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Il faudrait revoir nos convictions par rapport à l’enseignement et la recherche

Ce qui compte, c’est ce que les étudiants apprennent réellement.

par ADAM CHAPNICK | 10 OCT 12

Un débat est en cours en Ontario et dans l’ensemble du Canada : Comment le gouvernement parviendra-t-il à former des citoyens instruits et ouverts sur le monde en période de restrictions budgétaires?

Certains experts affirment qu’il faudra augmenter considérablement le nombre de professeurs permanents chargés principalement d’enseigner au premier cycle, mais cette solution ne fait pas l’unanimité. D’autres s’op-posent à l’idée de séparer la mission de recherche d’une université de sa mission d’enseignement, soutenant que l’environnement d’apprentissage se trouve enrichi par la recherche.

En fait, le milieu universitaire semble s’être conforté dans deux affirmations non fondées. D’abord la croyance que l’enseignement et la recherche ne peuvent être séparés sans compromettre l’intégrité du système, et ensuite que les étudiants apprennent davantage d’un professeur qui fait activement de la recherche.

Herbert Marsh, professeur en psychologie éducationnelle, et John Hattie, professeur en éducation, ont analysé près de 60 études portant sur la corrélation entre l’enseignement et la recherche au niveau postsecondaire, et affirment sans ménagements qu’il « est indéfendable de prétendre que seuls les bons chercheurs sont des professeurs efficaces ou que l’enseignement de qualité résulte de la recherche ».”

La méta-analyse de MM. Hattie et Marsh répertorie toute une série d’hypothèses utilisées pour tester la corrélation entre la recherche et l’efficacité de l’enseignement au niveau universitaire. Ils indiquent que les investigateurs n’ont pas pu prouver que plus les professeurs consacrent de temps à la recherche, moins leur enseignement est de qualité. En fait, les études n’ont pas pu démontrer que, pour être un professeur ou un chercheur brillant, il faut faire des compromis qui nuisent à la l’efficacité dans l’autre sphère d’activité. L’affirmation opposée, selon laquelle les bons professeurs ont forcément un programme de recherche active, n’a pas non plus été prouvée dans les études scientifiques.

Une seule hypothèse ne serait valide à ce jour : la recherche et l’enseigne-ment au niveau universitaire sont des sphères d’activités si différentes l’une de l’autre qu’il est impossible de les mettre en corrélation avec le rendement d’un professeur.

Il semble donc qu’une des prémisses fondamentales sous-tendant la création d’universités vouées exclusivement à l’enseignement (un professeur peut être compétent sans faire de recherche) ait une certaine crédibilité, mais elle comporte toutefois une faille. Les études antérieures portant sur la corrélation entre l’enseignement et la recherche au niveau universitaire mettaient en cause des sujets possédant une grande expertise dans une des sphères d’activité – la recherche – et souvent aucune formation dans l’autre. Or, on trouve les données les plus semblables dans des études portant sur l’importance de l’expertise aux niveaux primaire et secondaire. Une étude démontre par exemple que les enseignants possédant une excellente connaissance des mathématiques créent un environnement d’apprentissage supérieur pour leurs étudiants.

Aujourd’hui, avec le nombre croissant de programmes aux cycles supérieurs offrant aux étudiants une formation en pédagogie et de l’expérience, on trouve un peu plus de documentation explorant la corrélation inverse. Un article paru récemment dans Science affirmait que les étudiants aux cycles supérieurs en science et en génie qui avaient eu l’occasion d’enseigner en laboratoire possédaient des compétences en recherche supérieures à ceux qui n’avaient pas enseigné.

La corrélation entre l’enseignement et la recherche au niveau universitaire pourrait donc être plus étroite que ne le suggèrent les travaux de MM. Hattie et Marsh. Quoi qu’il en soit, même si les études étaient reprises avec des professeurs comme sujets, et même si les résultats demeuraient semblables, en centrant leur attention si intensément sur l’enseignement au lieu de l’apprentissage, les décideurs feraient fausse route.

L’apprentissage est un processus, non un produit. Il fait appel à une transformation profonde des connaissances, des croyances ainsi que du comportement ou de l’attitude de l’apprenant. Il est donc difficile de constater l’effet immédiat de certaines de ces transformations. Il serait peut-être souhaitable d’attendre avant de vérifier les compétences intellectuelles des étudiants : les idées et les concepts qui étaient au programme d’études des diplômés ont-ils modifié leur manière de résoudre les problèmes par la suite, au cours des années suivantes?

Pour l’instant, les décideurs en savent si peu sur la quantité d’apprentissage des étudiants à l’université, qu’il leur est impossible d’évaluer les mérites d’un parcours d’enseignement ou d’un établissement. Il serait pourtant dans l’intérêt de chacun de savoir ce que les étudiants apprennent réellement et la manière dont se fait l’apprentissage.

Adam Chapnick est directeur adjoint de l’éducation au Collège des forces canadiennes et professeur agrégé au département d’études de la défense du Collège militaire royal du Canada.

Rédigé par
Adam Chapnick
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COMMENTAIRES
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  1. Léna-Liz Parker / 17 octobre 2012 à 15:31

    Pour ma part, je suis persuadée qu’un bon enseignant sera plus à même de développer des aptitudes qui feront de lui un bon chercheur. Cependant, je pense que la réciproque n’est pas nécessairement vraie.

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