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Sophie Leblond : le montage au premier plan

La monteuse d’expérience, récemment couronnée d’un prix Écran, entreprend maintenant une carrière en enseignement, intimement liée à son travail de cinéaste.

par MAUD CUCCHI | 20 AOÛT 20

« Le montage, c’est le style. Un cinéaste qui ne monte pas lui-même est traduit dans une langue étrangère », affirmait Jean Cocteau. Bel hommage à ce métier de l’ombre et de l’image qu’a choisi Sophie Leblond, dont le nom est associé à celui de cinéastes tels que Denis Villeneuve, Philippe Falardeau ou encore Anaïs Barbeau-Lavalette.

L’impressionnante feuille de route de la monteuse québécoise a séduit l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) qui lui a confié les cours spécialisés en montage, en décembre 2019. La professeure novice évoque une discipline qui mériterait d’être davantage sous les projecteurs. Elle la défend avec brio par son travail depuis 20 ans : nominations, récompenses, prix Jutra… Le dernier en date? Le tout récent prix Écran pour le montage du documentaire Alexandre le fou, de Pedro Pires. Entrevue avec la professeure et monteuse Sophie Leblond.

Affaires universitaires : Comment les étudiants font-ils le choix du métier de monteur, moins connu que celui de réalisateur ou de scénariste?

Sophie Leblond :  L’UQAM a cette spécificité de proposer un profil spécialisé dès la mi-parcours du baccalauréat en cinéma. Après un an et demi de cursus, les étudiants doivent choisir entre la réalisation, la direction photo ou le montage. Souvent, c’est seulement au cours de leurs études qu’ils découvrent le montage, un métier qui reste obscur pour la plupart des gens. Monter, ça ne veut pas dire qu’ils ne feront pas de réalisation. Je leur présente la discipline comme un travail de métamorphose d’un film, avec les images qu’on amalgame, mais aussi à partir du scénario et d’une scène qu’on laissera, ou pas, dans le film. On pourrait dire qu’on part d’une hypothèse très forte et très belle – le scénario – pour maximiser son potentiel. Les monteurs sont, en quelque sorte, des traducteurs. Ils agissent comme une courroie de transmission entre le réalisateur, le scénario et le public.

C’est une belle formation dans la mesure où le monteur peut expérimenter beaucoup d’approches et de genres cinématographiques différents, il collabore sur plusieurs projets, sur des durées allant de trois à quatre mois environ, alors que la réalisation d’un film nécessite beaucoup plus de temps. Ça donne des cinéastes différents, je pense à Stéphane Lafleur (Tu dors Nicole) qui vient de l’UQAM ou encore à Xavier Dolan qui, on le sait moins, est aussi un excellent monteur.

Photo par Phœnix Watson.

AU : Quels sont les atouts recherchés chez les étudiants qui aspirent à faire du montage?

Sophie Leblond : Il faut une grande ouverture d’esprit et aussi beaucoup d’intérêt pour la nature humaine. On entre dans l’univers des personnages, ils deviennent comme une deuxième réalité dans nos vies. Il faut pouvoir se plonger dans cette réalité, avoir une dose d’intérêt pour l’être humain et ses différents voyages. En fait, notre approche est presque anthropologique. Il faut développer un sens de l’écoute, ne pas oublier qu’on travaille pour une personne, donc savoir écouter ce qu’elle dit, respecter ses intuitions, décoder ce qui est exprimé au-delà de ce qui est représenté. Il y a un gros travail de mémoire aussi, pour avoir en tête le matériel filmé.

AU : Cette année, vous avez reçu un prix du meilleur montage de fiction au Vancouver International Women in Film Festival (VIWFF). Quelle est la place des femmes au sein de cette profession ? 

Sophie Leblond : Les monteuses sont toujours très présentes, ce dont on n’a pas forcément conscience. Prenez David Lynch, Martin Scorsese ou encore Jean-Luc Godard : on l’ignore souvent, mais ce sont des femmes qui assurent le montage de leurs films. Toutes se démarquent par leur sens de l’innovation.

La collaboration est très importante dans ce métier, on se fait connaître et on devient de plus en plus reconnue. Quant aux nominations et récompenses, comme le Prix Écran, c’est une belle reconnaissance qui donne de la visibilité. Mais vous savez, je n’en parle pas plus que ça, c’est peut-être typique de la personnalité des monteurs – qui acceptent de rester dans l’ombre.

AU : Vous êtes professeure depuis six mois à l’École des médias, qu’est-ce qui vous a séduite pour faire le saut en enseignement universitaire?

Sophie Leblond : Je pense qu’à l’origine, le métier de monteur est lié à une forme de pédagogie. C’est tout un travail autour du langage, de conceptualisation aussi, il faut pouvoir accompagner le réalisateur dans sa démarche. J’avais déjà enseigné à Concordia et à Chicoutimi, mais j’ai senti que cette fois, c’était le bon moment pour m’impliquer davantage. J’ai aimé l’expérience d’un remplacement de six mois, à l’École des médias, l’an dernier. Je pense être arrivée à une étape de mon parcours où j’avais envie de transmettre mon savoir.

AU : Comment planifiez-vous vos cours dans le contexte de pandémie ?

Sophie Leblond : À l’automne, il y aura une partie en présentiel et une partie en ligne. Mais les étudiants devront apprendre à manipuler leur propre logiciel de montage de chez eux et pour cela, ils auront besoin d’être aidés. Le point positif, c’est qu’ils vont être exposés plus tôt que prévu au travail à la maison, qui ressemble finalement à la vie de pigiste. Ils perdront indéniablement sur le plan de la communication entre eux, mais ils gagneront beaucoup en autonomie. Je pense finalement que cette cohorte sera disponible et prête plus rapidement à entrer sur le marché du travail.

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