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Double emploi

Le pour et le contre des mandats parallèles.

par TIM JOHNSON | 07 AOÛT 07

Il y a 15 ou 20 ans, le fait que des professeurs acceptaient des mandats parallèles n’était en rien problématique : l’administration tolérait cette pratique, et seule une minorité s’y adonnait à l’occasion. Aujourd’hui, les professeurs sont nombreux à agir à titre de consultants auprès d’entreprises.

Pour s’adapter à cette nouvelle réalité, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a été l’une des premières au Canada à revoir, il y a deux ans, sa politique sur les conflits d’intérêts et d’engagements. D’autres ont emboîté le pas, dont l’Université de Toronto, qui a procédé cette année à la refonte de ses politiques en un point de référence unique et concis.

Autre signe que les temps changent : de nos jours, les administrations encouragent les activités parallèles chez leurs professeurs. « Nous reconnaissons que les mandats hors du cadre universitaire sont salutaires et souvent en harmonie avec la mission de l’université », explique Jason Bechtel, conseiller au bureau du vice-recteur à la recherche à l’Université de Toronto.

Les avantages sont indéniables. Pour l’université, le fait que ses professeurs soient en demande auprès des gouvernements ou de l’industrie est une marque de prestige qui est susceptible d’attirer de bons étudiants et de rehausser la renommée de l’établissement. Cela est d’autant plus profitable si le travail des professeurs attire l’attention des médias, ajoute Gil Troy, un professeur d’histoire à l’Université McGill qui fait des apparitions à la télévision nationale et rédige des articles pour le New York Times et le Washington Post  : « Lorsqu’un de ses experts est appelé à se prononcer à la télévision ou dans les journaux, il s’agit d’une vitrine très importante pour McGill ».

À cela s’ajoute le perfectionnement acquis par l’expérience pratique.

« Résoudre des problèmes concrets dans des situations réelles permet de devenir un meilleur professeur et un meilleur chercheur », croit Bernie Kueper, professeur de génie civil à l’Université Queen’s et consultant en hydrogéologie des contaminants (étude des contaminants du sol et de leur élimination), son domaine de spécialité.

Mark Thompson, professeur émérite de l’école de gestion Sauder de la UBC dont les activités professionnelles incluent des mandats à titre d’arbitre en droit du travail, partage cet avis. Selon lui, le récit d’un cas réel d’arbitrage fera beaucoup plus impression sur les étudiants qu’un article destiné aux universitaires. Il croit que son expérience pratique lui a permis de comprendre comment les choses se déroulent réellement dans le monde du travail. « Et, pour être tout à fait honnête, l’occasion était attrayante sur le plan pécuniaire. »

C’est justement l’aspect monétaire qui soulève les préoccupations des collègues et de l’administration. En effet, le double emploi ouvre la porte aux abus : « Il faut éviter qu’un professeur utilise un étudiant à la maîtrise ou au doctorat comme main-d’œuvre bon marché pour le compte d’une entreprise », explique Hubert Lai, conseiller juridique de la UBC.

Mais la principale inquiétude des administrateurs est le temps consacré aux activités parallèles. Il n’est pas rare que les universités publient des lignes directrices sur le temps qui devrait y être alloué et qu’elles demandent aux universitaires de rendre compte de leur charge de travail et, parfois, des entreprises qui les embauchent.

La UBC a revu ses politiques afin de se protéger en cas de conflit d’intérêts et d’engagements, tout en encourageant les activités parallèles. Elle a également mis sur pied un comité en matière de conflits d’intérêts ainsi qu’une structure de déclaration et d’évaluation, et créé un système électronique qui permet aux professeurs de remplir et de mettre à jour leurs déclarations.

Outre les conflits, d’autres pièges guettent les universitaires qui se hasardent hors de leur tour d’ivoire. Si, dans certains domaines appliqués, comme la gestion et le génie, il est bien vu d’offrir des services-conseils, dans d’autres domaines, un professeur qui s’y aventure risque d’être perçu comme très peu sérieux.

Il existe également un risque lié à la responsabilité. Après avoir fait paraître son premier article en réaction à un éditorial dans le quotidien The Gazette de Montréal il y a de nombreuses années, M. Troy a reçu la visite d’un avocat qui l’a sommé d’offrir des excuses et un montant de 50 000 $, au risque d’être poursuivi en diffamation. Il n’a été appuyé ni par le quotidien ni par l’Université. (Il a tenu bon et il n’y a eu aucune suite.)

En médecine et en génie par exemple, les universitaires qui acceptent des offres de travail parallèles doivent envisager de prendre une assurance responsabilité. M. Kueper a examiné des polices d’assurance, mais les primes lui ont paru très élevées, et aucune ne le protégeait en cas de déversement de contaminants dans l’environnement. Elles ne lui étaient donc d’aucune utilité.

Par ailleurs, les mandats parallèles risquent de gruger une bonne partie du temps normalement consacré au travail principal. Karan Singh, un informaticien de l’Université de Toronto qui réalise des animations par ordinateur pour de grands studios de cinéma, conseille aux nouveaux professeurs d’acquérir de l’expérience avant d’entreprendre d’autres projets professionnels.

Aujourd’hui à la retraite, M. Thompson croit avoir développé un système qui permet d’atteindre un juste équilibre : ne jamais utiliser les revenus supplémentaires pour les dépenses essentielles comme le paiement de l’hypothèque ou des factures, et « ne jamais oublier d’où provient votre chèque de paye toutes les deux semaines ».

Rédigé par
Tim Johnson
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