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Répercussions du nouveau projet de loi sur le droit d’auteur

par NICK TAYLOR-VAISEY | 05 AOÛT 08

La réforme du droit d’auteur amorcée il y a plus de 10 ans par le gouvernement canadien a une nouvelle fois fait débat au Parlement avec le dépôt du projet de loi C-61, qui vise à moderniser la Loi sur le droit d’auteur en fonction des nouveaux paramètres liés à l’avènement d’Internet.

Nombre d’observateurs en vue se sont exprimés contre les réformes, craignant entre autres qu’elles restreignent les possibilités de téléchargement de films et de musique. Les propos des plus farouches opposants au projet de loi C-61 ont fait des vagues dans les médias (par exemple, le député libéral Scott Brison a accusé le gouvernement de vouloir introduire une loi digne d’un État policier).

Les réactions du monde des affaires et du secteur du divertissement ont été plus partagées. Quant à celles du milieu de l’éducation, elles sont loin d’avoir fait la une.

Pourtant, le projet de loi C-61 risque d’avoir d’importantes conséquences pour les universités et les collèges. Les modifications qu’il prévoit permettraient en effet aux professeurs de proposer des leçons sur Internet et aux étudiants d’imprimer un seul exemplaire du matériel didactique protégé par le droit d’auteur. Chaque leçon devrait être détruite à la fin du semestre, et il incomberait aux établissements d’empêcher les étudiants d’imprimer plus d’une copie du matériel didactique.

À des fins didactiques, les professeurs pourraient distribuer des documents électroniques aux étudiants, à moins que ces derniers ne comportent un dispositif de verrouillage numérique. Les bibliothécaires pourraient quant à eux numériser des ouvrages à l’intention des utilisateurs, qui ne pourraient toutefois pas en imprimer plus d’une copie.

De leur côté, les fournisseurs de services Internet, universités comprises, continueraient d’être exemptés de toute responsabilité en matière de droit d’auteur lorsqu’ils fournissent des services d’accès Internet ainsi que du matériel en cache pour l’efficacité du réseau, ou qu’ils hébergent des sites pour les abonnés.

Certains des principaux acteurs du milieu de l’éducation postsecondaire ont fait part de leur opposition au projet de loi dès son dépôt à la Chambre des communes par le ministre de l’Industrie, Jim Prentice. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, l’Alliance canadienne des associations étudiantes et l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université ont, par exemple, dit craindre que le projet de loi restreigne l’accès des professeurs et des étudiants aux outils en ligne.

Michael Geist, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, s’est pour sa part dit opposé à la quasi-totalité des dispositions du projet C-61. On lui doit, en grande partie, le report de l’introduction de ce dernier en décembre 2007 et la création, sur Facebook, du groupe « Fair Copyright for Canada », qui compte déjà 85 000 adhérents.

Cela dit, tous les acteurs du milieu de l’éducation ne sont pas opposés au projet de loi. Le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada), la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants, l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC) et l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC) ont ainsi déclaré qu’il méritait une étude plus approfondie ou se sont montrés favorables à certaines de ses dispositions, avec quelques réserves.

Mark Haslett, bibliothécaire à l’Université de Waterloo et président du comité sur le droit d’auteur de l’ABRC, a insisté sur l’importance d’examiner en détail chaque aspect du projet de loi. Son Association ne pourra, d’après lui, se prononcer sur celui-ci qu’après s’être penchée sur les éventuelles conséquences de chacune de ses dispositions pour les bibliothèques de recherche et les chercheurs.

Selon M. Haslett, l’ABRC souhaite avant tout « l’adaptation du régime du droit d’auteur à l’ère numérique ». Les bibliothécaires et les chercheurs souhaitent, par exemple, numériser leurs collections afin de les préserver et veulent s’assurer que la réforme du droit d’auteur ne les en empêche pas.

La présidente-directrice générale de l’AUCC, Claire Morris, a tenu des propos similaires : « Les professeurs et les étudiants des universités canadiennes sont à la fois producteurs et utilisateurs d’œuvres protégées. C’est pourquoi les universités reconnaissent l’importance d’assurer un juste équilibre entre, d’une part, le désir des créateurs de percevoir une rémunération équitable pour l’utilisation de leurs œuvres et, d’autre part, l’intérêt pour le public d’avoir accès à cette information aux fins de recherche et d’éducation. »

Mme Morris a fait l’éloge de certains aspects du projet de loi C-61, tout en émettant quelques critiques. L’AUCC est favorable à la clause qui permettrait l’utilisation à des fins éducatives, en salle de classe, des œuvres diffusées publiquement sur Internet, ainsi qu’à la clarification des règles concernant la responsabilité des fournisseurs de services Internet en matière de droit d’auteur, y compris les universités.

Par contre, tout comme l’ABRC, l’AUCC souhaite pouvoir étudier le projet de loi en profondeur. Elle a fait savoir qu’elle suggérerait au Comité permanent de l’industrie de la Chambre des communes l’apport d’au moins deux modifications majeures : assouplir les restrictions concernant le contournement des dispositifs de verrouillage et garantir la protection des Canadiens, enseignants compris, qui se croiraient autorisés à copier des œuvres en vertu du principe de l’utilisation équitable.

Quoi qu’il en soit, toutes ces prises de position pourraient bien rester lettre morte. En effet, comme certains de ses prédécesseurs, le projet de loi C-61 risque fort d’être mis de côté par suite du déclenchement d’élections.

« Il est possible, mais peu probable, que le projet de loi soit adopté avant la tenue d’élections », a déclaré l’avocat Mark Hayes dans une entrevue au magazine en ligne Lexpert. M. Hayes est un des associés responsables de la propriété intellectuelle au sein du bureau torontois du cabinet Blake, Cassels et Graydon.

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