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La sous-traitance gagne du terrain dans les universités canadiennes

Le recours à la sous-traitance en matière de counseling en santé mentale suscite de vifs débats chez les professionnels des affaires étudiantes.

par NATALIE SAMSON | 06 NOV 14

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L’Université de l’Île-du-Prince-Édouard a annoncé cet automne qu’elle offrirait à ses étudiants un accès à un service de counseling mobile 24 heures sur 24. Ce programme de soutien aux étudiants fait l’objet d’un contrat de deux ans avec Morneau Shepell, une société canadienne spécialisée dans les programmes de santé et de bien-être pour employés, souvent appelés « programmes d’aide aux employés » ou « PAE ». L’entente permet aux étudiants d’accéder aux conseillers en santé mentale de la société en ligne ou par téléphone et à son réseau national de nutritionnistes, de diététistes, et de conseillers financiers et juridiques.

La directrice des affaires étudiantes, Treena Smith, a précisé que le recours à des ressources externes en counseling constitue un complément aux services offerts par deux conseillers en santé mentale internes qui travaillent à temps plein (et d’un troisième conseiller à temps partiel qui sera bientôt embauché) et des autres ressources universitaires comme la clinique, le bureau des services aux handicapés et le centre d’orientation professionnelle. « Nous offrons d’excellents services, explique Mme Smith, toutefois, nous fermons les bureaux à dix-sept heures et nous ne travaillons pas sur appel. Nos effectifs sont trop restreints. »

L’Université paiera 60 000 $ sur deux ans pour ce service, un prix négocié selon une population estimée à 4 500 étudiants et qui revient à environ 6,67 $ par étudiant par année. Le programme est cependant offert gratuitement aux étudiants. On estime qu’environ deux pour cent de la population, soit 90 étudiants, utiliseront le service.

La sous-traitance fait l’objet de vifs débats chez les professionnels des affaires étudiantes au Canada, ce qui est apparu évident lors du congrès annuel de l’Association des services aux étudiants des universités et collèges du Canada (ASEUCC) en juin, alors qu’une séance intitulée « Outsourcing health and counselling services: How do they stack up? » (services de santé et de counseling en sous-traitance : comment se comparent-ils?) or–ganisée par un groupe de travail conjoint de la Canadian Organization of University College Health (COUCH) et de la Canadian University and College Counselling Association (CUCCA) a affiché complet. Selon Su-Ting Teo, ancienne présidente de la COUCH et directrice des services de santé et de bien-être étudiant à l’Université Ryerson, le débat sur la question a atteint un point culminant sur les campus parce que la demande en matière de services de santé mentale de la part des étudiants est plus élevée que jamais, que les services de counseling sont coûteux et que les universités dans leur ensemble se heurtent à des restrictions budgétaires.

Une raison légèrement plus insidieuse explique également l’intérêt actuel pour la sous-traitance, affirme Rice Fuller, directeur du service de santé et de bien-être de l’Université du Nouveau-Brunswick. M. Fuller soutient que de nombreux fournisseurs de programmes d’aide aux employés intensifient leurs efforts pour conquérir le marché de l’enseignement supérieur. Pour y parvenir, ils ne courtisent pas les services de counseling, mais les associations étudiantes, généralement vers la fin du printemps lorsque les nouvelles associations sont constituées. « Je n’ai jamais entendu dire que les propositions [de PAE] avaient été présentées au centre de counseling, explique M. Fuller, qui trouve suspect le moment choisi. Peut-être offrent-ils des services dont nous aimerions disposer, mais ce n’est jamais présenté ainsi. » M. Fuller communique désormais immédiatement avec la nouvelle association étudiante afin de lui demander de l’informer d’éventuelles présentations des fournisseurs.

Le recours à la sous-traitance pour les services de counseling n’est pas nouveau. C’est d’ailleurs le cas dans la plupart des services complémentaires sur les campus. En 2000, l’Université Brock de St. Catharines a retenu les services de Lidkea Stob and Associates, une société de counseling familial de Niagara offrant des programmes d’aide aux employés, pour embaucher et superviser des conseillers qui travailleraient sur le campus. L’intégration de ce service se déroule de manière homogène du point de vue des étudiants, déclare Les McCurdy-Myers, directeur des services de counseling de l’Université. Lidkea Stob affecte habituellement toujours les quatre mêmes conseillers au campus. Toutefois, leur nombre peut varier selon la demande. Pour prendre rendez-vous, les étudiants composent un numéro de poste de l’Université, et leur appel est acheminé à Lidkea Stob.

M. McCurdy-Myers dit avoir négocié avec son « partenaire » pour que l’Université puisse superviser le programme, ce qui comprend l’accès aux dossiers des étudiants et la participation à l’embauche, ce que les fournisseurs de PAE ne permettent habituellement pas. « Je crois qu’une partie de la réussite de notre programme tient au fait que nous avons décidé de travailler avec une entreprise locale qui nous a aidés à adapter le programme à nos besoins et qui nous en a laissé gérer une bonne partie. Je pense qu’il est important qu’un intervenant universitaire soit au fait des services de counseling et de leurs exigences et supervise le service fourni pour s’assurer que les étudiants obtiennent les ressources auxquelles ils ont droit. »

Sans fournir plus de précision, M. McCurdy-Myers a déclaré que la sous-traitance coûtait considérablement moins à l’Université que d’embaucher des conseillers. « Ce modèle ne convient pas à tout le monde, mais, pour moi, il est préférable à une entente avec une entreprise nationale ou une multinationale. »

Bien qu’ils aient été testés depuis parfois plus de dix ans sur certains campus comme celui de l’Université Brock, les PAE demeurent un phénomène rare dans les services de santé mentale offerts aux étudiants canadiens. À l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, la continuité des soins représentait le plus grand problème lié au passage vers ce modèle de fonctionnement, a expliqué Mme Smith.

« Les tendances suicidaires d’un étudiant pouvaient nous échapper. » D’autre part, sans services de counseling, un étudiant suicidaire passerait entre les mailles du filet et ne recevrait pas de soins. « Nous avons recours à la sous-traitance pour ces services parce que nous ne pouvons nous permettre de faire autrement », a-t-elle expliqué.

Un des avantages de recourir à Sheppell, a-t-elle ajouté, est que la société emploie des conseillers multilingues. L’Université espère que cet avantage convaincra des étudiants pour qui le français et l’anglais sont des langues étrangères.

Entre-temps, la COUCH et la CUCCA travaillent sur un livre blanc afin d’établir des pratiques exemplaires en matière de sous-traitance. L’ouvrage sera présenté à la réunion de l’ASEUCC l’année prochaine à Vancouver. Cette recherche a déjà mené à une série de paramètres qui aident les administrateurs à décider s’ils doivent avoir recours à la sous-traitance pour les services de counseling. Mme Teo recommande aux administrateurs de se poser les questions suivantes : à quoi l’établissement s’attend-il d’un conseiller? Quelles ressources existent à l’échelle locale? Le rendement du capital investi est-il suffisant? Quels sont la qualité du service et le degré de satisfaction du personnel et des étudiants?

Le sujet suscite de vifs débats — même le terme « sous-traitance » a été contesté en raison de ses connotations négatives. Toutefois, tout le monde semble pouvoir s’entendre sur le fait que la sous-traitance constitue un enjeu complexe qui, en raison de l’intérêt accru et de la forte demande en matière de santé mentale ainsi que de la vigilance marquée à l’égard des restrictions budgétaires dans la plupart des universités, devrait demeurer au centre des préoccupations pendant un certain temps.

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