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Entreprises de séduction

Les universités de l’Atlantique doivent se montrer très ingénieuses dans leurs activités de recrutement étant donné que, dans leur région, le bassin des 18-24 ans commence à s’appauvrir. Quelles leçons d’autres régions peuvent-elles en tirer?

par DANIEL DROLET | 09 FEV 09

Déterminée à quitter son Manitoba natal pour ses études universitaires, Robyn Zajac a pré-senté une demande d’admission à des universités de l’Ontario et de la région de l’Atlantique. L’Université Acadia, à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, était loin d’être son premier choix, mais c’est pourtant là qu’elle s’est retrouvée. Les techniques de recrutement intensif utilisées par l’établissement y sont pour quelque chose.

Pour diverses raisons, dont le dé- clin du nombre d’étudiants au secon-daire dans certaines régions, des universités canadiennes et américaines adoptent des stratégies de recrutement novatrices. Par exemple, elles font appel aux médias sociaux, commanditent des concours, se tournent vers des marchés non traditionnels et conju-guent intensivement leurs efforts de recrutement et de maintien aux études.

Les universités de l’Atlantique, 
où le déclin démographique est déjà une réalité, sont particulièrement actives. Contrairement aux établissements on- tariens, explique Mme Zajac, elles ont clairement exprimé leur désir de la compter parmi leurs étudiants : « J’avais l’impression qu’on se souciait réellement de moi. »

Selon le rapport Tendances dans le milieu universitaire – Volume 1 : Effectifs, publié par l’Association des universités et collèges du Canada, la taille de la cohorte des 18 à 21 ans se stabilisera avant de diminuer progressivement 
à l’échelle pancanadienne d’ici 
deux ans. Cette baisse ne sera pas uniforme et devrait frapper plus dure-ment les provinces de l’Atlantique 
et la Saskatchewan.

Selon le rapport, « tous les établis-sements de ces provinces feront face à des enjeux considérables au chapitre des inscriptions pendant les deux pro-chaines décennies ».

Denis Boucher, responsable du recrutement et du maintien aux études à l’Université de Moncton, saisit bien toute l’ampleur du défi à relever. À Moncton, on prévoit que le nombre de diplômés du secondaire au Nouveau-Brunswick chutera de 25 pour cent d’ici 2025.

Il n’existe pas de méthode de recrutement unique ou privilégiée dans l’art d’attirer les étudiants sur les campus. Scott Roberts, directeur général des communications et du marketing à l’Université Acadia, explique que son établissement a misé sur des concepts Web 2.0 axés sur le contenu généré par les utilisateurs. Acadia a été une des premières à utiliser un portail en ligne pour accélérer le processus d’admission. Elle a également créé un groupe sur Facebook à l’intention des nouveaux étudiants, une initiative prisée par Mme Zajac, qui croit que le contact avec ses pairs a rendu son entrée à l’université moins intimidante.

Les blogues font partie du concept Web 2.0. L’Université de Sherbrooke, par exemple, a demandé à une poignée d’étudiants d’écrire un blogue à propos de la vie sur le campus. L’expérience a été révélatrice pour les employés de l’Université, estime Josée Garceau, du bureau du registraire, car ils ont ainsi découvert les préoccupations réelles des étudiants.

Les étudiants sont friands de concours. L’Université du Nouveau-Brunswick l’a compris et a créé OnlyOneU, un concours invitant les futurs étudiants à créer une page sur Facebook pour faire la promotion de l’établissement. Le gagnant a remporté un crédit de 5 500 $ en frais de scolarité. Également populaire, le concours Rant Like Rick de l’Université Memorial a lancé aux étudiants le défi de réaliser des vidéos satiriques à la manière du célèbre comédien Rick Mercer. Le vain-queur a reçu un chèque-cadeau de 2 550 $ applicable à ses frais de sco-larité pendant deux trimestres.

Les universités recrutent également de plus en plus loin. Le chapitre « Friends of Calgary » de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard recrute activement – et abondamment – en Alberta. L’établis-sement a connu une hausse d’effectifs globale de 5,5 pour cent cette année par rapport à l’an dernier.

Les établissements sont par ailleurs nombreux à se tourner vers l’étranger. Comme le bassin de candidats potentiels des universités francophones est moins important que celui des universités anglo-phones au Canada, explique M. Boucher, l’Université de Moncton mise fortement sur les étudiants étrangers. Les résultats sont concluants, puisque le nombre d’Haïtiens qui fréquentent son établis-sement est passé de cinq à 76, le nombre de Tunisiens, de 25 à 53, le nombre de Guinéens, de six à 43, et le nombre de Marocains, de 30 à 49.

L’Université fait appel aux services d’étudiants et d’anciens étudiants comme recruteurs dans plus d’une dizaine de pays, dont Haïti, la Tunisie, le Maroc et le Sénégal. Selon M. Boucher, il est rassurant pour les parents de savoir que les personnes qui sollicitent leurs enfants fréquenteront le même campus qu’eux.

Les universités surveillent égale-ment les changements d’attitude chez les étudiants et s’adaptent en consé-quence. Les raisons d’entreprendre des études universitaires ont profondément changé, explique Susan Monique Mesheau, directrice générale du recrutement et du maintien aux études à l’Université du Nouveau-Brunswick. Des études menées au début de la décen-nie ont révélé que près de la moitié des étudiants se dirigeaient vers l’université en quête d’un enseignement supérieur et que l’autre moitié visait un bon emploi à la fin de ses études. Aujourd’hui, jusqu’à 90 pour cent des nouveaux étudiants sont plutôt motivés par l’ac-cès à une carrière prometteuse après l’obtention de leur diplôme.

Maintien aux études

Le maintien aux études ressort égale-ment des discussions sur le recrutement. Bien entendu, plus les étudiants qui poursuivent en deuxième année sont nombreux, moins les universités sont contraintes d’investir dans de coûteuses campagnes de recrutement. Certains établissements, dont l’Université du Nouveau-Brunswick, combinent les fonctions de maintien aux études et de recrutement en un seul service.

L’Université s’est penchée sur le cas des étudiants qui décident de s’en aller même s’ils obtiennent de bons résultats scolaires, et est arrivée à la conclusion que la clientèle a évolué : les étudiants d’aujourd’hui (et leurs parents) accordent beaucoup plus d’importance à la carrière qu’à l’éducation en général.

« Le recrutement et le maintien aux études sont indissociables, estime Mme Mesheau. Nous devons constam-ment nous vendre pour garder nos étudiants, car ils prennent chaque jour la décision de partir ou de rester. »

Pour améliorer le maintien aux études, l’Université de Windsor a entre-pris de tracer le profil des nouveaux étudiants afin de détecter ceux qui sont à risque de quitter l’établissement pour une raison ou pour une autre, explique Clayton Smith, vice-provost aux affaires étudiantes et aux services du registraire : « Nous tentons de cerner et d’encadrer ces étudiants dès leur arrivée. »

Les techniques de recrutement et de maintien aux études utilisées au Canada diffèrent quelque peu de celles utilisées aux États-Unis. Selon une nouvelle étude menée par Clayton Smith de l’Université de Windsor et Susan Gottheil du Collège Mont-Royal de Calgary, « même si, aux États-Unis, le milieu de l’enseignement supérieur ne craint plus le mot “recrutement”, 
au Canada, le milieu est encore en transition entre des activités d’inter-vention et des activités qui incluent davantage de recrutement stratégique ». Dans l’étude, on précise que les tech-niques de maintien aux études utilisées aux États-Unis sont plus axées sur les objectifs que celles utilisées au Canada.

Outre le déclin de la cohorte qui fréquente habituellement l’université, l’apparition de cyberétablissements comme l’Université de Phoenix est un des moteurs de l’innovation sur le plan du recrutement au sud de la frontière.

« La réalité, c’est que l’enseignement supérieur est devenu une véritable indus-trie », observe Eric Anctil, professeur d’éducation à l’Université de l’État de Washington et auteur d’un livre sur le sujet. Le marché est tellement concur-rentiel aux États-Unis que les universités doivent travailler très fort pour se 
faire connaître.

Par ailleurs, les étudiants d’au-jourd’hui sont plus évolués et mieux renseignés que ceux des générations précédentes, et leurs parents parti-
cipent plus activement au choix d’une université qu’ils ne le faisaient aupa-ravant. Pour se démarquer, beaucoup d’universités se tournent vers les stratégies de marque et les activités connexes.

La société cultive pourtant des attentes conflictuelles envers les universités, estime Ken Steele, vice-président principal du marketing de l’éducation à l’Academia Group, une entreprise de London, en Ontario.

« Elle s’attend à ce que les universi-tés soient à la fois des bastions de tradi-tion et des établissements de recherche 
à l’avant-garde de l’innovation. »

Selon lui, les universités canadien-nes remplissent bien ces deux rôles 
en matière d’activités savantes, mais accusent un retard au chapitre de l’innovation en marketing : « À l’heure actuelle, 90 pour cent des établissements canadiens ne peuvent exprimer claire-ment, en cinq mots, pourquoi un étudiant devrait les choisir. »

Le marketing auprès d’étudiants futés au sein d’un marché concurrentiel ne peut aller qu’en s’intensifiant, de l’avis de nombreux experts. Les universités de la région atlantique, qui sont les pre-mières touchées par les changements démographiques, risquent fort de donner l’exemple.

Rédigé par
Daniel Drolet
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