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Des professeurs discutent de la meilleure manière d’enseigner les mathématiques

Les professeurs de mathématiques et d’éducation souhaitent améliorer les compétences des étudiants, mais ne s’entendent pas sur la manière d’y parvenir.

par MOIRA MACDONALD | 11 JUIN 14

Les départements de mathématiques dans les universités canadiennes se plaignent depuis longtemps de la faiblesse des étudiants dans cette discipline. C’est cependant depuis la dernière année qu’un vent de panique souffle sur l’imaginaire collectif canadien, alimenté par les médias qui brossent le portrait d’une génération d’étudiants dont les compétences en mathématiques et l’avenir sont à risque.

En décembre dernier, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a dévoilé que, quoique les étudiants canadiens se classent toujours au-dessus de la moyenne en mathématiques, le Canada ne se trouve plus parmi les 10 premiers pays sur 65. Parallèlement, l’évaluation de l’OCDE concernant les compétences des adultes, publiée en octobre dernier, place le Canada sous la moyenne relativement aux compétences en mathématiques, et c’est la génération du millénaire qui affiche le plus faible rendement.

Certains croient que le problème est lié aux méthodes d’apprentissage axé sur la découverte utilisées de la maternelle à la 12e année. Ces méthodes sont prédominantes dans tous les systèmes scolaires depuis une dizaine d’années, et sont appuyées par les facultés d’éducation. Certains chercheurs en mathématiques affirment que la prédominance de l’apprentissage axé sur la découverte ne permet pas de maîtriser les concepts mathématiques fondamentaux, rendant très difficile pour les étudiants de mémoriser les principes mathématiques ou d’utiliser les algorithmes qui sous-tendent des concepts plus complexes.

La méthode d’apprentissage axé sur la découverte est issue des théories constructivistes qui soutiennent que, pour bien comprendre les mathématiques, les étudiants doivent bien connaître le fonctionnement d’une méthode particulière de résolution de problèmes, et pouvoir l’appliquer à de nouveaux problèmes. Et pour y parvenir, ils doivent se prêter à des activités d’exploration qui ont recours à des modèles concrets qui permettent de découvrir les mécanismes qui sous-tendent les mathématiques. Ils sont aussi appelés à utiliser une variété de stratégies pour résoudre un problème. « Nous voulons qu’ils apprennent à réfléchir, à trouver leur propre raisonnement », affirme Annie Savard, professeure de didactique des mathématiques à l’Université McGill.

Les traditionalistes soutiennent que, à moins que les étudiants aient acquis des automatismes (comme connaître les tables de multiplication et les règles de division), leur mémoire opérationnelle sera débordée par les stratégies compliquées nécessaires avant de parvenir à l’étape suivante qui est la compréhension approfondie.

Comme dans la plupart des débats intellectuels, la controverse ne consiste pas à choisir entre deux méthodes. Les professeurs de mathématiques pures comme les professeurs d’éducation s’accordent souvent pour dire que la méthode d’apprentissage axé sur la découverte comme la méthode traditionnelle ont toutes deux leur place dans le système. Là où ils ne s’entendent pas, c’est sur la manière de les combiner et où doit être mis l’emphase.

Même le Québec, aujourd’hui chef de file en mathématiques au Canada en raison de son classement aux évaluations de l’OCDE (parmi les huit premiers pays au monde selon le PISA), utilise un programme d’études axé sur la découverte. Les étudiants doivent quand même mémoriser certaines notions et algorithmes en fonction de leur niveau, contrairement à ceux d’autres provinces qui sont tenus de comprendre les notions sans toutefois avoir à les mémoriser. La situation commence cependant à changer sous la pression de l’opinion publique : Le Manitoba a remis au programme l’enseignement explicite des concepts mathématiques et des algorithmes en septembre dernier, et l’Ontario et l’Alberta s’apprêtent à faire de même.

Les professeurs de mathématiques et d’éducation s’entendent sur le fait que les enseignants du niveau primaire (formés comme généralistes) ont besoin d’acquérir une meilleure formation en mathématiques, surtout s’ils utilisent une méthode axée sur la découverte. Au Québec, les enseignants du primaire reçoivent jusqu’à 225 heures de formation supplémentaire sur l’enseignement des mathématiques avant d’entrer en fonction, alors qu’en Ontario, ils ne reçoivent que 30 heures. Relativement peu d’enseignants ont reçu une formation de niveau universitaire en mathématiques, bon nombre sont ainsi souvent mal à l’aise avec cette matière.

Pour y remédier, la méthode JUMP, très performante en enseignement des mathématiques, offre des ressources pédagogiques et des plans de cours. Créée par John Mighton, chercheur au Fields Institute for Research in Mathematical Sciences de Toronto, JUMP a été décrite comme la « troisième méthode » d’enseignement des mathématiques. Les étudiants doivent se familiariser avec les notions mathématiques acquises par la pratique répétée, mais la méthode préconise aussi la modélisation concrète et la créativité dans la résolution de problèmes. M. Mighton affirme que les étudiants sont capables d’aller beaucoup plus loin en mathématiques que ce qui leur est actuellement demandé. « Même les pays les plus avancés au monde, qui obtiennent de meilleurs résultats que le Canada en mathématiques, sont loin de réaliser le plein potentiel des enfants ».

Rédigé par
Moira MacDonald
Moira MacDonald est journaliste à Toronto.
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  1. Gombert / 18 mai 2020 à 09:35

    Pédagogie en France.
    Je suis professeur de mathématiques&physique-chimie en lycée professionnel en France. La plupart des élèves qui entrent en 2nde professionnelle ne maîtrisent pas les fondamentaux qui auraient dû être acquis en sortant de l’école primaire et sont orientés par défaut en formation professionnelle. Nous avons le même antagonisme entre la méthode constructiviste et la méthode traditionnelle et également un déficit de formation mathématique des professeurs des écoles (écoles primaires) issus pour la plupart des sciences humaines. Les neuro-sciences nous montrent que les deux méthodes ne doivent pas s’opposer mais plutôt se compléter. C’est ce que j’essaie de faire dans mon enseignement en appliquant une démarche d’investigation, afin de réconcilier les élèves avec les mathématiques, tout en ne négligeant pas les connaissances et les algorithmes fondamentaux.

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