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Actualités

Wikipédia au service du milieu universitaire

Les bibliothèques universitaires se tournent vers l’encyclopédie en ligne pour diffuser leurs ressources uniques, renforcer leur notoriété et offrir un enseignement de meilleure qualité.

par SHARON ASCHAIEK | 28 FEV 19

Longtemps, Wikipédia n’a inspiré que mépris et méfiance au sein du milieu universitaire. Mais après 18 ans de croissance exponentielle, l’encyclopédie virtuelle en libre accès et à but non lucratif est devenue une source de contenu en ligne de premier plan, de plus en plus difficile à ignorer pour les établissements d’enseignement.

L’Université de Victoria est l’un des premiers établissements à avoir amorcé une collaboration avec Wikipédia. En 2015, l’Université accueillait son premier wikipédien en résidence à titre honorifique, soit l’éminent chercheur en sémiotique Christian Vandendorpe. En 2017, elle a renouvelé ce poste de deux ans en le confiant à Constance Crompton, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en humanités numériques.

Entre autres tâches, le wikipédien en résidence doit intégrer dans l’encyclopédie l’information sur la défense des droits des personnes transgenres que la bibliothèque de l’Université de Victoria conserve dans ses archives. Cette collection, l’une des plus vastes du genre au monde, contient des objets, des documents complets et des publications rares en 15 langues qui couvrent plus de 120 ans d’histoire.

« Wikipédia manque d’équilibre dans les sujets qu’elle aborde et l’espace qu’elle consacre au militantisme social, explique Lisa Goddard, bibliothécaire associée à l’Université de Victoria. Notre Université a l’occasion d’utiliser son expertise pour combler certaines de ces lacunes et accroître la diversité des points de vue représentés. »

Gratuits et multilingues, Wikipédia et ses sites connexes attirent 17 milliards de visiteurs par mois. Le site en anglais contient près de six millions d’articles sur tous les sujets imaginables, et quelque 600 articles y sont ajoutés quotidiennement. Wikipédia en français, quant à elle, est la cinquième version en importance de l’encyclopédie et compte un peu plus de deux millions d’articles. Grâce à son contenu optimisé pour le référencement naturel et à ses centaines de milliers de réviseurs bénévoles, Wikipédia domine les résultats de la plupart des moteurs de recherche.

Les processus mis en œuvre par l’encyclopédie pour réviser et accepter le nouveau contenu sont beaucoup plus rigoureux qu’auparavant. Le site s’est doté de règles détaillées afin d’assurer la clarté, l’exactitude, la vérifiabilité et la neutralité de son contenu. Il a aussi mis en place un processus de contrôle rédactionnel méticuleux qui prévoit la révision du contenu par l’ensemble de sa communauté de réviseurs, par des comités de rédaction choisis et par des logiciels robots.

La fonction de wikipédien en résidence existe depuis 2010 au moins, la première ayant été créée par le British Museum, au Royaume-Uni. Depuis, d’autres musées ainsi que des universités, des services d’archives, des bibliothèques, des galeries d’art et des organismes de santé ont employé au total 165 wikipédiens en résidence dans le monde entier. Selon la Fondation Wikimédia (qui héberge tous les sites Wikipédia officiels), 65 wikipédiens en résidence travaillent aujourd’hui – et sont inscrits – auprès de la Fondation.

Les organismes qui engagent un wikipédien en résidence ne concluent aucune entente avec l’encyclopédie en ligne. Ils peuvent donc adapter les conditions liées au poste – payé ou bénévole, temps plein ou temps partiel – et le mandat de son titulaire selon leurs besoins. Wikimédia leur offre toutefois des services gratuits de recrutement, de formation et de création de contenu. Selon elle, ces services s’inscrivent dans son objectif d’encourager les établissements d’enseignement et organismes culturels à partager librement leurs ressources sur les sites Wikimédia.

« En général, les universités se montrent prudentes, explique Benoit Rochon, président de Wikimédia Canada. Elles souhaitent rendre leurs connaissances publiques, mais l’univers Wiki les effraie. Néanmoins, elles sont de plus en plus nombreuses à constater que grâce à Wikipédia, elles peuvent s’engager un peu plus dans cette voie. »

Jesse Carliner, bibliothécaire spécialisé en communications et en services aux utilisateurs à l’Université de Toronto, y voit une belle occasion d’aider les bibliothèques de son établissement à atteindre leurs objectifs d’exploitation. L’automne dernier, il a d’ailleurs supervisé le recrutement d’un wikipédien en résidence. Ce contrat à temps partiel de six mois visait à améliorer l’accès aux livres rares numérisés, aux archives Web et aux œuvres d’art, à renforcer la présence de Wikipédia dans les bibliothèques et à promouvoir les projets sur Wikipédia au sein de l’Université de Toronto.

En octobre 2018, ce poste a été confié à Alex Jung. Doctorant en sciences politiques à l’Université de Toronto et défenseur de la démocratisation des technologies, M. Jung révise des pages Wikipédia depuis ses études secondaires. Un de ses principaux projets consiste à créer du contenu Wikipédia sur la collection spéciale de son université concernant la découverte et les premières étapes du développement de l’insuline (en anglais). Il révise soigneusement les articles Wikipédia sur l’insuline afin de corriger les lacunes et les erreurs.

« Le site Web de notre collection est une source d’information très riche et intéressante, mais à l’heure actuelle, les résultats des recherches [sur l’insuline] tendent à mener en priorité à des articles Wikipédia. Je crois que le site de notre collection mérite d’être partagé avec le grand public », souligne M. Jung.

M. Jung travaille également à créer une ressource sur le processus d’ajout de contenu sur Wikipédia à l’intention de l’ensemble du personnel des bibliothèques. De plus, il organise des événements de groupe, appelés « edit-a-thons », ayant pour objectif d’améliorer un aspect précis du site. Le plus récent, organisé le 7 février, visait à renforcer la présence des chercheuses canadiennes sur le site afin de souligner, le 11 février, la Journée internationale des femmes et des filles de science.

D’autres universités canadiennes utilisent Wikipédia à leur manière. À l’Université York, Stacy Allison-Cassin, bibliothécaire en sciences humaines, codirige une initiative visant à utiliser Wikipédia pour mettre en lumière le savoir autochtone (en anglais). Du côté de l’Université McGill, le bibliothécaire de liaison Michael David Miller travaille à enrichir le contenu LGBTQ+ de plusieurs sites Wikimédia.

En outre, de nombreuses universités, dont l’Université de Montréal, l’Université Western, l’Université Dalhousie, l’Université de Guelph et l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, ont participé à l’événement annuel #1Lib1Ref de Wikipédia, qui met au défi les bibliothécaires du monde entier d’améliorer la fiabilité du site en y ajoutant une référence. Parallèlement, l’Université Concordia a annoncé le mois dernier son intention d’embaucher un wikipédien en résidence à temps partiel.

À l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Jean-Michel Lapointe, bibliothécaire spécialisé en affaires, intègre la version française de Wikipédia à bon nombre de ses activités. Il apprend aux membres du corps professoral à modifier des articles Wikipédia et à inclure des travaux sur la plateforme à leurs cours. Il a aidé des étudiants à la maîtrise en administration des affaires à mener à bien des projets d’enrichissement d’articles Wikipédia sur l’utilisation de l’intelligence artificielle en affaires. Il a aussi créé, pour guider les professeurs intéressés par cette avenue, une page Wikipédia présentant les projets pédagogiques de l’UQAM qui comprennent l’encyclopédie en ligne. M. Lapointe participe actuellement, avec d’autres bibliothécaires d’universités locales, à des tables rondes sur le rôle de Wikipédia dans le milieu de l’enseignement supérieur.

Le renforcement des possibilités de recherche et d’apprentissage offertes par Wikipédia n’est qu’un des objectifs de M. Lapointe. À son avis, les bibliothécaires des universités francophones du Québec se doivent d’enrichir le contenu canadien en français de Wikipédia afin que le point de vue des francophones du pays y soit mieux représenté. Selon les plus récentes statistiques de Wikipédia, qui datent de 2014, 71 pour cent des révisions en français sont faites par des utilisateurs de France, contre seulement six pour cent par des utilisateurs du Canada.

« Qui d’autre que nous, membres du milieu universitaire, enrichira le savoir sur la culture québécoise sur Wikipédia? Si nous voulons être pris en compte sur Wikipédia, nous devons contribuer à cette présence. »

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