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Le sort des chargés de cours

Les chargés de cours jouent un rôle essentiel dans la plupart des universités canadiennes. Selon certains, il est temps de mieux les intégrer à la vie de l’établissement.

par MOIRA MACDONALD | 09 JAN 13

Ils ont différentes appellations – chargés de cours, enseignants à temps partiel, enseignants contractuels –, mais ces membres du personnel enseignant non titularisés et sans poste permanent sont tous habités du même désir, celui de recevoir de la part des établissements d’enseignement une reconnaissance, une rémunération et un traitement qui se rapprochent davantage de ceux des professeurs à temps plein.

Comme l’explique Leslie Jermyn, présidente du comité sur le personnel académique contractuel de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université, une des principales préoccupations relève de la sécurité d’emploi. Chargée de cours depuis 1993, elle donne trois cours complets par année à l’Université York en vertu d’un contrat limité de 24 mois.

Bien que certaines universités reconnaissent l’ancienneté, beaucoup de chargés de cours d’expérience sont contraints de postuler de nouveau chaque semestre pour un cours qu’ils enseignent depuis des années. Souvent, ils ne savent même pas s’ils auront un contrat le semestre suivant.

« On m’a appelée un jeudi pour m’annoncer que j’allais commencer à donner un cours le mardi suivant, se rappelle Janice McKendrick, chargée de cours à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard depuis 2008, actuellement en congé en raison de responsabilités familiales. Il faut toujours surveiller les dates limites pour postuler, et on ne sait jamais si le cours nous sera attribué. »

Beaucoup de chargés de cours n’ont pas non plus accès aux régimes d’avantages sociaux des employeurs. S’ils sont malades pendant plus d’une semaine, ils risquent de perdre leur emploi. La période de préparation des cours n’est généralement pas rémunérée à plein salaire, ou ne l’est pas du tout. De plus, il arrive souvent que les chargés de cours se retrouvent sans emploi entre deux semestres.

Certains diront que c’est la réalité de l’emploi et qu’il faut faire avec. Les charges de cours n’ont jamais eu pour but de fournir un emploi à temps plein et elles ne comportent pas d’obligations en matière de recherche ou de services propres aux postes permanents, ce qui justifie le fait qu’elles soient moins bien rémunérées. Soit, mais cette vision des choses ne tient pas compte de la grande dépendance que les universités ont créée envers les chargés de cours et du rôle que ceux-ci jouent dans la vie de l’établissement.

Le recours aux chargés de cours ne fait l’objet d’aucun suivi systématique au pays. Certaines associations de professeurs surveillent le ratio chargés de cours-professeurs réguliers. À l’Université de Calgary, par exemple, les 529 chargés de cours forment 23 pour cent des effectifs, mais le syndicat ignore quelle proportion des cours leur est confiée.

Aux États-Unis, où certaines statistiques sont recueillies, le tiers des enseignants dans les collèges universitaires et les universités sont des travailleurs contractuels selon les données de 2011 du National Center for Education Statistics. Certains observateurs estiment que la proportion globale doit être similaire au Canada.

Richard Sigurdson, doyen de la faculté des arts à l’Université de Calgary, reconnaît la « hausse documentée » du recours au personnel enseignant non permanent dans les universités et les collèges en Amérique du Nord. Les chargés de cours constituent un bassin de travailleurs moins coûteux et plus souples pour les universités, qui tentent de s’adapter aux besoins changeants tout en respectant des budgets serrés.

Si un groupe important d’universitaires est insatisfait de son sort, le climat de l’université s’en trouvera affecté tôt ou tard. « C’est à tout le moins un véritable problème moral », affirme Doug Owram, ancien vice-chancelier adjoint au campus Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique. Des sondages menés sur le campus ont révélé que les chargés de cours sont les employés dont le moral est le moins bon en raison de l’absence de sécurité d’emploi, dit-il.

Différentes solutions ont été proposées : contrats d’enseignements pluriannuels, création de postes consacrés exclusivement à l’enseigne-ment, et accès à des fonds pour perfectionnement professionnel et à des subventions de recherche. Trevor Tucker, chargé de cours en études anglaises depuis 10 ans à l’Université d’Ottawa, a compilé une liste d’idées qui contribueraient à faire des chargés de cours des membres à part entière du milieu universitaire. « Le besoin d’établir des liens avec l’université peut être plus important que la question de la rémunération », croit-il.

Il propose entre autres d’offrir aux chargés de cours des services de formation et de mentorat en partie assurés par des professeurs chevronnés. L’aménagement de bureaux à proximité de ceux des autres professeurs pourrait également améliorer la collégialité et l’interaction intellectuelle. Les chargés de cours pourraient aussi participer aux réunions de département, ou désigner des représentants pour siéger aux comités.

Vu la très grande dépendance des universités envers les chargés de cours, celles-ci peuvent-elles réellement se permettre de perdre des enseignants contractuels d’expérience qui trouvent leur situation professionnelle intenable? « Au bout du compte, conclut Mme McKendrick, les universités perdent d’excellents enseignants qui aimeraient demeurer dans la profession, mais qui ne le peuvent pas en raison des conditions de travail. »

Moira MacDonald est une journaliste spécialisée dans les questions d’éducation. Elle travaille comme assistante à l’enseignement à l’école de journalisme de l’Université Ryerson depuis trois ans.

Rédigé par
Moira MacDonald
Moira MacDonald est journaliste à Toronto.
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  1. Andrés Abanto / 9 janvier 2013 à 11:32

    Très intéressant votre publication. Félicitations. Est-ce que vous avez des données du cas de Québec.

    Voici par exemple la publication de « Le devoir » :

    http://www.ledevoir.com/societe/education/10461/charges-de-cours-precaires-de-tous-les-pays-unissez-vous

    Merci,

    Andrés Abanto

  2. Marie Thérèse Atséna / 9 janvier 2013 à 12:57

    Bien reçu ce matin, et bravo pour le sujet!

  3. Fontaine, Gilles / 9 janvier 2013 à 12:59

    Au Québec, c’est plus de 50% des cours qui le sont par des chargés de cours au 1er cycle et 20% au 2e et 3e cycle.

    À l’Université Laval, Québec, c’est près de 40% des cours donné par les 1905 chargés de cours. Aux session d’automne et d’hiver nous sommes près de 900 chargés de cours sous contrats à chacune des sessions et plus de 400 pendant les sessions d’été. La masse salariale est de plus de 31 millions.

  4. Marie Thérèse Atséna / 9 janvier 2013 à 13:09

    Je suis chargée de cours au département d’anthropologie de l’université Laval, et j’avoue que la charge de travail est surabondante en tant que chargé de cours,mais je fais certainement partie de l’infime portion des chargé(e)s de cours qui peuvent affirmer que leur département les a très bien traités. J’ai été malade pendant plus d’une semaine pendant la période de correction des examens, et ai reçu une ressource supplémentaire pour m’aider dans les corrections.

  5. Paul Cadrin / 9 janvier 2013 à 14:28

    Je pense que la syndicalisation séparée des chargés de cours et des professeurs, au Québec, est un boulet qui nuit grandement à la qualité de la formation universitaire. En ayant ainsi des associations distinctes, on met ces groupes en opposition et en concurrence, au lieu d’être les collaborateurs qu’ils devraient être. Toute réforme pédagogique envisagée par les professeurs se heurte à la difficulté d’y associer les chargés de cours qui assurent une partie importante de l’enseignement. Ceux-ci exigent, à bon droit, d’être payés pour les heures de réunion en comités et pour les travaux supplémentaires que ces réformes exigeraient, alors que, pour les professeurs, ça fait partie de leur charge de travail. Souvent, en raison de leur statut précaire, les chargés de cours doivent assumer d’autres obligations à l’extérieur de l’Université, ce qui les rend peu disponibles pour participer à la vie de leur département. Par ailleurs, je ne connais pas de syndicat de chargé de cours qui travaille activement à promouvoir l’accès de ses membres aux postes de professeurs pour lesquels ils seraient qualifiés. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce serait bien servir l’intérêt de leurs membres que de favoriser ainsi leur promotion et, par conséquent, leur départ du syndicat! Cette situation étrange n’existerait pas si tous ceux qui assurent l’enseignement faisaient partie du même regroupement professionnel, dans des classes distinctes avec des conditions de travail appropriées, bien sûr.

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