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La place de l’art

Visite de nouvelles œuvres d’art installées sur les campus canadiens pour la plus grande joie de tous.

par ROBYN JEFFREY | 17 AOÛT 11

Un arbre qui pousse dans un tunnel. Des étudiants de taille démesurée qui plongent dans l’action. Un père fondateur étincelant de bronze.

Voilà quelques-unes des œuvres d’art civique qui sont apparues sur les campus canadiens au cours de la dernière année. L’afflux de projets d’immobilisations partout au Canada a incité les universités à commander des œuvres d’art pour rehausser les nouvelles constructions, et bien qu’elles en transforment le décor, ces œuvres d’art respectent l’histoire et la culture des endroits qui les accueillent.

« Le campus de Scarborough possède une histoire et un héritage architectural des plus intéressants », souligne Christian Giroux, membre du duo artistique qui a créé la toute première œuvre d’art civique commandée pour le campus de Scarborough de l’Université de Toronto (UTSC). Lui et son collaborateur Daniel Young fabriqueront une sculpture de plus de 12 mètres de hauteur pour le centre d’enseignement du UTSC, construit à la fine pointe de la technologie, dont l’ouverture officielle est prévue en septembre. Et malgré le fait que la sculpture sera installée dans l’immeuble le plus récent du campus, les artistes se sont inspirés de l’immeuble le plus ancien pour la réaliser.

« L’œuvre est une sorte de regard contemporain vers le pavillon Andrews », explique Ann MacDonald, directrice et curatrice de la galerie Doris McCarthy du UTSC, et présidente du comité de sélection qui a choisi les artistes.

Reconnu pour ses formes quadrilatères empilées, le pavillon Andrews est un monument architectural. MM. Giroux et Young ont donc décidé de reprendre le concept des formes et proposent dans leur œuvre une série de volumes géométriques qui surplombent le mur de l’atrium du centre d’enseignement construit sur quatre étages.

Intitulée pour l’instant Interregnum, l’œuvre de création évoquera la présence d’éléments de l’ancien édifice faisant saillie à travers le nouveau, précise M. Giroux, qui enseigne aussi au programme studio art de l’Université de Guelph. Selon lui, la sculpture faite de tube aluminium à revêtement de poudre évoquera également les hachures d’un dessin architectural.

« Il semble que les artistes aient saisi l’énergie qui est palpable sur le campus, poursuit Mme MacDonald en parlant de la référence au développement du campus qui est exprimée dans leur œuvre. Nous sommes actuellement en plein mode de croissance. »

L’œuvre Interregnum est peut-être une première pour le UTSC, mais la commande d’œuvres d’art civique sur les campus n’est pas un phénomène nouveau. « Comme la plupart des œuvres d’art civique, l’art civique sur les campus est lié aux tendances économiques, précise Lora Senechal Carney, professeure agrégée d’histoire de l’art au UTSC. Lorsqu’il y a de l’argent pour les grands projets d’immobilisations, très souvent l’art civique en profite aussi. »

Mme Carney, qui se spécialise dans l’art canadien moderne et contemporain en contexte socio-politique, affirme que d’autres facteurs peuvent aussi influencer la décision d’une université de commander une œuvre d’art civique, dont la présence sur le campus d’une galerie d’art, le soutien de donateurs, le financement public et les politiques gouvernementales.

La politique provinciale a eu une grande influence sur la démarche de l’Université Concordia. La Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement du gouvernement québécois exige en effet que un pour cent du budget des immeubles financés par des fonds publics soit consacré à l’art.

Pour l’Université Concordia, cette politique représente une occasion de « célébrer l’importance des arts et de la culture dans son propre établissement », a souligné Clarence Epstein dans une conférence sur l’art civique. Directeur des projets spéciaux et des affaires culturelles de Concordia, M. Epstein est responsable du programme d’art civique de l’Université et des 40 œuvres de la collection.

La toute dernière acquisition de la collection, Acer Concordiae, a été rendue possible grâce à la politique du pourcentage consacré à l’art. Installée en mars dernier dans un couloir souterrain qui relie les principaux pavillons du centre-ville de l’Université (le tunnel sous le boulevard de Maisonneuve), Acer Concordiae se compose de 52 panneaux d’acier inoxydable gravés au laser.

Créés par l’artiste Kamila Wozniakowska, les panneaux illustrent une histoire fictive de Concordia sise au cœur de Montréal. Mme Wozniakowska y trace un parallèle entre la croissance d’une espèce imaginaire d’érables et celle des deux campus de Concordia qui ont pris racine à partir de deux universités distinctes : Sir George Williams, au centre-ville, et Loyola, dans l’ouest de la ville. La série d’icones se termine par une gravure de la nature qui se marie aux immeubles emblématiques de l’Université avec, en toile de fond, le mont Royal.

M. Epstein estime qu’Acer Concordiae sera vu quotidiennement par 10 000 personnes, selon le temps de l’année. Si les passants regardent les trois derniers panneaux, ils pourront même entrevoir une autre œuvre d’art. « Sou-vent les artistes sont inspirés par ceux qui les ont précédés dans la collection d’art civique », dit-il. Mme Wozniakowska ne fait pas exception. Sa série de gravures reprend LEAP, une nouvelle commande du campus Loyola.

LEAP est une œuvre sur verre faite à partir de photos qui représentent 17 silhouettes en mouvement, marchant, s’accroupissant ou sautant sur la façade du centre PERFORM de Concordia. Le centre, dont l’ouverture est prévue à l’automne, sera consacré à la recherche en santé et à l’éducation. Représentatives de la mission du centre, les silhouettes de LEAP arborent des couleurs vives inspirées de l’imagerie médicale, comme celles des tomodensitogrammes, explique Adad Hannah, l’artiste qui l’a créée.

M. Hannah, qui a obtenu une maîtrise en beaux-arts en 2004 et fait actuellement des études de doctorat à Concordia, affirme qu’il s’est aussi inspiré de l’imagerie historique des arts et science, particulièrement du photographe du XIXe siècle Eadweard Muybridge, qui a produit des études révolutionnaires du corps humain en mouvement. Comme il a une connaissance approfondie de l’Université, M. Hannah a jugé important de « relier l’histoire de l’art et l’esprit communautaire de l’établissement », souligne M. Epstein. L’artiste a recruté une diversité d’étudiants, de professeurs et de membres du personnel pour servir de modèles pour LEAP. « Leur attitude a été extrêmement positive », déclare M Hannah, qui a trouvé la réaction des participants à l’œuvre finale particulièrement gratifiante.

L’Université du Manitoba a aussi fait appel à un ancien étudiant des beaux-arts pour la création d’un nouvelle œuvre d’art. Wayne Stranger est l’un des trois artistes à qui on a commandé une sculpture pour décorer la Maison autochtone de l’Université (voir « Raconter par l’art » ci-dessous).

Les sculptures, qui se trouvent à l’extérieur de la Maison autochtone, s’ajoutent à la dizaine d’œuvres d’art civique qui ornaient déjà le campus de l’Université du Manitoba. « L’art fait partie intégrante de la fibre intellectuelle et universitaire de l’établissement, souligne David Barnard, recteur de l’établissement. Le campus recèle de créativité et des étudiants viennent ici pour étudier les beaux arts, il est donc tout à fait naturel que le campus expose des œuvres d’art. »

Scott Watson est du même avis. Directeur et curateur de la galerie d’art contemporain et visuel Morris and Helen Belkin de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), M. Watson soutient que l’art visuel contemporain favorise une forme unique de pensée critique et, de ce fait, contribue au « débat universitaire ».

En matière d’art civique, l’œuvre Millennial Time Machine de la UBC attise les conversations et la curiosité. Il s’agit d’un carrosse du XIXe siècle tiré par des chevaux, transformé en chambre noire. Exposée depuis 2003 dans un pavillon aux murs de verre, l’œuvre de l’artiste de renom Rodney Graham est l’une des plus récentes acquisitions de l’Université parmi la trentaine d’œuvres d’art extérieures qui ornent le campus.

En 2009, deux sculptures d’artistes autochtones ont été installées à l’extérieur de l’aréna Thunderbird de la UBC, rénové pour accueillir le hockey pendant les Jeux olympiques d’hiver 2010. Thunder, de l’artiste musqueam Thomas Cannell, est une sculpture en bois de cèdre, et Take Off, de l’artiste haida Michael Nicoll Yahgulanaas, est une sculpture amusant représentant un oiseau fabriqué à partir de pièces d’auto recyclées. Toutes deux ont été commandées dans le cadre du programme du Comité olympique de Vancouver afin de présenter l’art autochtone.

M. Watson, qui est aussi professeur au département d’histoire de l’art, d’art visuel et de théorie de la UBC, a bon espoir de voir la collection d’art extérieur de l’Université continuer de prendre de l’expansion. Il observe que des projets d’art civique prennent forme sur le campus Okanagan de la UBC, et que les récents projets de construction ont suscité des discussions relativement à l’élaboration d’une politique d’art civique pour l’Université.

L’engouement pour l’art civique se maintiendra-t-il à long terme? Mme Carney, au UTSC, affirme qu’il est difficile de le prévoir car les commandes dépendent en grande partie du financement. Pourtant, de récents développements sont encourageants. Au UTSC, Mme MacDonald milite en faveur de l’adoption d’une politique d’art civique et espère élargir la collection. À Concordia, quatre œuvres d’art civique seront dévoilées au cours des prochains mois. « Il s’en passe des choses », conclut M. Epstein.

Raconter par l’art

La Maison autochtone, dont le nom spirituel est Migizii Agamik, est un endroit de rencontre pour plus de 2 000 étudiants autochtones de l’Université du Manitoba. La façade de l’édifice inauguré en 2008 est maintenant ornée de sculptures de bronze illustrant divers aspects de l’expérience autochtone.

Un portrait de Louis Riel, The scholar, de l’artiste métis Miguel Joyal, rend hommage au père fondateur du Manitoba et au peuple métis. Avec Shaman’s Dream, l’artiste inuvialuit Abraham Anghik Ruben illustre la culture inuit dans un montage représentant des animaux et des personnages mythique. Wayne Stranger complète le trio avec son œuvre, The Buffalo, qui symbolise la manière d’enseigner et d’apprendre des Premières Nations.

« J’ai toujours voulu raconter des histoires », confie M. Stranger, artiste et éducateur de descendance crie et ojibway, qui exprime les traditions autochtones par son art. The Buffalo relate les expériences cérémonielles personnelles de M. Stranger alors qu’une image peut apparaître embrouillée et « lentement, prendre forme devant vous ». La base de la sculpture a la forme d’un sabot qui se sépare et donne lieu aux corps de deux buffles qui regardent dans des directions opposées.

Robyn Jeffrey est poète primée et écrit souvent des articles qui portent sur l’art. Elle habite à Wakefield, Québec.

Rédigé par
Robyn Jeffrey
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