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Quand une petite revue fait les manchettes

Un article sur des expériences nutritionnelles effectuées sur des Autochtones a engendré une tempête médiatique.

par JEAN-FRANÇOIS VENNE | 21 AOÛT 13

Lorsque l’historien Ian Mosby propose un article aux administrateurs de la revue Histoire sociale/Social History, ceux-ci ne se doutent pas de la tempête médiatique qu’il engendrera ; un véritable défi de gestion les attend.

Le sujet avait de quoi alerter les médias. M. Mosby, chercheur postdoctoral à l’Université de Guelph, révèle dans son article qu’ entre 1942 et 1952, certains grands spécialistes canadiens de la nutrition, avec la collaboration de divers ministères fédéraux, ont fait des expériences sur les Autochtones dans leurs communautés et dans les pensionnats indiens. Des enfants ont vu leur ration de lait réduite de moitié pendant deux ans, d’autres ont été privés de vitamine B1, de fer et d’iode, en plus de voir leurs traitements dentaires suspendus, ceci sans leur consentement ni celui de leurs parents.

« Il s’agit d’une histoire tout à fait choquante que j’ai pu porter à l’attention du public grâce à mon article dans Histoire sociale/Social History. J’espère seulement que certains des survivants de ces expériences seront informés de ce que le gouvernement fédéral leur a fait sans leur consentement éclairé ou à leur insu », a déclaré M. Mosby.

L’indignation était facile à prévoir. Pourtant, Samy Khalid, directeur de la rédaction de la revue, admet ne pas avoir vu venir la tempête. « L’article a été écrit sous un angle historique, et ne visait pas à susciter une polémique », explique-t-il. Ni éditorial, ni revendicateur, l’article n’en a pas moins fait réagir l’ensemble du pays. L’auteur et le responsable du magazine se sont retrouvés pris d’assaut par les demandes d’entrevue et d’information. En à peine 24 heures, M. Mosby a fait une vingtaine d’entrevues dans différents médias. Et l’attention ne s’est pas relâchée dans les jours suivants.

Gérer l’attention

Peu habitué à gérer les demandes générées par une telle tempête médiatique, Samy Khalid a dû poser quelques gestes inhabituels. Il a d’abord émis un communiqué de presse (PDF), le premier de la revue en 45 ans d’existence.

Puis, il a pris la décision d’offrir l’article en accès libre pour un temps limité, une pratique qui deviendrait courante s’il n’en tenait qu’à lui. « Il est de plus en plus fréquent, en Europe et aux États-Unis, d’offrir les articles scientifiques en accès libre, lance-t-il. D’autant plus quand c’est le gouvernement, et donc le public, qui finance la recherche. Toutefois, cela pose pour nous l’épineux problème de la viabilité financière de la revue, dont le financement très limité obtenu de l’Université York et de l’Université d’Ottawa doit être complété par les revenus tirés des abonnements. »

Cette aventure démontre bien l’utilité des revues qui communiquent les résultats de la recherche universitaire. Des revues qui, lorsqu’elles ne sont liées qu’indirectement à des universités, comme c’est le cas d’Histoire sociale/Social History, peinent à bénéficier de financement adéquat ou à se faire une place dans les stratégies de communication des universités. « Pourtant, note Samy Khalid, les universités profitent de la visibilité offerte par ces revues lorsqu’un article retient l’attention du public. Les négliger relève d’un mauvais calcul. »

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