À l’École Polytechnique de Montréal, les professeurs de génie électrique fredonnent au rythme des notes de musique qui s’élèvent dans les corridors de leur département. C’est que leur collègue, Raman Kashyap, travaille sur un projet pour le moins inusité. Ce génie de la musique a mis au point une guitare photonique. « J’ai remplacé les fils de nylon par de la fibre optique dans laquelle circule un rayon laser, explique-t-il. Plutôt que des ondes sonores, ce sont des ondes lumineuses qui servent de matière première. »
Lorsqu’on pince la fibre optique, l’onde lumineuse du laser se « brise ». Elle donne naissance à une multitude d’ondes de différentes phases et amplitudes. « Selon l’endroit où l’on pince la corde et l’endroit où l’on bloque la fibre sur le manche, on obtient un « cocktail » d’ondes spécifiques », poursuit le professeur, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les systèmes photoniques futurs. Puisque la fibre est de type multimode, elle arrive à porter plusieurs trajets lumineux à la fois.
En fin de parcours, les photons qui circulent dans la fibre optique sont analysés par un capteur qui évalue, en quelque sorte, le cocktail d’ondes et transmet l’information captée vers un système audio qui fait entendre une note correspondante. Le son qui sort du haut-parleur ressemble à s’y méprendre à celui d’une guitare acoustique. Le timbre est beaucoup plus riche que sur une guitare électrique.
Univalor, la société responsable de valoriser les inventions et découvertes de plusieurs établissements montréalais, dont l’école Polytechnique, veut protéger la nouvelle guitare grâce à un brevet. Des fabricants d’instruments de musique comme Yamaha ou Roland pourraient être intéressés.
Le champ d’application des recherches du professeur Kashyap est bien plus large que la musique. On pense par exemple à la mise au point de sismographes encore plus performants que ceux qui sont utilisés aujourd’hui. « Une fibre optique qui subit un choc a la capacité de transporter un message très précis, qu’elle se trouve sous la terre ou sur une guitare. Ce qui compte, c’est d’être capable d’interpréter le signal. »
À court terme, M. Kashyap compte toutefois perfectionner sa guitare. Son prochain projet? Un violoncelle photonique pour son fils qui apprend la musique.