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Un tribunal autorise les étudiants à poursuivre leur université, dans certains cas

Une décision de la Cour d’appel de l’Ontario pourrait avoir de vastes répercussions.

par JUDITH KNELMAN | 18 AVRIL 12

Une récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario a défini un nouveau domaine restreint qui échappe maintenant à la compétence exclusive des universités dans les différends qui les opposent aux étudiants. En effet, les étudiants qui réclament de l’argent en réparation d’une situation nuisant à leur rendement scolaire pourront maintenant s’appuyer sur le précédent jurisprudentiel de la cause de Manon Gauthier.

Mme Gauthier était étudiante au doctorat en sciences de l’enseignement à l’Université d’Ottawa. Elle n’a pas décroché son diplôme, car, soutient-elle, l’Université a fait preuve de négligence et a rompu son contrat en ne lui fournissant pas une supervision de thèse adéquate.

« Il s’agit d’une décision déterminante rendue par un tribunal d’appel important, affirme Rob Kligman, spécialiste de la jurisprudence dans le milieu universitaire au cabinet d’avocats Cassels Brock, à Toronto. D’autres provinces en tiendront sans doute compte. »

La décision Gauthier c. Saint-Germain, Boudreau et l’Université d’Ottawa, rendue en français en mai 2010, expose les circonstances dans lesquelles un étudiant peut réclamer des dommages-intérêts à une université. En octobre de la même année, cette décision a servi de fondement à un jugement prononcé par le même tribunal d’appel dans une autre cause, soit Jaffer c. l’Université York. Ce cas reposait sur une allégation voulant que l’Université York n’ait pas offert les mesures d’adaptation nécessaires à un étudiant ayant une déficience, Ashif Jaffer. Celui-ci a été invité à modifier sa déclaration selon l’ordonnance rendue dans l’affaire Gauthier, qui n’était pas encore disponible lors du rejet de sa demande par la Cour supérieure de justice. La Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé des deux cas, mais a quelque peu ouvert la porte aux deux demandeurs, Mme Gauthier et M. Jaffer, leur donnant une nouvelle chance de présenter leur exposé de façon acceptable pour le système de justice.

La notion de contrat implicite se trouve au cœur des deux causes, selon M. Kligman. Les étudiants sont en droit de demander des dommages-intérêts s’ils peuvent démontrer que l’université a failli à ses engagements et si les allégations visent un comportement qui n’est pas du ressort des universités dans le cadre de leurs programmes d’études; c’est-à-dire si les étudiants ne tentent pas seulement de contester, même indirectement, une décision d’ordre scolaire.

De l’avis d’Harriet Lewis, chef du contentieux à l’Université York, les tribunaux assimilent de plus en plus la relation entre universités et étudiants à une relation commerciale. Les universités doivent donc veiller à offrir de la documentation claire.

« Nous nous en sommes toujours remis au calendrier et aux politiques de l’Université, qui constituent ce qui se rapproche le plus d’un contrat, mais ne sont pas considérés comme une entente commerciale. Aujourd’hui toutefois, les étudiants, les parents et les tribunaux adoptent davantage un point de vue de consommateur, soutient-elle. Si les gens peinent à financer leurs études, ils veulent en tirer quelque chose : un diplôme. »

« La notion de contrat implicite est un nouveau concept, et le non-respect peut donner lieu à des poursuites, ajoute M. Kligman. Il en est ainsi depuis longtemps aux États-Unis. »
Dans sa déclaration, Mme Gauthier prétendait que son premier superviseur, Michel Saint-Germain, lui a affirmé que ses études de doctorat ne dureraient que quatre ans et qu’elle recevrait une bourse d’admission de 50 000 $ en plus d’un poste d’assistant d’enseignement lorsqu’elle serait aux études à temps plein. En 2002, après avoir travaillé pendant quatre ans avec M. Saint-Germain et, selon sa déclaration, après avoir repoussé ses avances sexuelles, elle a demandé à ce qu’il soit remplacé; elle a soutenu qu’il l’avait harcelée, puis intimidée, lui indiquant qu’il lui faudrait encore de quatre à six ans avant d’obtenir son doctorat. Le remplaçant du superviseur était incompétent, a affirmé Mme Gauthier, ce qui l’a obligée à consacrer quatre années supplémentaires à sa thèse. En 2006, elle a abandonné ses études et entamé des poursuites pour assertion inexacte, harcèlement et incompétence de la part de l’Université et de ses employés lui ayant causé des pertes financières et des souffrances morales.

Dans l’autre cas, M. Jaffer, atteint du syndrome de Down, mais ayant tout de même obtenu son diplôme d’études secondaires en Ontario avec distinction, a prétendu que, si l’Université York lui avait fourni des mesures d’adaptation convenables, on ne l’aurait pas empêché de faire sa deuxième année d’études en raison d’une moyenne inférieure à D+. M. Jaffer avait pu reprendre un travail, qu’il avait remis l’été suivant sa première année, et avait donc compris, affirmait-il, que son classement serait différé dans tous ses cours universitaires pendant l’examen des mesures d’adaptation supplémentaires nécessaires. Il prétendait qu’une assertion négligente et inexacte de l’Université York a retardé son entrée sur le marché du travail. La Cour supérieure de justice a rejeté sa demande, jugeant qu’il s’agissait d’une plainte d’ordre scolaire devant être traitée par le milieu universitaire.

La Cour d’appel a statué que, si l’exposé des affaires Gauthier et Jaffer était préparé convenablement et comportait les preuves voulues des contrats et des manquements en litige, les demandeurs pourraient obtenir des dommages-intérêts. Mme Gauthier a été invitée à modifier sa déclaration afin de démontrer à quoi s’était engagée l’Université et quelles étaient les normes de conduite et la compétence attendues d’un superviseur. Pour sa part, M. Jaffer a reçu comme instruction d’exposer exactement les mesures d’adaptation prévues selon son contrat implicite avec l’Université York, celles qu’on lui a offertes et les autres dont il avait besoin. Son exposé modifié a été présenté à la Cour supérieure de justice le 15 mars 2012.

Les tribunaux refusent habituellement de s’immiscer dans les différends entre universités et étudiants lorsque ceux-ci sont d’ordre scolaire. La contestation de notes ou d’une expulsion par les étudiants demeurera exclusivement du ressort des universités. Toutefois, les étudiants de l’Ontario qui réclament des dommages pécuniaires pourraient maintenant être entendus en cour.

« Ces cas font apparaître de nouvelles raisons d’entamer des poursuites, déclare M. Kligman. Ce n’est pas tant le procès qui compte pour réparer un tort. Rompre une entente implicite, faire des affirmations trompeuses ou harceler un étudiant peut entacher une carrière. Maintenant, les universités pourraient être tenues de verser des dommages-intérêts. »

Les deux universités ont interjeté appel de la décision de la Cour d’appel à la Cour suprême. En mars 2011, les deux demandes d’appel ont été rejetées. Comme le souligne M. Kligman, on ne sait jamais vraiment quoi penser du refus de la Cour suprême de statuer sur un cas, mais on peut supposer qu’elle n’a pas jugé nécessaire de revenir sur la décision du tribunal d’appel.

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