissement ressemble en quelque sorte à celle des peuples des Premières Nations. Ce qui était à l’origine une expérience à petite échelle visant à offrir une « éducation bilingue et biculturelle »  aux jeunes Autochtones est devenu la seule université autochtone décernant des grades au Canada.  « Nous ne sommes pas uniquement un département d’études autochtones ou une université qui accorde une place de choix à l’apprentissage autochtone, peut-on lire dans le plan stratégique de l’établissement. Nous sommes un établissement entièrement autochtone ».

Comme les peuples autochtones, l’Université des Premières Nations a elle aussi suivi un chemin semé d’embûches. Alors qu’elle se prépare à célébrer ses 40 ans d’existence l’an prochain, son avenir semble plus prometteur qu’il ne l’a été depuis longtemps. Les inscriptions sont à la hausse, le budget est équilibré et, sous la direction de M. Dockstator, l’établissement est prêt à jouer un rôle élargi.

« Nous nous considérons au cœur du paradigme émergent » entre les Premières Nations et la société canadienne, affirme le recteur.

  1. Dockstator, 57 ans, a été nommé recteur de l’Université des Premières Nations du Canada en juillet 2014. Auparavant, il a enseigné à l’Université Trent et a été le premier étudiant autochtone à obtenir un doctorat en droit de l’école de droit Osgoode Hall de l’Université York.

Il envisage pour son université « un rôle d’intermédiaire, de médiateur qui jette des ponts, d’espace de rencontre pour ces deux éléments ». Elle pourrait notamment servir de médiateur pour des entreprises qui souhaitent négocier des ententes visant les mines, les forêts ou d’autres ressources avec des groupes des Premières Nations. L’Université des Premières Nations pourrait fournir un soutien logistique et effectuer de la recherche en vue d’aider les deux parties à forger des partenariats, explique M. Dockstator.

Le recteur a une autre priorité : faire croître les effectifs de son établissement, qui se situe actuellement à environ 5 500 étudiants à temps partiel et à temps plein. À l’approche de son anniversaire, l’Université a lancé une campagne de recrutement articulée autour de la question : What’s your Soul Reason? (Quelle est ta raison d’être?)
« Le marché est très concurrentiel, fait remarque M. Dockstator, et bon nombre d’universités et de collèges souhaitent attirer les jeunes Autochtones. Nous voulons conserver notre avantage concurrentiel. »

L’établissement s’aventure également à offrir de nouveaux types de cours. Il a élaboré et mis à l’essai un programme de formation de cadre ne menant pas à l’obtention de crédits qu’il prévoit lancer cet été à l’intention des dirigeants d’entreprise non autochtones qui souhaitent collaborer plus étroitement avec des groupes autochtones.

Depuis ses débuts, l’Université des Premières Nations occupe une place unique au sein du système d’éducation postsecondaire du Canada. Elle a été fondée en 1976 par la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan à titre de collège fédéré de l’Université de Regina. Alors appelé le Collège indien fédéré de la Saskatchewan, le tout nouvel établissement a ouvert ses portes à l’automne avec tout juste neuf étudiants. Il a grandi et, en 2003, est déménagé dans ses locaux actuels, un immeuble dessiné par l’architecte autochtone de renom Douglas Cardinal. Il a alors changé son nom pour celui qu’on lui connait aujourd’hui.

« Le Collège était véritablement considéré comme une expérience audacieuse », se souvient Blair Stonechild, un professeur d’études autochtones qui enseigne à l’Université des Premières Nations depuis sa création. Les aînés souhaitaient offrir aux jeunes une éducation qui combine le meilleur de la culture autochtone et de la culture canadienne, sous la gouverne des Autochtones.

« Dès ses débuts, le Collège a eu une incidence énorme, ajoute Don McCaskill, professeur d’études autochtones à l’Université Trent. C’était très différent des autres départements d’études autochtones, et l’enthousiasme était palpable. » La création de l’établissement a certainement poussé un nombre accru d’étudiants autochtones à poursuivre des études postsecondaires, ajoute-t-il.

Sonia Prevost-Derbecker, vice-présidente, Éducation, à Indspire, un organisme de bien-
faisance dirigé par des Autochtones qui soutient l’éducation des Autochtones, est du même avis.
« Dans sa forme et dès ses débuts, il s’est révélé très utile en aidant notre communauté à imaginer sa place en enseignement supérieur », affirme Mme Prevost-Derbecker. Comme la plupart des professeurs sont autochtones, les jeunes des Premières Nations s’y sentent bien accueillis, ce qui leur facilite l’accès aux études supérieures, ajoute-t-elle.

L’établissement a également eu son lot de difficultés au fil des ans, comme des allégations d’ingérence politique par les chefs de la Saska-tche-wan, des allégations de mauvaise gestion financière, des enquêtes criminelles et le congé-diement ou la démission de nombreux pro-fesseurs et employés. Universités Canada (auparavant l’Association des universités et collèges du Canada) l’a placé en probation pendant un certain temps en attente de réformes majeures de sa gouvernance. Les tensions ont atteint des sommets en 2009 lorsque les gouvernements fédéral et provincial ont retenu son financement. L’école semblait destinée à la fermeture.

Une entente visant le transfert du contrôle financier et administratif à l’Université de Regina a cependant été conclue, et l’établissement a pu récupérer son financement public.

« Ça a été une épreuve difficile, et les déceptions étaient grandes, se souvient M. Stonechild, sans se laisser abattre pour autant. C’était en quelque sorte une phase d’apprentissage que les Premières Nations, et particulièrement leurs
dirigeants, devaient traverser. » L’Université des Premières Nations du Canada entame aujour-d’hui sa phase adulte, ajoute-t-il. « Nous avons en quelque sorte appris à marcher. »

Le conseil d’administration de l’Université est formé de professionnels autochtones de l’éducation et d’autres milieux, plutôt que de représentants politiques. L’établissement affiche un budget équilibré depuis quatre exercices. Il comptait 754 étudiants à temps plein pendant l’année scolaire 2014, un nombre pratiquement identique à 2013, mais en hausse de 33 pour cent par rapport à 2011, alors qu’il en comptait 569 (4 700 étudiants, principalement de l’Université de Regina, y suivent également des cours). Il lui reste encore du chemin à parcourir avant de franchir la barre des 1 000 étudiants à temps plein, comme c’était le cas avant que ses problèmes commencent, mais l’avenir est prometteur.

« Je crois que la hausse des effectifs est le résultat d’un virage réussi, se réjouit M. Dockstator. L’Université des Premières Nations a retrouvé la confiance de la population. »

Reconstruire la réputation de l’établissement représente une « tâche monumentale », mais rien n’est impossible, ajoute M. McCaskill, un ami de M. Dockstator qui a également été son collègue à l’Université Trent. « J’ai espoir que les changements apportés avant son arrivée et les changements qu’il instaurera permettront à l’Université de prospérer.

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