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Une réduction de l’embauche et de l’aide financière est à prévoir

Les universités se trouvent en situation précaire en raison des pertes essuyées par les fonds de dotation

par ROSANNA TAMBURRI | 01 DÉC 08

Réagissant à la crise financière mondiale et à un possible ralentissement prolongé de l’économie, les universités canadiennes cherchent à freiner la chute des revenus des fonds de dotation et des régimes de retraite et se prémunissent contre d’éventuelles compressions des dépenses gouvernementales. Certaines envisagent de diminuer ou d’éliminer temporairement les débours des fonds de dotation. D’autres retardent leurs projets de construction, gèlent temporairement l’embauche et les dépenses et cherchent de nouvelles sources de revenus. Les campagnes de financement seront sans aucun doute touchées elles aussi.

Lors de la chute du cours des actions en septembre et en octobre, les fonds de dotation ont essuyé des pertes se chiffrant à plusieurs millions de dollars. Ces fonds sont constitués de dons de bienfaisance, dont les revenus d’investissements servent entre autres à financer des bourses d’études et des chaires de recherche.

Comme l’explique Dan Murray, vice-recteur aux finances à l’Université du Nouveau-Brunswick, les fonds de dotation sont bien diversifiés, environ 35 pour cent de leurs actifs étant investis dans des valeurs à revenu fixe, et 60 pour cent, dans les actions. Les placements spéculatifs, notamment ceux dans l’immobilier et les fonds de couverture, n’en constituent qu’une petite partie. Les fonds de dotation canadiens ont perdu en moyenne 10 pour cent de leur valeur en septembre par rapport au début de l’année, et une perte supplémentaire de 10 pour cent est à prévoir en octobre, selon M. Murray.

Tom Traves, recteur de l’Université Dalhousie et président du conseil d’administration de l’Association des universités et collèges du Canada, dit : « Peu d’investisseurs dans le monde ont réussi jusqu’à maintenant à traverser la crise sans y laisser des plumes. Il s’agit d’une crise mondiale qui n’épargne personne. »

Ted Garrard, vice-recteur aux relations externes à l’Université Western Ontario, explique que son établissement prend diverses mesures, comme réduire les débours du fonds de dotation, piger de façon temporaire dans le budget de fonctionnement, trouver une « âme charitable » qui couvrirait le montant des versements pour une année et utiliser les revenus accumulés dans des fonds de longue date. En ce qui a trait à la collecte de fonds, M. Garrard perçoit depuis le début de l’été une réticence de plus en plus marquée de la part des donateurs, et la situation ne va pas en s’améliorant. À son avis, les universités enregistreront une baisse des dons importante par rapport aux dernières années.

En raison de la campagne électorale en cours, les universités du Québec n’étaient pas empressées de parler du ra-lentissement économique. La CREPUQ a envoyé une lettre ouverte à tous les partis politiques leur demandant de faire de l’éducation une priorité.

Les universités ont également essuyé des pertes dans leurs caisses de retraite, et celles qui possèdent des régimes à prestations déterminées – qui garantissent une prestation fixe aux retraités – risquent d’enregistrer de lourds déficits. Certaines ont d’ailleurs déclaré des déficits avant même que la crise ne frappe. Mais même les régimes qui affichaient un excédent « accusent probablement un déficit à l’heure actuelle », estime Paul Forestell, responsable du Groupe professionnel en régimes de retraite chez Mercer, une société spécialisée en services-conseils financiers. Les règlements régissant les régimes de retraite obligent généralement les fonds à éponger leur déficit dans un délai de cinq ans. Les universités et autres organismes à but non lucratif à rentrées de fonds fixes « auront beaucoup de difficulté à y parvenir ».

Les contributions aux régimes à prestations déterminées devront peut-être être augmentées ou encore rajustées, croit M. Forestell. Plusieurs grands régimes sous réglementation fédérale ont demandé au gouvernement d’assouplir les exigences liées à leur financement, essentiellement en leur accordant plus de temps pour combler leur manque à gagner. Ottawa s’est engagé à y réfléchir. Les régimes des universités sont toutefois sous réglementation provinciale. Plusieurs provinces, dont l’Ontario, l’Alberta, la Colombie‑Britannique et la Nouvelle-Écosse, ont procédé à l’évaluation des règlements applicables aux régimes de retraite avant le début de la crise financière et attendent le dépôt des rapports d’experts. Certaines provinces ont, par le passé, consenti un allégement aux universités et aux municipalités. C’était notamment le cas du Nouveau‑Brunswick, à la suite de l’éclatement de la bulle technologique en 2000.

M. Forestell s’attend à ce que les organismes de réglementation provinciaux envisagent d’assouplir les règles de financement des régimes de retraite à prestations déterminées, bien qu’aucun n’ait encore fait d’annonce en ce sens. Il semble logique que les gouvernements accordent un peu de répit à certains régimes, estime M. Forestell, puisqu’il y a peu de risques qu’une université ferme ses portes et que ses employés perdent leurs prestations.

Beaucoup d’établissements ont commencé à surveiller étroitement les embauches et les dépenses : « Nous allons évaluer de près la nécessité de pourvoir aux postes vacants et le moment de les pourvoir », explique Alan Wildeman, recteur de l’Université de Windsor. L’Université de Waterloo va un peu plus loin et gèle presque entièrement l’embauche et les dépenses discrétionnaires jusqu’à la fin de l’exercice, le 30 avril 2009. Le recteur, David Johnston, indique que son établissement fera de son mieux pour éviter les mises à pied, mais reconnaît que la situation pourrait se traduire par une légère augmentation du nombre d’étudiants dans les classes et de la charge d’enseignement des professeurs.

L’Université cherche également à augmenter ses revenus par divers moyens : activités de financement, augmentation des effectifs au pre-mier cycle et du nombre d’étudiants étrangers, réduction du taux d’abandon au premier cycle ainsi que création ou élargissement de programmes aux cycles supérieurs. Le régime de retraite n’est pas menacé, mais une hausse des contributions pourrait se révéler nécessaire.

Certains établissements avaient déjà commencé à se serrer la ceinture avant le début de la crise. C’est le cas de l’Université Trent, qui a éliminé 50 postes et gelé l’embauche pour l’exercice en cours : « Cela signifie que nous devrons procéder à une autre restructuration et, à vrai dire, nous n’avons plus beaucoup de marge de manœuvre », affirme sa rectrice, Bonnie Patterson. Un gel des dépenses consacrées à l’équipement et des compressions dans d’autres domaines sont à prévoir.

L’augmentation des frais de scolarité n’est pas réellement une option, car plusieurs provinces ont imposé un gel ou un plafond. Comme son fonds de dotation a enregistré des pertes de six millions de dollars cette année, Trent devra peut-être se résoudre à réduire ou à éliminer le versement d’intérêts, qui sont majoritairement destinés à l’aide financière aux étudiants, explique Mme Patterson. Si tel est le cas, le manque à gagner pourrait s’élever à un million de dollars.

Les subventions du gouvernement

La chute des revenus générés par les fonds de dotation est certes inquiétante, mais les universités sont de plus en plus préoccupées par leur principale source de revenus : les subventions de fonctionnement. « Le gouvernement a commencé à envoyer certains signaux selon lesquels les subventions pour le prochain exercice seront, au mieux, du même ordre que celles de l’exercice en cours », affirme Mme Patterson. Pour Trent, cela se traduit par une réduction de cinq pour cent du budget après inflation.

L’Université Queen’s éprouve, elle aussi, de la difficulté à joindre les deux bouts. Le principal, Tom Williams, a fait savoir plus tôt cette année que son établissement pourrait enregistrer « une baisse considérable de ses revenus par rapport à ses dépenses » au cours de l’exercice 2010, à moins de procéder à des compressions ou de trouver de nouvelles sources de revenus. Rompant avec la tradition, le conseil d’administration de l’Université a approuvé en octobre un plan d’emprunt et une politique visant l’étude de plans d’emprunt à long terme. Bien qu’elle n’ait pas été directement liée à la situation financière actuelle, la décision du conseil se révèle d’autant plus opportune étant donné la crise, explique le vice-recteur à l’enseignement, Patrick Deane.

Queen’s a discuté avec des groupes d’employés de la façon de combler le déficit de 80 millions de dollars de son régime de retraite et envisage d’adopter plusieurs mesures, dont l’ajustement des futures prestations et la possibilité d’offrir un régime à prestations déterminées aux nouveaux employés.

Certaines universités ont mis leurs plans de construction en veilleuse. L’Université du Nouveau-Brunswick a choisi de retarder certains projets qui étaient en phase initiale de développement et examine de près tout poste vacant avant de le pourvoir, explique M. Murray, mais elle s’est engagée à maintenir ses dépenses consacrées à l’aide financière et aux bourses d’études.

Le ralentissement économique aura également d’autres effets sur le milieu universitaire. Les effectifs ont tendance à augmenter lorsque l’économie est à son plus bas niveau, car les étudiants renoncent à chercher un emploi dans un marché du travail déprimé : « Il ne fait pas de doute que le ralentissement économique entraînera une hausse de la demande », en particulier pour les programmes aux cycles supérieurs, estime Harvey Weingarten, recteur de l’Université de Calgary.

Jusqu’à maintenant, la volatilité des marchés a principalement touché les fonds de dotation, qui couvrent seulement une petite partie du budget global des universités (moins de deux pour cent dans le cas de l’Université de Calgary). Lors de la plus récente période de ralentissement économique et de compression des dépenses publiques au début des années 1990, ce sont les subventions de fonctionnement qui ont été les plus sévèrement touchées.

Une situation similaire guette-t-elle les universités au tournant? « Il y a certainement lieu de s’inquiéter, affirme M. Traves. J’espère seulement que les décideurs auront tiré quelques leçons de la dernière décennie, car réduire les dépenses en éducation n’est rien d’autre qu’une décision à courte vue. »

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