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Université Laurentienne : une lueur au bout du tunnel

Son Plan d’arrangements avec les créanciers ayant été approuvé, l’établissement pourrait cesser d’être sous la protection de la LACC avant la fin de l’année.

par JULIEN CAYOUETTE | 04 NOV 22

Les créanciers de l’Université Laurentienne ont approuvé le 14 septembre le Plan d’arrangements proposé. Une bonne nouvelle pour la survie de l’établissement, quoique certain.e.s qualifient ce Plan de « pilule empoisonnée ». La Laurentienne prévoit pour l’instant se dégager de la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) à la fin novembre.

Pour être accepté, non seulement le Plan devait-il recueillir la majorité des votes, les créanciers votant en sa faveur devaient aussi détenir les deux tiers de la valeur totale des réclamations de ceux qui enregistraient leur vote.

Selon le rapport du contrôleur de la restructuration, Ernst & Young, 606 créanciers étaient présents en personne ou par procuration. Le Plan a été approuvé à 87,4 %, ce qui représente 522 des 597 votes enregistrés.

Les créanciers présents détenaient un total de 178,9 millions de dollars en réclamations. Toutefois, quelques personnes présentes au moment du vote ont indiqué que le créancier le plus important, la Banque Royale du Canada, à qui la Laurentienne doit plus de 70 millions de dollars, n’a pas voté. Ainsi, la valeur totale des réclamations des personnes ayant voté s’élevait plutôt à 62,9 millions de dollars et les 522 créanciers détenaient 68,9 % de cette somme.

Fin de la LACC

Tant le résultat du vote que le Plan ont été approuvés par le juge en chef de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, Geoffrey B. Morawetz, le 6 octobre. Le même jour, il a accordé une autre extension de la protection de la LACC — jusqu’au 30 novembre.

Pour que la LACC prenne fin, plusieurs autres conditions doivent être remplies. L’une d’entre elles est la finalisation d’une entente entre l’Université Laurentienne et le gouvernement de l’Ontario pour la vente de biens fonciers d’une valeur maximale de 53,5 millions de dollars. L’argent obtenu par la vente servira à rembourser les créanciers; qui peuvent s’attendre à recevoir entre 14 et 24 % de ce qui leur est dû.


À lire aussi : Université Laurentienne : des départs et un plan qui font des vagues


Le 31 octobre dernier, l’établissement annonçait que le recteur, Robert Haché, partait à la retraite le jour même. C’est Tammy Eger, vice-rectrice à la recherche de l’Université Laurentienne, qui assure l’intérim depuis. Soulignons qu’il avait été annoncé il y a quelques mois, que le départ à la retraite de M. Haché et de Marie Josée Berger, vice-rectrice aux études, prendrait effet avant la fin de la protection de la LACC.

« Pilule empoisonnée »

Comme bien d’autres, le professeur de biologie à l’Université Laurentienne, Albrecht I. Schulte-Hostedde, a été « très consterné par les décisions prises par l’administration de l’Université et le conseil [des gouverneurs]. J’ai vu des personnes et des programmes coupés que je considérais importants ».

M. Schulte-Hostedde n’a pas perdu son emploi, mais il a vu l’École des sciences de l’environnement disparaître et plusieurs de ses collègues, ami.e.s, collaborateurs et collaboratrices perdre leur emploi. Sa charge de travail a immédiatement augmenté, et ce changement était accompagné d’une diminution de salaire de 5 %.

Faire le choix de voter pour ou contre le Plan d’arrangements n’a pas été simple pour lui. « C’est une pilule empoisonnée de plusieurs façons. La menace a toujours été que l’Université allait fermer. Chaque fois qu’il y avait une décision à prendre », rappelle M. Schulte-Hostedde.

De concert avec d’anciens collègues, David Leadbeater, professeur d’économie licencié avec près d’une centaine d’autres professeur.e.s en 2021, a voté contre le plan. « C’était une injustice majeure envers les professeur.e.s, la communauté et les petites entreprises », croit-il.

M. Leadbeater n’a d’ailleurs jamais cru à la menace de fermeture. L’Université survivra, « mais à quel prix? ». Elle ne retrouvera jamais sa gloire ou sa taille passée, avance-t-il.

Si M. Schulte-Hostedde n’est pas déçu que le plan ait été approuvé, l’amertume demeure. Ce qu’il considère comme la « destruction » de l’Université a eu de graves effets sur le Nord de l’Ontario et ses résident.e.s. Il espère que certains programmes coupés feront un retour, mais la « montagne semble être insurmontable » par moment.

« À court terme, j’aimerais voir de l’imputabilité. L’histoire sur ce qui s’est passé et qui l’a fait a besoin d’être racontée. Et il doit y avoir des conséquences », dit le professeur de biologie.

M. Leadbeater aimerait aussi voir une enquête publique. Cette histoire, il dit l’avoir vue se développer au cours de plusieurs années. Au début par un déclin du recrutement et des embauches. « [L’administration] a toujours laissé entendre que nous grandissions. Mais à l’interne, je voyais des professeur.e.s qui n’étaient pas remplacé.e.s. Des programmes qui n’étaient pas suffisamment financés, spécialement dans la Faculté des arts. »

Repenser le modèle

M. Leadbeater soutient que l’échec de la Laurentienne démontre que « le modèle néo-libéral de l’éducation », de plus en plus adopté par les gouvernements et les universités et qui « se tourne vers la privatisation et la corporisation » ne fonctionne pas.

« La compétition ne sera pas à l’avantage des régions plus pauvres et plus éloignées, comme le Nord de l’Ontario », affirme-t-il.

À son avis, pour régler le problème, les deux paliers de gouvernement devront rehausser leur financement de l’éducation postsecondaire, qui est en déclin depuis des années. Il estime aussi qu’il faudrait réévaluer ce dont la société et chaque région ont besoin et éviter le plus possible la compétition entre les établissements.

Un premier surplus

L’avocate représentant l’Université Laurentienne, D.J. Miller, a affirmé en cour que l’administration est parvenue à réduire ses dépenses de 40 millions de dollars. « Ceci représente une diminution de 25 % de ses dépenses, ce qui donne à la Laurentienne des bases viables. »

Les états financiers de 2021-2022, déposés le 21 octobre à la réunion du conseil des gouverneurs, appuient l’affirmation de l’avocate. Ils font état d’un surplus de 16,8 millions de dollars, alors que l’année 2020-2021 s’était terminée avec un déficit de 66,6 millions de dollars, qui incluait 78,7 millions de dollars en frais de restructuration.

Les inscriptions étudiantes ont diminué de 14 %, mais les revenus tirés des inscriptions n’ont reculé que d’environ 7 %, selon le vice-recteur à l’administration et aux finances par intérim, Michel Piché. La différence viendrait des droits de scolarité des étudiant.e.s provenant de l’étranger.

Si l’avenir de l’établissement est plus clair qu’au début du processus, la Laurentienne n’est pas pour autant tirée d’affaire. Selon D.J. Miller, l’Université avait un retard de 135 millions de dollars sur l’entretien de ces édifices lors de la mise en place de la LACC. Aujourd’hui, ce retard serait plutôt de 200 millions de dollars. De plus, la mise en place des recommandations du rapport sur la gestion et la gouvernance au cours des prochaines années pourraient coûter 30 millions de dollars.

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  1. Francine Préseault / 10 novembre 2022 à 18:16

    M. Schult-Hostedde a entièrement raison: « il aimerait voir de l’imputabilité…ce qui s’est passé et qui l’a fait a besoin d’être raconté et il doit y avoir des conséquences…il aimerait voir une enquête publique ». Il ne faut pas oublier que malgré l’entente, une multitude de personnes ont été lésées ( et le sont encore) par la catastrophe financière sans précédent de cette université. Seule la transparence totale sur cette triste affaire peut inciter la population (et tous les gens touchés de près ou de loin) à peut-être rétablir un peu de confiance en cette institution. Sans imputabilité, sans conséquences réelles et sans enquête publique l’université restera marquée par une tare permanente et très nuisible.

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