Les relevés de notes indiquent le rendement de l’étudiant en classe, mais les universités savent depuis longtemps qu’une part importante de l’apprentissage se déroule à l’extérieur de la classe. Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à mettre en place des moyens pour suivre, mesurer et officialiser cet apprentissage.
Certaines attestent officiellement la participation à des activités sur le campus, comme le conseil étudiant ou des clubs, par un relevé parascolaire. D’autres ont élaboré des outils d’autoévaluation en ligne que les étudiants peuvent utiliser pour obtenir un portrait de leurs connaissances, de leurs valeurs et de leurs forces.
Les méthodes varient, mais poursuivent toutes un objectif commun : donner aux étudiants une longueur d’avance sur le marché du travail et améliorer leur niveau de confiance, de compétence et de maturité. Le relevé parascolaire (son nom varie selon l’établissement) est d’abord apparu aux États-Unis avant de traverser la frontière canadienne au cours de la dernière décennie. Depuis deux ou trois ans, il gagne en popularité partout au Canada. Les universités Acadia, Dalhousie, Carleton, Wilfrid Laurier, de Calgary et de Windsor comptent parmi celles qui l’ont adopté, tandis que les universités Laval et de Sherbrooke ont conçu des outils en ligne qui aident les étudiants à évaluer leurs compétences, leurs forces et leurs faiblesses avant d’entrer sur le marché du travail.
« La participation à des activités parascolaires va de soi pour la présente génération d’étudiants », explique Gareth McVicar, du Bureau de l’expérience étudiante de l’Université de Calgary. Les étudiants veulent que leur engagement soit reconnu, ajoute-t-il. Grâce à la reconnaissance officielle fournie par l’Université, « les étudiants peuvent présenter leur relevé parascolaire avec leur relevé de notes lorsqu’ils cherchent un emploi afin de donner une vue d’ensemble de leur expérience universitaire ».
Les universités déterminent elles-mêmes quelles activités sont prises en compte et la façon de vérifier les documents fournis. Par exemple, l’Université Wilfrid Laurier prend en considération les sports universitaires, mais pas les sports intramuraux. Selon Drew Piticco, coordonnateur du Centre du leadership étudiant de l’établissement, c’est parce qu’il est possible de valider la participation aux premiers, mais pas aux seconds.
En règle générale, la participation aux conseils étudiants et de résidence et aux clubs est admissible, tout comme certains emplois bénévoles. Les étudiants doivent toutefois être en mesure de prouver qu’ils y ont consacré un nombre minimal d’heures. Des activités comme un emploi dans un commerce de détail ne sont cependant pas admissibles. « Le relevé est véritablement axé sur le leadership et le bénévolat », explique M. McVicar pour illustrer la méthode utilisée à l’Université de Calgary. Beaucoup d’établissements exigent que les étudiants décrivent par écrit les résultats de leur apprentissage.
Les universités s’efforcent aussi de rendre le relevé parascolaire officiel. Par exemple, l’Université Wilfrid Laurier fournit le document en format PDF, ce qui réduit les risques de falsification. Elle remet à l’employeur qui désire le consulter un code de validation qui doit être saisi en ligne.
Les outils en ligne créés récemment par l’Université de Sherbrooke et l’Université Laval ont une autre visée. Plutôt que d’officialiser les résultats d’apprentissage associés aux activités parascolaires, ils renforcent la connaissance de soi par l’autoévaluation. À l’instar des relevés parascolaires, ces outils visent à mieux préparer l’étudiant à accéder au marché du travail ou à poursuivre des études supérieures.
Ils reposent également sur un certain degré de réflexion de la part de l’étudiant, une démarche qui est considérée comme favorisant l’apprentissage. Le Plan de développement individuel (PDI) de l’Université de Sherbrooke a été conçu à l’intention des étudiants qui participent au programme coopératif. Denis Robert Élias, directeur du Service des stages et du placement, explique que sa conception s’inspire des outils utilisés par les grandes entreprises pour l’évaluation et le renforcement des compétences des employés.
Lorsqu’ils effectuent un stage, les étudiants de l’Université de Sherbrooke peuvent accéder à un site Web protégé par mot de passe et s’autoévaluer
en fonction de 16 compétences. Ils choisissent trois compétences qu’ils souhaitent perfectionner pendant leur stage, puis suivent et évaluent leurs progrès. L’employeur a ultérieurement accès à la page Web et peut ajouter ses commentaires et évaluer l’étudiant. Le superviseur de l’étudiant participe également au processus. Les étudiants inscrits au programme coopératif sont tenus de remplir le PDI.
Le Webfolio de l’Université Laval est un portfolio en ligne que les étudiants qui le souhaitent peuvent remplir au fil du temps. Le Webfolio se définit comme un autoportrait professionnel dans lequel l’étudiant dépeint ses objectifs, ses compétences et ses valeurs. Il est attesté par un conseiller en emploi de l’Université et peut être joint au curriculum vitæ et à la lettre de présentation.
Des responsables universitaires de partout au pays estiment que ces nouveaux outils voient le jour en réaction à l’évolution rapide du marché du travail ainsi qu’aux comportements et aux attentes des étudiants. Comme l’explique M. Élias, de l’Université de Sherbrooke, les étudiants maîtrisent très bien la matière enseignée en classe et possèdent de bonnes connaissances générales grâce à Internet, mais ils doivent acquérir certaines connaissances pratiques.
Chaque année, 4 000 étudiants effectuent un stage, et les employeurs déplorent le manque de maturité des étudiants sur les plans social et comportemental. Par exemple, certains étudiants trouvent tout à fait normal d’utiliser les ordinateurs de leur lieu de travail pour télécharger de la musique, malgré des directives claires sur l’utilisation personnelle des ordinateurs. Un employeur était furieux lorsqu’un groupe de stagiaires en ingénierie a publié des commentaires négatifs à son endroit sur Facebook.
Le PDI cherche à corriger cette situation. « Les étudiants m’expliquent que le Plan les amène beaucoup à réfléchir et à gagner en maturité », affirme M. Élias.
Le Webfolio de l’Université Laval a été conçu en réaction à l’évolution du marché de l’emploi qui laisse souvent les étudiants perplexes quant à leur choix de carrière, même après l’obtention de leur diplôme.
« Le marché du travail a explosé », constate André Raymond, directeur adjoint des services professionnels, Service de placement à l’Université Laval. Un domaine comme les ressources humaines ne se limite plus à l’embauche, mais compte aujourd’hui des spécialités comme la fidélisation des employés, la diversité du lieu de travail, l’intégration des travailleurs immigrants et la santé et la sécurité.
« Quinze mille différents types d’emploi sont maintenant répertoriés », affirme M. Raymond, ajoutant qu’il n’est pas étonnant que les étudiants se sentent perdus.
Selon Tom Herman, vice-recteur à l’enseignement à l’Université Acadia, les attentes des étudiants ont également évolué : « Je crois que les étudiants recherchent de plus en plus des programmes centrés sur eux plutôt qu’à faire partie d’un programme. »
Il s’agit en quelque sorte d’un changement de société, ajoute-t-il. « La présente génération envisage le monde d’un point de vue très personnel plutôt que d’un point de vue collectif. Nous venons tout juste de nous en rendre compte. »
Les relevés parascolaires comportent des avantages indirects. Dans certains cas, la reconnaissance de l’apprentissage à l’extérieur de la classe contribue à rehausser l’image de l’Université. « Depuis longtemps, l’Université Acadia est fière de préconiser une démarche axée sur l’expérience, qui offre une formation globale à l’étudiant », explique M. Herman. L’établissement tente d’effacer les frontières entre les activités scolaires et parascolaires. « Il est donc tout naturel de mettre sur pied un programme qui reconnaît cette intégration. »
M. McVicar de l’Université de Calgary et Mme White de l’Université de Windsor estiment tous deux que le relevé a stimulé la participation étudiante sur le campus. Maintenant que les groupes et les clubs d’étudiants sont des activités reconnues, les étudiants sont plus enclins à y investir du temps. Des études montrent que les étudiants qui participent à la vie parascolaire sont généralement satisfaits de leur expérience universitaire et sont susceptibles d’obtenir leur diplôme et de réussir, souligne Leanne Holland Brown, directrice du Centre du leadership étudiant de l’Université Wilfrid Laurier.
Les étudiants semblent grandement apprécier les outils. « J’ai beaucoup appris sur moi-même grâce au PDI, affirme Audrey Bélanger, qui obtiendra bientôt un diplôme en droit et une maîtrise en admini-stration des affaires de l’Université de Sherbrooke. J’ai pu découvrir concrètement mes points faibles et les éléments à améliorer. De plus, j’aborde le marché du travail en sachant quels sont mes points forts. »
Alexis Marier, un étudiant en kinésiologie à l’Université de Sherbrooke, apprécie l’interface Web. « Tous les étudiants de ma génération ont l’habitude d’Internet » explique-t-il, ajoutant qu’il est motivant de pouvoir suivre ses progrès.
La plupart des outils sont trop récents pour en évaluer les retombées, mais tous s’entendent au moins pour dire que le relevé parascolaire attire l’attention. « Je ne peux traverser le local de l’association étudiante sans qu’un étudiant m’arrête pour m’en parler », conclut Mme White.