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Des couples qui font la navette

Des couples universitaires qui travaillent dans des villes différentes sont prêts à aller très loin pour maintenir leur relation.

par HARRIET EISENKRAFT | 11 JUIN 12

Depuis plus de 20 ans, Claire Carlin et Bruce Wonder font la navette entre Victoria, en Colombie-Britannique, et l’État de Washington : un trajet de quatre heures qu’ils parcourent seuls ou ensemble, en traversier et en voiture, des dizaines de fois par année. Ces allées et venues ont commencé moins d’un an après leur rencontre à l’Université Western Washington située à Bellingham, au nord de Seattle, où M. Wonder dirigeait le département de gestion et Mme Carlin, qui occupait alors un poste temporaire, enseignait le français. En 1989, Mme Carlin a accepté le poste que lui offrait l’Université de Victoria (UVic). « En peu de temps, j’ai compris que je voulais rester à la UVic et rester avec Bruce », indique-t-elle.

Comme bien des couples d’universitaires, Mme Carlin et M. Wonder se déplacent souvent pour se visiter; ils travaillent et demeurent chacun dans des villes distinctes, voire des pays distincts, étant employés par des établissements différents. Tout comme les chercheurs qui étudient la question, le couple croit que son mode de vie est une question d’actualité dans les universités et les collèges.

Bien des couples ayant une relation à distance parviennent à passer presque toutes les fins de semaine ensemble. D’autres se réunissent pour de plus longues périodes, plusieurs fois par année. Certains fondent une famille, alors que d’autres y renoncent. Souvent, ces couples ont recours à un congé sabbatique afin de passer davantage de temps ensemble.

Or, tous ressentent le fardeau financier qu’imposent des frais de déplacement élevés et le maintien de plus d’un domicile. La plupart des couples s’estiment néanmoins heureux sur le plan de l’amour et du travail, même dans des endroits différents. Ce qui les indispose réellement, ce sont les doutes que leurs collègues ont sur leur engagement professionnel, vestiges d’un vieux système voulant que la permanence du corps professoral aille de pair avec sa présence sur le campus.

Selon Mme Carlin, l’enseignant qui opte pour ce mode de vie est tenu de déployer davantage d’efforts à l’égard du département, quoique l’établisse-ment aussi doit assume certaines responsabilités. « L’engagement de l’université commence dès l’embauche », explique-t-elle.

« Ce mode de vie [particulier] relève moins d’un choix que d’une nécessité, indiquent Karen Kobayashi, sociologue au Centre de recherche sur le vieillissement de la UVic, et Laura Funk, sociologue à l’Université du Manitoba, dans une étude qui porte sur les couples vivant dans des endroits différents. Elles soulignent le manque de données canadiennes quant au nombre de personnes menant une relation à distance. Aux États-Unis, on estime qu’entre 700 000 et 1 000 000 de personnes sont dans cette situation.

Mme Funk croit qu’en raison de la « culture universitaire qui privilégie l’indépendance », les professeurs pourraient être surreprésentés parmi ces couples. Mme Kobayashi ajoute pour sa part que de nos jours, ce type de relation est « fréquent et acceptable ».

L’Université York a fait preuve de souplesse en ce qui concerne l’horaire d’enseignement de Marc Stein, afin que celui-ci puisse passer davantage de temps avec son conjoint, Jorge Olivares, qui enseigne au Collège Colby dans le Maine depuis 30 ans. M. Stein enseigne à l’Université York de janvier à août, et vit à son domicile conjugal du Maine de septembre à janvier. Entre la mi-janvier et le mois de mai, le couple vit presque toujours séparé, puis l’été M. Olivares vient vivre à Toronto.

M. Stein y voit une stratégie gagnante, tant pour lui que pour l’Université York qui a besoin d’enseignants pendant le trimestre estival. Cet horaire ne suscite aucune opposition de la part des collègues puisque M. Stein veille à siéger à autant de comités que possible. Le couple admet toutefois que son mode de vie a exigé des sacrifices qui vont au-delà des contraintes financières puisqu’il a renoncé à fonder une famille. Il semble que ce genre de décision soit relativement fréquent. Selon une étude menée aux États-Unis en 2007, environ la moitié des couples vivant une relation à distance ont indiqué être parents.

Sharry Aiken et Rudhramoorthy Cheran ont des enfants. Mme Aiken est professeure agrégée et vice-doyenne de la Faculté de droit de l’Université Queen’s et M. Cheran est professeur agrégé de sociologie à l’Université de Windsor. Le couple a acheté une maison à Toronto et fait la navette entre son domicile et Windsor ou Kingston, en Ontario. Au moins l’un des deux se trouve toujours à Toronto pour s’occuper des enfants, et ils passent les fins de semaine en famille. « L’établissement d’horaires d’enseignement complémentaires est chaque année un défi », indique Mme Aiken.

Comme les autres couples, ils croient qu’il y aurait moyen de leur faciliter la vie. On pourrait, par exemple, utiliser des technologies telles que Skype pour tenir les réunions de départements, prolonger les congés sans solde et offrir au conjoint la possibilité de donner un cours comme professeur invité. « Nos contraintes pourraient faire l’objet d’une conciliation systématique et être reconnues », conclut Mme Aiken.

Rédigé par
Harriet Eisenkraft
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