Les haches croisées parlent d’elles-mêmes. « Notre université est litté-ralement taillée dans le bois », explique Scott Roberts, directeur général des communications et du marketing à l’Université Acadia, fondée en 1838 à Wolfville, en Nouvelle-Écosse. M. Roberts décrit les armoiries d’Acadia. L’exemplaire original trône sur son bureau dans un majestueux boîtier rouge. Les têtes de loup sont un clin d’œil à l’emplacement de l’Université, tandis que les livres ouverts illustrent la passion d’apprendre. La devise en latin, In pulvere vincas – « Dans la poussière tu vaincras » – rend hommage aux pionniers qui ont fondé l’établissement. « Les armoiries représentent les principes fondateurs de l’Université, qui correspondent très bien à ce qu’elle est aujourd’hui », ajoute M. Roberts.
À l’instar d’Acadia, de nombreuses universités canadiennes – 60, pour être exact – possèdent des armoiries. De vieux établissements, comme les universités McGill et de Toronto, articulent leur image de marque autour d’elles depuis des décennies. Certaines universités préfèrent s’afficher avec un logo plus moderne, ce qui fait sourciller les amoureux des traditions.
« J’aime qu’on utilise les armoiries, affirme le Canadien Jonathan Good, professeur agrégé d’histoire à l’Université Reinhardt, située à Waleska, en Géorgie. Elles gardent la tradition occidentale vivante. Elles sont élégantes, et il y a moyen de les garder actuelles. »
L’Université McMaster a rafraîchi ses armoiries en 1997 en optant pour un bouclier aux lignes épurées qui rappelle la tradition héraldique, mais qui est plus facile à reproduire en format papier et électronique.
« C’est un excellent compromis », estime M. Good. Les armoiries originales, dessinées en 1930, comportent des livres et des feuilles d’érable, ainsi qu’un cerf et un chêne, les symboles personnels du fondateur de l’établissement, le sénateur William McMaster. L’Université utilise également un logo facile à reconnaître, et réserve l’utilisation des armoiries au chancelier et au bureau du recteur, pour les diplômes et autres documents d’importance.
L’Université de Sherbrooke a également entrepris un long processus de rafraîchissement de ses armoiries créées en 1957. Celles-ci ont été modi-fiées une première fois en 2004 à l’occasion du 50e anniversaire de l’établissement, puis encore en 2007. Cette fois, toute l’Université a participé au remue-méninges qui a mené à la création du modèle retenu. La nouvelle version est si populaire que certains anciens choisissent de payer pour faire réimprimer leur diplôme. Les ventes d’insignes brodées ont également grimpé, constate Jocelyne Faucher, secrétaire générale, vice-rectrice aux relations internationales et vice-rectrice à la vie étudiante.
Les armoiries intègrent de nombreux symboles et sont divisées en quatre pour représenter chacun des cantons de l’Est du Québec et on y retrouve : la croix et la fleur de lys pour illustrer les origines catholiques et françaises des fondateurs de l’établissement; la fleur emblématique de la ville de Sherbrooke; le hibou blanc symbole de sagesse; les renards à dextre et à senestre représentent « l’intelligence, la finesse, la vivacité et la vitesse » explique Mme Faucher. La devise latine Veritatem in Charitate signifie « La vérité dans la charité ».
Pour créer ou moderniser ses armoiries, une université doit consulter l’Autorité héraldique du Canada, qui relève du Bureau du secrétaire du gouverneur général, promenade Sussex, à Ottawa. À la fois bureau administratif et atelier d’artiste, l’Autorité reçoit toutes les demandes canadiennes de création d’armoiries et les soumet à Claire Boudreau, Héraut d’armes du Canada, et à son équipe de hérauts et de concepteurs. Ceux-ci aident les demandeurs à choisir des emblèmes appropriés pour créer un symbole protocolaire tout à fait unique. En suivant des protocoles anciens et en mettant à profit les connaissances et le talent des hérauts et des artistes, les personnes et les établissements évitent de créer des armoiries de mauvais goût ou inappropriées.
Le caractère formel de l’exercice ne signifie pas qu’il est figé dans le temps, font valoir les adeptes des armoiries. « S’il est perçu comme vieux jeu d’avoir des armoiries, nous voulons changer cette perception, explique Bruce Patterson, Héraut d’armes adjoint au service de l’Autorité depuis 2000. Les armoiries d’aujourd’hui, ajoute-t-il, témoignent de l’immense diversité culturelle du Canada, et certaines intègrent même des symboles des Premières Nations. Celles de l’Université Laurentienne, par exemple, présentent des aigles peints selon l’art autochtone des Woodlands, et l’Université Emily Carr d’art et de design a choisi des corbeaux et une fusaïole des Salishes de la côte.
« Nous jouons beaucoup sur les métaphores, explique M. Patterson au sujet du rôle de l’Autorité héraldique du Canada. Le processus de conception et d’attribution fait appel à la tradition et à l’innovation. »
Le journaliste indépendant Mark Cardwell a contribué à cet article.