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Place aux citoyen.ne.s cotitulaires de chaires

Grande nouveauté en sciences participatives : des citoyen.ne.s sont désormais à la tête d’une chaire de recherche.

par MAXIME BILODEAU | 16 MAR 23

Des quatre paires de mains sur le volant de la Chaire de recherche en santé durable, deux n’appartiennent pas à des universitaires. Lancé à la fin janvier, ce groupe chargé d’assurer « le développement cohésif de la recherche en santé durable sur tout le territoire québécois » est en effet codirigé par deux scientifiques ainsi que deux citoyen.ne.s.

C’est la première fois dans la province qu’une chaire financée par une subvention opte pour ce modèle de gouvernance, confirme par courriel Ibtissem Doghri, conseillère en mobilisation des connaissances et communications au Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS), qui subventionne cette « initiative structurante » à hauteur de 500 000 dollars par année sur trois ans.

Pour Catherine Laprise, professeure au Département des sciences fondamentales de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et cotitulaire de la Chaire de recherche en santé durable, cette pratique innovante représente « une grande étape pour la démocratie en santé ».

« Au cœur du concept de santé durable, il y a cette idée de considérer la santé et le bien-être sur l’ensemble du parcours de vie. Pour Jean-Pierre Després [l’autre chercheur cotitulaire] et moi, il nous apparaissait donc essentiel de placer la participation citoyenne à l’avant-plan des activités de recherche », explique-t-elle.

Cette structure quadricéphale a d’abord été proposée par Guy Poulin, l’un des deux citoyens cotitulaires de la Chaire. « Cette initiative est à un tel point inédite que la machine administrative du FRQS ne le prévoyait pas », se souvient celui qui porte la parole citoyenne dans la recherche en santé et services sociaux depuis plusieurs années, notamment au sein de VITAM, le Centre de recherche en santé durable du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale affilié à l’Université Laval.

Avec son homologue Nadine Arbour, rattachée au Centre intersectoriel en santé durable de l’UQAC, il s’évertuera à faire entendre la voix de ceux et celles qui sont concerné.e.s au premier chef par la recherche en santé durable.

« Les citoyen.ne.s sont tanné.e.s d’être simplement consulté.e.s. Nous voulons avoir notre mot à dire sur les orientations de recherche », affirme M. Poulin. Cela signifie d’insuffler une dose de concret dans une démarche qui, par définition, relève de l’abstrait. « Nous pourrions par exemple faire ajouter des critères de qualité dans des trajectoires de soins », illustre-t-il.

Plus que des potiches

La recherche partenariale et collaborative, il faut le dire, existe depuis belle lurette. En sciences de la santé, il est question d’inclusion de « patients partenaires » dans les projets de recherche depuis les décennies 1980 et 1990, peut-on lire dans le Guide patient-citoyen partenaire en recherche de l’Unité de soutien au système de santé apprenant Québec.

Les Fonds de recherche du Québec, par l’entremise du programme de sciences participatives Engagement visant à initier les citoyens au processus scientifique, se targuent quant à eux d’avoir fait du Québec un précurseur dans cette approche. « Tous les domaines de recherche couverts par les trois Fonds de recherche du Québec sont concernés », précise Mme Doghri.

En fait, la tendance en faveur de la coconstruction de la recherche et autres coproductions des savoirs est si lourde qu’il est tentant d’accueillir avec circonspection les initiatives en ce sens. Une critique que balaie du revers de la main Mme Laprise, qui y voit plutôt une réelle plus-value.

« C’est en brisant les silos que la recherche sur les maladies rares a fait des bonds de géant dans les dernières décennies au Saguenay–Lac-Saint-Jean », raconte cette spécialiste en génomique de l’asthme et des maladies allergiques. La seule condition? Que ce soit bien fait. « La présence de citoyen.ne.s partenaires ne devrait pas être qu’un élément parmi tant d’autres à cocher dans une liste, pour se dédouaner », estime-t-elle.

Pour cela, encore faut-il que les personnes choisies soient familières avec la culture de la recherche. « C’est un incontournable si on ne veut pas passer son temps à tourner autour du pot », tranche Mme Laprise. Le curriculum vitae des deux citoyen.ne.s cotitulaires de la Chaire de recherche en santé durable en témoigne d’ailleurs; M. Poulin revendique par exemple un diplôme d’études supérieures spécialisées en éthique.

Une autre condition : que tous et toutes partagent les mêmes préoccupations fondamentales, ne serait-ce que pour faciliter les inévitables arbitrages. « La prestation de soins de santé gobe l’essentiel de nos ressources publiques, mais n’explique que 15 % de notre santé, déplore la chercheuse. L’étroite coopération de Guy [Poulin] et Nadine [Arbour] dans les constructions et discussions de la Chaire est essentielle pour changer cet état de fait. »

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