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À quelques clics du ciel

La pandémie et la vétusté des infrastructures ont engendré d’importantes rénovations dans les observatoires universitaires, devenus plus accessibles au public et à la communauté de recherche mondiale.

par ELIZABETH HOWELL | 14 DÉC 22

À l’Université York, le ciel est plus visible que jamais.

Debouts depuis 1960, les deux dômes de l’observatoire astronomique Allan I. Carswell ont fait leur temps : ils ont enfin été remplacés l’été dernier. La tâche n’avait rien de facile. Après avoir fait autoriser les travaux et le retrait par grue des anciennes structures, le personnel a mis une semaine à assembler les nouveaux dômes, mesurant près de sept mètres de diamètre chacun, avant de les hisser en place.

Entièrement mécanisé, le nouvel équipement peut être télécommandé par ordinateur, une avancée qui, comme l’explique Elaina Hyde, directrice de l’observatoire et professeure d’astrophysique, ouvre les portes de l’installation torontoise à un public plus vaste : celui de l’univers Web.

Aussi complexe que colossal, cet investissement a permis aux chercheurs et chercheuses de gagner une liberté exceptionnelle. Les dômes s’inscrivent dans un vaste projet de rénovation financé en partie par un don de 500 000 dollars accordé par la Fondation de la famille Carswell, dont la mission consiste à financer des activités caritatives pour l’éducation et la santé. L’Université York et sa Faculté des sciences ont pu, avec l’aide de leurs diplômé.e.s, offrir une somme équivalente pour porter le budget à 1 million de dollars.

Grâce à ces fonds, l’Université a réalisé certaines améliorations dans les années qui ont précédé l’installation des nouveaux dômes. En 2020, elle ajoutait un télescope d’un mètre à sa collection, qui comprenait déjà des télescopes de 60, de 40 et de 20 centimètres. Accentué par la pandémie et le confinement, le besoin d’améliorer l’accessibilité des lieux hors campus est devenu une grande priorité et explique le virage virtuel qui s’est opéré depuis. Il y a eu une chaîne YouTube diffusant des observations nocturnes en direct et une série sur l’astronomie intitulée TeleTube, une émission de radio en ligne, des jeux, des visites guidées en ligne et des plateformes mettant directement en relation des étudiant.e.s, des universitaires ou des membres du public de partout dans le monde avec le personnel de l’Université.

La modernisation entreprise à l’Université York n’est qu’une facette de l’évolution que connaît l’astronomie dans les universités canadiennes. D’un océan à l’autre, les observatoires procèdent à la réfection d’une infrastructure vieillissante afin de mieux intégrer le télétravail et d’étendre leur portée au-delà de leurs murs. La pandémie de COVID-19 a ainsi stimulé des rénovations qu’on n’avait pas vues dans les observatoires depuis les années 1960. À cette époque, le lancement du satellite Spoutnik en 1957 avait causé l’émoi et marqué le début d’une course à l’espace où les États-Unis et le Canada investissaient généreusement dans les projets de science, d’astronomie et d’aérospatiale. Aujourd’hui âgés de plus de 60 ans, les observatoires canadiens de cette période sont prêts pour une nouvelle vie.


L’observation d’étoiles sur les campus

Plusieurs campus universitaires au pays sont dotés d’observatoires d’astronomie à la fine pointe de la technologie qui ouvrent régulièrement leurs portes au public. Très utiles aux activités de recherche et d’enseignement, ces installations forment une courroie de transmission entre les universités et la population.

Observatoire Grenfell

Université Memorial, Corner Brook (T.-N.-L.)
Situé sur le campus Grenfell de l’Université Memorial, cet observatoire a été aménagé dans une tour de verre du pavillon des arts et des sciences en 2012. Selon l’établissement, il contient le seul télescope professionnel de Terre-Neuve-et-Labrador et est visité par un millier de personnes chaque année.

Observatoire Earl L. Wonnacott

Université de l’Île-du-Prince-Édouard, Charlottetown (Î.-P.-É.)
La coupole métallique de cet observatoire a été hissée à l’aide d’une grue sur le toit du Memorial Hall en janvier 1980. Quarante ans plus tard, en 2020, les lieux ont été dédiés à la mémoire d’Earl L. Wonnacott, qui a enseigné la physique et l’astronomie pendant plus d’un demi-siècle au Collège Prince of Wales et à l’Université. Il avait pris en charge l’acquisition de l’observatoire à la fin des années 1970.

Observatoire Burke-Gaffney

Université Saint Mary’s, Halifax (N.-É.)
Juché depuis 1972 sur la résidence Loyola, une tour de 22 étages appartenant à l’Université Saint Mary’s, cet observatoire porte le nom de M. W. Burke-Gaffney, défunt fondateur du Département d’astronomie de l’établissement.

Observatoire Gemini

Université Mount Allison, Sackville (N.-B.)
Cet observatoire d’astronomie à deux coupoles abrite une paire de télescopes Schmidt-Cassegrain de 280 millimètres, situés dans l’édifice Dunn de l’Université Mount Allison. Fonctionnant exclusivement à l’énergie solaire, l’installation n’est même pas raccordée au réseau électrique.

Observatoire du Département de physique et d’astronomie

Université de Moncton, Moncton (N.-B.)
L’université de langue française a ouvert son observatoire sur le toit de l’édifice Taillon en 1998. Pendant 25 ans, la coupole de 4,4 mètres a vu défiler des membres du milieu de la recherche, de la population étudiante et du public. Un observatoire presque identique doit ouvrir en 2023 sur le campus de Shippagan, dans le Nord-Est du Nouveau-Brunswick.

Observatoire du Mont-Mégantic

Université Laval et Université de Montréal, Mont-Mégantic (Qc)
Bien qu’il ne se trouve pas sur un campus universitaire, cet observatoire de la région de l’Estrie est administré conjointement par l’Université de Montréal et l’Université Laval et abrite le laboratoire d’astrophysique expérimentale des deux établissements. Chaque année, près de 20 000 personnes visitent le site de l’observatoire et de l’ASTROLab, un centre d’interprétation provincial.

Observatoire d’astronomie

Université Bishop’s, Sherbrooke (Qc)
Aménagé sur le toit de l’édifice Nicolls, aux confins du campus de l’Université Bishop’s, cet observatoire de taille somme toute modeste a attiré presque 10 000 personnes en 17 ans d’activités.

Observatoire Kessler

Université Carleton, Ottawa (Ont.) Situé au sommet de l’édifice Herzberg de l’Université Carleton, cet observatoire porte le nom de Dan Kessler, un ancien professeur qui a contribué à son aménagement dans les années 1980. Il abrite trois télescopes et ouvre ses portes au public une fois par mois pour une activité d’observation nocturne.

Observatoire Queen’s

Université Queen’s, Kingston (Ont.)
Inauguré en 1855, cet observatoire se compose aujourd’hui d’un télescope réflecteur de 356 millimètres et d’une coupole coiffant l’Ellis Hall. Sur place, des étudiant.e.s en astronomie assistent les professeur.e.s qui offrent des visites virtuelles aux écoles, présentent des conférences et des jeux sur la chaîne YouTube de l’observatoire et diffusent le balado Fast Radio Bursts.

Observatoire Gustav Bakos

Université de Waterloo, Waterloo, Ont.
Cet observatoire aménagé sur le toit de l’immeuble du Département de physique de l’Université de Waterloo abrite un télescope de 305 millimètres. Ouvert depuis 1967, il a été nommé en l’honneur du premier astronome ayant travaillé à l’établissement.

Observatoire commémoratif Hume Cronyn

Université Western, London, Ont.
Dessiné par l’architecte local O. Roy Moore, cet observatoire a été construit par la société Putherbough en 1940. Sa coupole a été fabriquée par la société Perkin-Elmer à New York, livrée en pièces détachées, puis assemblée sur place. En 2015, afin de souligner son 75e anniversaire, une partie du sous-sol de l’observatoire a été restaurée et meublée dans le style des années 1940.

Observatoire d’astronomie Allan I. Carswell

Université York, Toronto, Ont.
L’Université York a érigé un observatoire en 1969, soit 10 ans après sa fondation. En 2017, l’installation a été baptisée Observatoire d’astronomie Allan I. Carswell, en l’honneur du pionnier de la recherche sur les lasers et ancien professeur de physique de l’Université York qui a aidé à diriger la mission martienne Phoenix de la NASA.

Observatoire Ewen

Université du Manitoba, Winnipeg, Man. Depuis 2002, l’édifice du collège universitaire de l’Université du Manitoba est coiffé d’une coupole AstroHaven en forme de coquille de quatre mètres. On y trouve un télescope Schmidt-Cassegrain Meade LX200 de 400 millimètres, un don fait à l’établissement. Les passionné.e.s des astres peuvent également visiter le Planétarium Lockhart, qui est en cours de rénovation.

L’observatoire

Université de la Saskatchewan, Saskatoon, Sask. Troisième édifice érigé sur le campus de l’Université de la Saskatchewan, cet observatoire a été construit en deux phases entre 1928 et 1930 et a coûté 23 000 dollars. Tout au long de l’année, les premier et troisième samedis du mois, le personnel du site organise des activités d’observation publiques. Quelque 5 000 personnes s’y rendent chaque année.

Observatoire d’astronomie du Département de physique

Université de l’Alberta, Edmonton, Alta. Tous les jeudis, les portes de cet observatoire s’ouvrent au public pour des activités d’observation du Soleil et des étoiles. L’installation occupe le cinquième étage du Centre du centenaire pour les sciences interdisciplinaires, sur le campus principal de l’Université de l’Alberta. Dans l’atrium ouest est suspendue une maquette représentant la disposition des planètes au 23 septembre 2008, date du centenaire de l’Université.

Observatoire d’astrophysique Rothney

Université de Calgary, Priddis, Alta. Cet observatoire se trouve à une trentaine de kilomètres au sud-ouest du campus de l’Université de Calgary. Les deux maisons mobiles, le télescope de 410 millimètres et la coupole de 1972 ont laissé place à une installation neuve dotée de plusieurs télescopes puissants. Récemment, un partenariat a été conclu avec des membres de communautés autochtones de la région afin de faire connaître les récits traditionnels des Siksika (Pieds-Noirs) et des Ininewuk (Cris) en lien avec le ciel au moyen du site Web de l’observatoire et de la chaîne YouTube de l’Université.

Observatoire Trottier

Université Simon Fraser, Burnaby (C.-B.) Cet observatoire de 4,4 millions de dollars a été inauguré en grande pompe en 2014 par l’Université Simon Fraser. Installation-phare de la Faculté des sciences, il compte plusieurs programmes de sensibilisation, dont des « fêtes des étoiles » organisées chaque vendredi soir et des cartes de fidélisation permettant à une famille de recevoir un télescope gratuit.

Observatoire UVic

Université de Victoria, Victoria (C.-B.) L’observatoire de l’Université de Victoria tient tous les mercredis des soirées d’observation et offre gratuitement des visites guidées d’une heure aux écoles publiques. À noter que cette installation aménagée au Centre Bob Wright en 2008 est en fait le deuxième observatoire d’astronomie du campus. L’Observatoire Climenhaga, une installation d’enseignement exploitée sur le toit de l’édifice Elliott depuis les années 1960, est fermé au public, mais sa coupole ornée d’un énorme visage souriant fait partie du paysage du campus.


La COVID-19 ayant imposé la fermeture des campus et des observatoires universitaires en 2020 et en 2021, les rénovations technologiques comme celles de l’Université York sont soudainement devenues très urgentes. Heureusement, la transition suivait déjà son cours dans plusieurs établissements, et beaucoup ont pu tabler sur des améliorations lentes, mais régulières.

L’observatoire Burke-Gaffney de l’Université Saint Mary’s à Halifax avait installé en 2013 un nouveau télescope de 0,6 mètre, accompagné de tous les instruments, support, dispositif de rotation automatisée, capteurs de nuage et autres accessoires importants, en grande partie grâce au don du promoteur immobilier et philanthrope Ralph Medjuck (le télescope a même été nommé en son honneur). Deux ans plus tard, en 2015, l’observatoire adoptait une nouvelle interface permettant au public de demander par l’entremise de Twitter des images astronomiques produites par le télescope. Depuis, l’établissement peut se targuer d’héberger le tout premier observatoire au monde commandé via un média social.

« Armé.e.s d’une interface robotisée et de fonctions de commande à distance, nous étions particulièrement bien préparé.e.s à ce qui allait survenir [pendant la pandémie] », affirme Vincent Hénault-Brunet, directeur de l’observatoire et professeur adjoint au Département d’astronomie et de physique de l’Université Saint Mary’s. « Les observations se sont poursuivies tout au long de la pandémie, et les étudiant.e.s ont pu utiliser l’observatoire pour leurs projets scolaires, parfois en soumettant des demandes d’observation, et d’autres fois en participant à distance à une séance en direct. »

Depuis longtemps, les observatoires forment une courroie de transmission entre les universités et la population. Avec cet accès à distance à l’équipement, aux programmes et aux données qui prend de l’ampleur, la portée des observatoires prend une tout autre dimension.

À l’observatoire d’astrophysique Rothney de l’Université de Calgary, les dernières modernisations apportées à l’équipement servent beaucoup à élargir le champ d’action numérique des installations. Deux télescopes peuvent être entièrement commandés par Internet : le télescope Clark-Milone, doté depuis peu d’une nouvelle caméra numérique (un semi-conducteur complémentaire à l’oxyde de métal), et le télescope Baker-Nunn, maintenant connecté au réseau international Skynet Robotic Telescope Network, établi à l’Université de la Caroline du Nord. L’observatoire estime qu’avant la pandémie, ses programmes étaient fréquentés par environ 10 000 personnes par année; avec ces nouveaux outils Web, il entend faire mieux. Dernièrement, explique son directeur Phil Langill, l’observatoire a organisé diverses activités avec les communautés autochtones et les écoles publiques, notamment des ateliers pour les enseignant.e.s de sciences de Calgary.


Parfois, certains établissements, comme l’Université de Moncton, choisissent de se procurer de plus petits télescopes afin de gagner en flexibilité. Il faut dire que les technologies optiques et les matériaux d’aujourd’hui rendent les petits télescopes beaucoup plus puissants qu’il y a 60 ans.

« Nous avons acheté des télescopes de 12 pouces [30,5 centimètres] que l’on peut facilement déplacer », relate Viktor Khalack, professeur en physique et en astronomie à l’Université de Moncton. Le programme de l’établissement s’intéresse particulièrement au prochain « maximum solaire », soit la période où l’on enregistre le plus grand nombre de taches et d’éruptions solaires, un événement qui survient tous les 11 ans. Il sera alors fondamental de pouvoir compter sur un équipement mobile, nous explique le professeur. D’après le comité de prédiction du cycle solaire aux États-Unis, le prochain maximum devrait être observable entre novembre 2024 et mars 2026. Le Soleil montre déjà des signes d’activité intense comme des éruptions et des éjections de particules chargées. Le public adore pouvoir observer ces phénomènes sans danger, avec un télescope, ajoute M. Khalack.

« On peut voir de belles chaînes [de taches solaires], et tenter de mesurer la rotation différentielle », observe-t-il, remarquant que l’activité peut inspirer de nombreuses personnes, des enfants aux futur.e.s étudiant.e.s en astronomie.


L’évolution de la pandémie a été difficile à anticiper, rendant incertain l’avenir de la recherche en astronomie dans les observatoires universitaires. Au moment d’écrire ces lignes, les universités canadiennes sont revenues à un enseignement en classe, à quelques restrictions près. Cela dit, les dernières années nous ont bien montré que les programmes et les installations des observatoires universitaires doivent gagner en résilience et en souplesse. Divers facteurs contribueront dans les prochaines années à exacerber ce besoin, que l’on pense aux obstacles à l’accès physique des chercheurs et chercheuses et des citoyen.ne.s aux observatoires (coût et empreinte écologique des déplacements, notamment), ou encore aux contraintes du quotidien que sont la maladie et les responsabilités familiales.

Malgré tous ces défis, grâce aux programmes à distance, le personnel des observatoires universitaires se dit mieux préparé aux difficultés qui pourraient survenir. Il faudra toutefois un investissement financier régulier et diverses sources de soutien pour assurer la pérennité de ces programmes.

« C’est toujours une question d’argent », observe M. Khalack. Un financement gouvernemental serait d’ailleurs « plus que bienvenu ».

« Il y a toujours des améliorations apportées aux télescopes et aux capteurs », renchérit M. Langill, professeur agrégé en astrophysique et en astronomie à l’Université de Calgary, ajoutant qu’il faut toujours se tenir à l’avant-garde même quand les fonds sont plus difficiles à trouver. L’argent qu’on consacre maintenant aux programmes et aux équipements aura des retombées pendant des décennies.

Rédigé par
Elizabeth Howell
Établie à Ottawa, Elizabeth Howell est une journaliste scientifique spécialiste de l’espace, une auteure et une chargée de cours en communication.
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