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L’adjointe administrative, cette force tranquille méconnue

par ISABELLA LOSINGER | 08 MAR 16
Illustration par Karolis Strautniekas.
Illustration par Karolis Strautniekas.

Les campus comptent divers groupes d’employés, mais l’adjointe administrative est une valeur constante dans tous les établissements. L’adjointe administrative, c’est-à-dire le titre qui tend à remplacer celui de « secrétaire », est invariablement de sexe féminin. Elle est souvent la première à accueillir quiconque franchit la porte d’un département ou d’une unité administrative. Or, il est bien connu qu’une bonne première impression est déterminante pour les étudiants (ou leurs parents) qui n’ont pas encore choisi leur université, les professeurs qui étudient diverses offres d’emplois et les directeurs de département ou les hauts dirigeants que l’on cherche à recruter. Le sourire de la réceptionniste crée instantanément un contexte que l’on espère propice à l’atteinte des objectifs immédiats.

Qui plus est, de façon conciliante ou non, l’adjointe fait souvent office de gardienne et de bonne à tout faire. Au sein du département, elle régit les contacts avec le directeur de département et a accès à des renseignements (de nature délicate et confidentielle bien souvent) auxquels les autres employés et les professeurs n’ont pas accès. Intermédiaire de confiance, l’adjointe peut aussi s’avérer une mine d’information pour le directeur de département en prêtant l’oreille aux rumeurs qui circulent sur le campus. La thèse selon laquelle elle serait la seule personne à réellement savoir ce qui se passe a été corroborée par des recherches menées dans les secteurs public et privé, et sa capacité à cultiver des liens à des fins de renseignement suscite le respect (et l’admiration).

Étudions plus en détail l’adjointe administrative en milieu universitaire. À de rares exceptions près, nous savons peu de choses de sa vie professionnelle, et encore moins de son opinion du travail et de son employeur, l’université. Pourtant, les secrétaires et les autres employés de l’université veulent marquer l’histoire de l’établissement. Ceux que j’ai interviewés aimeraient laisser un legs dont parleront les historiens et les écrivains du milieu de l’enseignement supérieur. Ainsi, Alice (nom d’emprunt), secrétaire à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) de 1969 à 1971, aurait aimé qu’on mentionne l’apport des employés, qu’on ne se limite pas aux têtes d’affiche qui ont récolté gloire et argent en raison de leurs travaux à l’université. Évidemment, ils savaient mériter cette reconnaissance, mais le travail de ceux qui n’étaient que des maillons de la chaîne aurait également dû être souligné.

« Effectivement les professeurs, les titulaires de doctorat et les travaux de recherche sont importants, mais qu’en est-il de ceux qui travaillent à l’arrière-scène, ceux dont personne ne sait rien », explique Brenda, secrétaire à la UBC en 2007. Les secrétaires et autres employés veulent sentir qu’ils font partie intégrante de l’université, et non d’un groupe silencieux, méconnu ou relégué aux coulisses. En particulier les adjointes en milieu universitaire qui, comme je le mentionnais précédemment, sont souvent le premier point de contact d’une unité administrative ou d’un département.

À l’écart de son poste à la réception, l’adjointe s’acquitte d’une myriade de tâches, d’activités et de priorités dont les gens n’ont bien souvent aucune idée. Des tâches qui, de l’avis des employés, rendent souvent le travail valorisant (et parfois épuisant). Il est frappant de voir combien d’adjointes (c.-à-.d. d’anciennes secrétaires) se rappellent de faits précis et détaillés concernant leur milieu de travail, leurs tâches quotidiennes et les gens avec qui elles ont travaillé, et ce, même après de nombreuses années.

Des thèmes et des souvenirs communs se dégagent. Ils changent assez peu d’une décennie à l’autre : salaires et avantages sociaux (et lacunes en la matière), satisfaction ou insatisfaction à l’égard des tâches, relations (houleuses, cordiales ou autres) avec les collègues et les professeurs, et la question de hiérarchie, de statut et de respect. Peu importe leurs caractéristiques individuelles, ces femmes expriment à la fois un fort sentiment d’appartenance et un vif intérêt vis-à-vis de l’université, de même qu’un sentiment tout aussi fort d’isolement et d’exclusion.

Un droit à la reconnaissance

la façon dont le personnel perçoit l’établissement qui l’emploie, son rôle, son expérience quotidienne et sa capacité à suivre son cheminement personnel et professionnel est importante. Les efforts qu’il déploie contribuent à la réussite de l’université et doivent être reconnus comme tels. Il reste encore à trouver le moyen d’exprimer ce sentiment particulier de solitude sur le campus. Il faudrait donc, à tout le moins, que les dirigeants des universités se penchent collectivement sur les besoins d’une main-d’œuvre de plus en plus instruite et avertie sur le plan politique et qui montre de moins en moins de déférence. La consignation systématique et la préservation de l’expérience professionnelle actuelle et passée de ces travailleurs ferait en sorte d’atténuer le caractère invisible de leurs contributions.

Extrait (traduction libre) du chapitre 8 « The Non-Nons: Secretarial and Clerical Staff » par Isabella Losinger, de Solitudes of the Workplace: Women in Universities, édité par Elvi Whit-taker (McGill-Queen’s, 2015). Mme Losinger est une ancienne bibliothécaire universitaire qui travaille maintenant à l’Université de la Colombie-Britannique. Elle s’intéresse depuis longtemps à l’université en tant que milieu de travail.

Rédigé par
Isabella Losinger
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COMMENTAIRES
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  1. Ghislaine Patry, secrétaire de direction / 26 avril 2016 à 15:13

    Que c’est donc vrai!!! J’approuve et je le vis à tous les jours.

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