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La passion du bénévolat à l’étranger

La piqûre du bénévolat à l'étranger : l'expérience hors du commun de membres du personnel universitaire et du corps enseignant.

par JUDY NOORDERMEER | 09 JUIN 08

Alors que la plupart des Canadiens fêtaient Noël en compagnie de leur famille et de leurs amis, Dean Sandham, lui, se terrait dans un abri antiaérien au Terrain d’aviation de Kandahar, en Afghanistan.« Nous avions été prévenus d’un risque d’attaque à la roquette, et on nous avait recommandé de nous abriter, se souvient le doyen de l’école de médecine de l’Université du Manitoba. Il faisait sombre dans l’abri et, spontanément, les gens se sont mis à chanter des airs de Noël. »

« Faire contre mauvaise fortune bon cœur », voilà qui pourrait bien illustrer les cinq semaines qu’a passées le Dr Sandham à Kandahar. Médecin civil d’un naturel solitaire, il a passé cette période en compagnie d’une équipe de médecins de l’armée canadienne qui s’occupaient des besoins médicaux souvent considérables des victimes parmi les forces de l’OTAN, la population afghane et les insurgés.

Les dispositifs explosifs de fortune étaient particulièrement dévastateurs, confie-t-il en se remémorant les blessures profondes qu’il devait soigner. La veille de Noël, il s’est occupé de trois combattants talibans. Ces trois adolescents avaient été blessés par l’explosion prématurée d’un tel dispositif. « La suite a révélé qu’ils ne sympathisaient avec aucune idéologie en particulier », raconte le médecin. Tout porte à croire que, sans doute illettrés, ils avaient été poussés à prendre les armes. « L’un d’entre eux est reparti avec de graves infirmités. C’était une véritable tragédie. »

C’est sur la recommandation d’un vétéran du service médical à Kandahar et ancien de l’école de médecine de l’Université du Manitoba que le Dr Sandham s’est retrouvé en Afghanistan. « Quand il m’a posé la question, j’ai dit « bien sûr, obtenez-moi le poste et j’y vais ». »

En tant que spécialiste en soins intensifs, le Dr Sandham était un candidat de choix. « Les mots me manquent », admet-il lorsqu’il tente de décrire la besogne qui l’occupait à longueur de semaine à l’hôpital de l’aérodrome envahi par la poussière. « C’est une expérience que je n’aurais manquée pour rien au monde. J’ai énormément appris. « Par-dessus tout, le médecin était heureux d’aider à sa façon les membres de l’armée canadienne, dont le dévouement et l’engagement à long terme l’ont frappé. « Il est vrai que je n’étais pas avec les miens pendant les Fêtes. Mais là-bas, la plupart sont des jeunes qui ont des enfants au pays, et qui passent six mois sur place. »

Le Dr Sandham a très peu parlé de son expérience depuis son retour. Il s’est confié à sa famille, à ses amis, aux internes se spécialisant en soins intensifs et au conseil consultatif du doyen. Quand il en parle, il explique à quel point l’expérience l’a conforté dans sa fierté d’être Canadien.

« Nous sommes chanceux de vivre dans une société solide, dirigée par un gouvernement civil stable. Malgré les travers de notre gouvernement, et notre propre intransigeance à son endroit, c’est un privilège de bénéficier des institutions sociales dont nous disposons. L’absence d’infrastructures sociales et de mécanismes de gouvernance ampute tout ce qui devrait en découler en temps normal – éducation, santé, recherche. »

Reconnaissant, le Dr Sandham, qui continuait à percevoir son salaire à l’étranger, a fait don à l’Université de l’argent que lui a rapporté son affectation à Kandahar.

Le Dr Sandham fait partie d’une espèce très spéciale de membres du personnel universitaire et du corps enseignant qui ont investi de leur temps, et dans bien des cas de leur argent, dans des projets de bénévolat à l’étranger. Peu nombreux sont ceux qui ont accepté de nous parler de leur expérience. Ceux qui ont répondu à notre appel, cependant, ont tous à cœur d’améliorer le sort de la planète, ils ne craignent pas les sacrifices personnels, financiers et parfois même professionnels, ils ont le goût de l’aventure et, cela va de soi, ils n’ont pas d’engagements familiaux immédiats. Dans bien des cas, ils sont célibataires ou ont des enfants qui volent déjà de leurs propres ailes.

Tous font également preuve de courage. Beaucoup de projets ont lieu dans des endroits dangereux.

En 1993, lors de sa première mission bénévole dans le Kurdistan irakien, Rosemary Tulett a dû, pour se rendre en Irak, traverser la frontière turque, théâtre d’importantes tensions politiques. Mme Tulett, secrétaire du doyen des arts et des sciences humaines à l’Université Simon Fraser, se rappelle que, comme Saddam Hussein, qui était alors au pouvoir, s’opposait à la présence d’étrangers au pays, tous les travailleurs humanitaires se trouvaient sur place clandestinement.

« La menace était constante. Quand j’étais avec mes amis kurdes, ils avaient l’impression que je mettais ma vie en danger en étant là. Moi, j’avais plutôt l’impression qu’eux mettaient leur vie en danger en fréquentant une étrangère. »

Titulaire d’une maîtrise en études interculturelles, Mme Tulett s’est rendue pour la première fois au Kurdistan afin d’aider une clinique de physiothérapie et d’enseigner l’anglais pour une organisation à but non lucratif établie à Amsterdam. La veille de son retour, le directeur d’un organisme kurde lui a demandé si elle accepterait de chercher des solutions de parrainage pour venir en aide à dix enfants devenus orphelins à la suite du génocide perpétré par le régime irakien. « Je savais d’ores et déjà que ce serait un engagement à long terme. »

Quatorze ans plus tard, Mme Tulett a recueilli près de 250 000 $ qui ont permis de parrainer plus de 100 enfants. Nombre d’entre eux ont maintenant fini l’école secondaire, certains sont entrés à l’université et d’autres ont fondé une famille. « Moi qui n’ai jamais été mariée ni mère, je suis plusieurs fois grand-mère! », plaisante-t-elle.

Plus tôt cette année, l’Université Simon Fraser a décerné à Mme Tulett une distinction pour son action humanitaire auprès des orphelins. Avec l’aide de sa mère, elle envoie régulièrement des nouvelles des enfants à leurs parrains et veille à ce que les paiements arrivent à temps. Comme elle finance elle-même ses activités administratives et ses déplacements, chaque dollar recueilli est bel et bien consacré aux orphelins.

Le Kurdistan occupe une place importante dans son cœur – un mot qu’elle utilise souvent pour décrire son expérience et l’amour qu’elle porte au peuple kurde. « Après avoir enduré un tel lot de souffrances, je ne sais pas si un autre peuple que les Kurdes aurait réagi avec autant de résilience et d’optimisme, s’interroge Mme Tulett. Cette attitude donne envie de les épauler. »

L’an dernier, elle a passé ses vacances au Kurdistan. C’était la première fois, au cours des six visites qu’elle a faites depuis 1993, qu’elle pouvait voyager sans gardes du corps, ce qui l’a motivée à poursuivre son travail. « Le parrainage des orphelins prendra fin au cours des dix prochaines années, lorsqu’ils seront tous adultes. Cependant, mon soutien ne fléchira pas. Mon dévouement pour le Kurdistan est l’engagement d’une vie. »

Si l’action bénévole a permis à Mme Tulett de progresser en aiguisant son appréciation et sa compréhension des nombreuses disciplines de la faculté des arts et des sciences sociales où elle travaille, l’engagement bénévole international a plutôt valu à Michelle Burlock de décrocher un nouvel emploi plus stimulant à l’Université Western Ontario l’an dernier.

Mme Burlock travaillait au bureau du registraire de l’Université depuis six ans quand elle a décidé de prendre un congé de cinq mois au printemps de 2007 pour se lancer dans une aventure bénévole autour du monde. Pour cette passionnée de voyages autoproclamée, c’était la réalisation d’un rêve qui grandissait depuis des années : quitter les sentiers battus du tourisme.

Au Yukon, elle a travaillé pour les Jeux du Canada et en Irlande, dans un camp pour enfants malades. à Madagascar, elle a participé à la construction de maisons pour l’organisme Habitat pour l’Humanité. Elle a finalement abouti en Tanzanie, où elle a travaillé pendant près de trois mois comme bénévole dans une paroisse catholique et auprès d’enfants de l’école du voisinage. Diplômée de « l’école de clown », Mme Burlock n’était jamais à court de chansons et de jeux pour amuser les enfants. « Dès qu’ils m’apercevaient, ils accouraient », se souvient-elle.

« Nous jouions au soccer avec un ballon fabriqué avec des sacs de plastique enroulés les uns sur les autres. » Elle se rappelle de la joie que de tels jeux apportaient aux jeunes Tanzaniens. « Ils étaient heureux et ils chantaient. C’était un autre univers. Comme bénévole, j’ai vécu des expériences qu’aucune visite guidée n’aurait pu m’offrir. »

Un jour, alors qu’elle se trouvait sur un terrain de soccer pour bénéficier d’un signal cellulaire optimal, elle a reçu sur son téléphone un courriel de l’Université Western Ontario lui annonçant que le poste d’agent de liaison internationale était disponible, et lui demandant si elle était intéressée.« Eh bien je ne peux pas vous envoyer mon CV… mais oui! », s’est-elle empressée de répondre.

À son retour l’été dernier, elle a immédiatement intégré son nouveau poste, puis, dès l’automne, elle est partie en mission de recrutement d’étudiants étrangers au Mexique, aux États-Unis et au Moyen-Orient. Mme Burlock considère que son expérience interculturelle l’a aidée à comprendre ce que vivent les étudiants qui font des études universitaires dans une culture et un pays étrangers. « Ce n’est certes pas facile, mais les avantages pour eux de faire des études au Canada sont énormes. »

L’engagement bénévole n’est pas exempt de sacrifices – bien qu’aucune des personnes interviewées ne le formulerait ainsi. Pour Mme Burlock, le fait d’être constamment en mouvement l’a rendue un peu nomade, sans domicile fixe. « J’ai une adresse postale, mais actuellement, c’est un ami qui m’héberge. »

Le bénévolat international donne un sens à la vie. David Precious est de cet avis. Depuis 1995, le doyen de la faculté de médecine dentaire de l’Université Dalhousie se rend chaque année au Vietnam, à ses frais, pour que les enfants nés avec un bec-de-lièvre puissent avoir accès aux soins chirurgicaux dont ils ont besoin. Depuis 1999, il se rend aussi en Tunisie et, récemment, il a entrepris d’enseigner la procédure à des collègues du Brésil et de l’Inde. Il estime que lui et cinq de ses collègues, qui se sont joints au projet au fil des ans, ont exécuté près de 1 000 interventions et investi quelque 200 000 $, puisés à même leurs finances personnelles.

« Bien souvent, notre intervention change la vie du patient, déclare le Dr Precious. Pour un chirurgien, avoir la possibilité d’intervenir en bas âge et d’opérer une telle métamorphose, c’est extraordinaire. »

Les missions philanthropiques, premières activités internationales de la faculté de médecine dentaire, ont donné l’exemple à l’Université Dalhousie. « Devant un modèle qui porte ses fruits, dit-il, les autres facultés sont tentées d’amorcer elles aussi une initiative. »

Il est fier des missions de la faculté de médecine dentaire, qu’il distingue des projets médicaux à court terme. « Notre objectif ultime, explique-t-il, consiste à faire en sorte que, éventuellement, notre concours ne soit plus nécessaire. » Avec un nombre croissant de chirurgiens bénéficiant de formation, on peut envisager que c’est ce qui se produira au Vietnam et en Tunisie.

Certains projets médicaux, surnommés les « safaris chirurgicaux », consistent en la visite brève de médecins en voyage dans le pays. S’il est vrai que de telles initiatives sont utiles, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sont pas adéquatement intégrées aux structures locales, qu’elles ne prévoient que rarement un suivi et qu’elles n’ont généralement pas de retentissement à long terme étant donné qu’aucune formation n’est dispensée aux médecins locaux. « Les safaris chirurgicaux peuvent en effet poser problème », confirme le Dr Precious.

Comme beaucoup de bénévoles, le Dr Precious juge que son expérience de travail avec ses nouveaux collègues compte parmi les plus enrichissantes. « Nous avons appris les uns des autres, dit-il. Je me rappelle surtout la collaboration avec des médecins japonais, au Vietnam. Aujourd’hui, ce sont de véritables amis. »

En repensant à son expérience de bénévole qui l’a menée partout dans le monde, Mme Burlock de l’Université Western Ontario conclut que tous, nous voulons les mêmes choses : la santé, des chances égales, la sécurité et le bonheur. Pour les membres du personnel universitaire et du corps enseignant qui utilisent leurs compétences pour aider les citoyens d’autres pays à atteindre ces objectifs, le sentiment de changer des vies et de tisser des liens a de quoi rendre accro.

Mme Tulett, de l’Université Simon Fraser, économise déjà en prévision de son prochain séjour au Kurdistan, dans deux ou trois ans. Mme Burlock a récemment terminé une formation d’Habitat pour l’Humanité, afin de devenir l’an prochain chef de projet à l’étranger. à l’Université Dalhousie, le Dr Precious se prépare à partir pour le Vietnam à l’automne. Le Dr Sandham trouve, pour sa part, qu’il a de la chance d’être allé en Afghanistan. Il est prêt à y retourner et espère que d’autres relèveront aussi le défi.

« On a toujours tendance à penser qu’on doit changer le monde, confie Mme Burlock. Certains ne font rien, convaincus qu’ils sont de ne pas pouvoir en faire assez. Mais rien n’est plus pareil quand on essaie et qu’on s’aperçoit qu’on peut changer le monde pour une ou deux personnes… Je crois que c’est pour ça que je le fais. »

Pas tout à fait du bénévolat

Il n’est pas rare que des professeurs travaillent à l’étranger pour le compte de leur université. Il est cependant beaucoup plus rare que des membres du personnel universitaire en aient l’occasion.

En novembre 2004, tandis que la Révolution orange battait son plein en Ukraine, Chris Mota, directrice des relations avec les médias à l’Université Concordia, a pu saisir une telle occasion. à la demande de la direction, elle s’est envolée en direction de Kiev pour aider les journalistes nord-américains à relater les efforts déployés par Viktor Iouchtchenko, candidat réformiste à la présidence du pays.

« En toute sincérité, les événements se sont naturellement enchaînés », se souvient-elle.

Canadienne de descendance ukrainienne, Mme Mota parle couramment l’ukrainien et a un important réseau de connaissances au pays. Alors que la grogne s’intensifiait dans la foulée des élections contestées, les journalistes canadiens en route vers l’Ukraine pour couvrir l’événement ont commencé à l’appeler à l’Université pour avoir son avis sur ce qui les attendait à destination et savoir où aller à leur arrivée.

Quelques heures après avoir dit à la direction, en plaisantant à moitié, qu’elle aurait aimé les accompagner, elle a obtenu l’autorisation de se rendre à Kiev, et le lendemain, elle était en route. « La direction a bien vu, relate Mme Mota, que, en prenant une telle décision, Concordia se gagnerait la faveur des journalistes et montrerait que son engagement va au-delà du strict nécessaire. »

Pendant une semaine des plus intenses, elle a eu recours à ses compétences linguistiques et a fait jouer ses relations pour aider les journalistes de Maclean’s, de La Presse et du Journal de Montréal, entre autres, à entrer en contact avec des sources d’information en Ukraine. Elle a également accordé des entrevues quotidiennes à des stations de radio canadiennes et a régulièrement publié des articles dans le Ukrainian Times.

Concordia a tiré profit du travail de Mme Mota en Ukraine. « Cette expérience a accru notre crédibilité auprès des journalistes. Je sens qu’ils aiment faire affaire avec nous pour obtenir de l’information et des sources de renseignements, et je sais qu’ils font appel à nous avant d’aller ailleurs.

« D’un point de vue personnel, quelle expérience extraordinaire! Je lève mon chapeau à l’Université, qui a compris la valeur de l’occasion qui lui était offerte de jouer un rôle en dehors du cadre quotidien de notre travail de contribuer à la diffusion de l’actualité et, ce faisant, d’aider la société. »

Rédigé par
Judy Noordermeer
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