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Expédition en Antarctique

Des étudiants universitaires font une croisière peu ordinaire

par JOEY FITZPATRICK | 08 JUIN 09

Par un après-midi sans soleil de février, à bord du navire à moteur Ushuaia, plus de 70 jeunes découvrent l’Antarctique aux abords de l’île Éléphant. L’instant, paisible, est à l’émerveillement.

Au cours des six journées suivantes, ces étudiants, leurs neuf professeurs et les sept membres de l’équipage vont débarquer sur la péninsule antarctique deux fois par jour à bord de canoës pneumatiques. Ils vont escalader des glaciers, photographier les manchots, prélever des carottes glaciaires, visiter des stations de recherche et même se baigner dans les eaux d’un volcan en sommeil. En tant que participants à la Students on Ice Antarctic University Expedition 2009, ils vont étudier la géologie, la biologie et le tourisme dans le décor le plus inspirant au monde.

La motivation et l’éducation constituent les deux priorités de Students on Ice. Lauréate de divers prix, cette organisation créée il y a près de 10 ans a jusqu’ici permis à plus de 1 000 étudiants ainsi qu’à des professeurs, à des chercheurs et à quelques journalistes privilégiés de découvrir l’Arctique canadien et l’Antarctique. « Je pense que le fait de proposer ce type d’expérience à des jeunes contribue à les motiver et à façonner leur avenir », souligne le fondateur de Students on Ice, Geoff Green.

Au terme de près d’une décennie d’expéditions destinées aux élèves du secondaire, l’organisation juge désormais que l’étude des régions polaires convient mieux aux étudiants universitaires, compte tenu des connaissances scientifiques nécessaires. L’expédition de 2009 regroupe donc principalement des étudiants universitaires, qui proviennent surtout du Canada, mais également d’Europe, de Nouvelle-Zélande, des États-Unis et d’Asie.

Professeure de sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’Université de l’Alberta, Marianne Douglas en est à son quatrième séjour en Antarctique. Elle y donne un cours de géosciences axé sur les régions polaires. La visite de la station de recherche située du côté occidental de la péninsule constitue, pour les étudiants, l’un des grands moments du séjour. C’est en effet là qu’ont été collectées les toutes premières données confirmant la dégradation de la couche d’ozone. Les murs sont tapissés de relevés de mesure quotidiens consacrés à ce phénomène, dont certains datent d’une cinquantaine d’années. « Cela montre combien il est utile de recueillir des données pendant de longues périodes. Un phénomène environnemental peut en effet se développer à l’insu des scientifiques, puis, subitement, leur sauter aux yeux. Les chercheurs qui ont œuvré ici ont vu leur travail couronné par un prix Nobel », souligne Mme Douglas.

Ce milieu de recherche absolument unique permet aux étudiants d’effectuer une série de mesures et d’observations. À partir du navire, ils étudient régulièrement les courants océaniques à l’aide d’un dispositif qui mesure la température et la conductivité (ou salinité) au sein d’une colonne d’eau. Un simple échantillon d’eau provenant d’un lac riche en algues et en guano de manchot permet d’entrevoir l’étendue des recherches qu’il est possible de mener en Antarctique, explique Mme Douglas. « Il suffit d’analyser une carotte de sédiments prélevée au fond d’un lac pour répondre à des questions simples, comme la suivante : depuis combien de temps des manchots nichent-ils ici? »

Tous les membres de l’expédition ne sont pas inscrits à une majeure en glaciologie ou en sciences de la Terre. Shamin Mohamed en est à la troisième année de son baccalauréat spécialisé en sciences de la santé à l’Université d’Ottawa. Il soutient qu’il existe un lien direct entre la dégradation de l’environnement et la propagation des maladies infectieuses, dont le sida. À 15 ans à peine, M. Mohamed a été honoré, dans le cadre du programme canadien 20 ados avec brio, en tant que fondateur bénévole d’ArretonsLeSIDA.org. La dernière initiative de son organisation est une campagne baptisée « Semez les Arbres. Pas le SIDA », qui vise à lutter contre la dégradation de l’environnement et l’infection par VIH. « Beaucoup de gens ne voient pas le lien entre les deux, souligne M. Mohamed. Pourtant, nombre d’études font état d’une interconnexion entre la désertification, la pauvreté et la propagation des maladies infectieuses. »

La température de la péninsule antarctique grimpe chaque décennie d’un demi-degré Celsius, progressant plus rapidement que presque partout ailleurs. L’importance cruciale des glaces pour l’avenir de la planète pousse de plus en plus d’étudiants à se tourner vers la glaciologie.

Jusqu’à une époque relativement récente, l’essentiel de la recherche polaire canadienne se concentrait, tout naturellement, sur l’hémisphère Nord. Avec ses étudiants, Luke Copland, glaciologue à l’Université d’Ottawa, a décidé de profiter de l’expédition Students on Ice 2009 pour préparer l’établissement de la toute première station canadienne de surveillance de l’Antarctique. Dans la partie occidentale de la péninsule, un pieu a été planté à la surface d’un petit glacier. Il vise à mesurer la hauteur du glacier et l’évolution de sa masse. « À long terme, nous aimerions disposer d’une station reliée par satellite pour enregistrer les températures, la pression atmosphérique et les niveaux de radiation », explique M. Copland.

L’essentiel du mythe qui entoure l’Antarctique tient à son éloignement et à son inaccessibilité. Les temps changent, pourtant. Quelque 35 000 visiteurs s’y pressent désormais chaque année à bord de navires de croisière. Port Lockroy possède aujourd’hui sa boutique de cadeaux et son musée. Les touristes peuvent m’me poster des cartes postales ornées du cachet officiel de l’Antarctique.

Pat Maher, titulaire d’un doctorat consacré aux conséquences de l’activité humaine sur l’Antarctique, enseigne la gestion des activités de plein air et du tourisme à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique. Il est sur place pour étudier les effets du tourisme sur le sous-continent austral. Trois étudiants descendent de leur canoë pneumatique, armés chacun d’un moniteur cardiaque et d’un GPS fixés au corps ainsi que d’un serre-tête avec caméra vidéo. Ils recueillent des données en vue de confirmer le fonctionnement d’une méthode d’évaluation de l’impact du tourisme en Antarctique.

La naissance de l’écologie moderne est généralement rattachée à deux événements marquants des années 1960 : la publication en 1962 de Printemps silencieux, dans lequel l’auteure Rachel Carson attirait l’attention du monde sur la nocivité des pesticides, et la photographie de la Terre prise en 1968 par les astronautes d’Apollo depuis la Lune. Cette photo a fait le tour du monde, faisant prendre conscience aux habitants de notre planète que celle-ci n’est qu’un monde aux ressources limitées, perdu dans un univers infini.

La diffusion des idées et des images reste un outil essentiel d’éveil de la conscience environnementale. Les participants aux expéditions Students on Ice font partie d’une nouvelle génération d’activistes et de messagers. Émilie Hébert-Houle, étudiante de l’Université du Québec à Montréal, a amassé les 12 000 dollars nécessaires à son périple dans l’Antarctique en vendant quelque 300 calendriers qu’elle avait elle-même créés. Au cours des semaines qui ont précédé le départ, elle s’est rendue dans cinq classes du primaire, dont les élèves suivent maintenant son aventure par l’entremise de son blogue. Elle prévoit les revoir à son retour.

« Je tiens à leur transmettre un message, dit-elle. Ils doivent apprendre à agir à l’échelle de leur collectivité, comprendre leurs devoirs en tant que citoyens du monde et prendre conscience des effets de l’activité humaine sur la planète ».

Rédigé par
Joey Fitzpatrick
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