Cet article est un sommaire de l’article « Gut science is radically changing what we know of the human body ».
Le succès du best-seller de Brett Finlay et Marie-Claire Arrieta, Let Them Eat Dirt : Saving Your Child from an Oversanitized World (Laissez vos enfants goûter à de la terre et luttez contre l’aseptisation), démontre l’intérêt croissant du public pour l’importance de la vie microbiologique dans les intestins humains (le microbiome intestinal) et son influence sur la santé. M. Finlay, professeur de microbiologie à l’Université de la Colombie-Britannique, et Mme Arrieta, professeure adjointe en physiologie et pharmacologie à l’Université de Calgary, expliquent dans l’introduction de leur ouvrage : « C’était un champ d’intérêt si nouveau qu’il n’existait aucune source d’information pour les parents qui souhaitaient en apprendre plus. »
L’incidence des allergies alimentaires, de l’asthme et de l’obésité a considérablement augmenté lors des deux dernières décennies au Canada et un peu partout en occident. En outre, le Canada affiche l’incidence la plus élevée de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) et de côlon irritable au monde. Nombreux sont ceux qui soupçonnent la relation symbiotique entre le microbiome intestinal et le système immunitaire d’être responsable de cette tendance inquiétante. Plus important encore, la recherche indique que de nouveaux traitements préventifs pourraient aider à contrer non seulement les maladies digestives, mais aussi des problèmes comme le diabète, l’asthme, et même l’autisme et les troubles de santé mentale.
Bien que l’intérêt pour les bactéries, virus, protozoaires et champignons résidant dans nos intestins soit plutôt récent, les chercheurs canadiens travaillent depuis plus d’une décennie à tenter de comprendre ce que certains décrivent comme un nouvel organe humain. Les investissements dans le domaine sont montés en flèche dans les dernières années. Des millions de dollars sont consacrés au financement de réseaux, de chaires de recherche et de chercheurs individuels, et la majorité du financement est coordonnée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).
Marc Ouellette est le directeur scientifique de l’Institut des maladies infectieuses et immunitaires des IRSC et l’un des deux directeurs (avec Philip Sherman de l’Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète) qui supervisent la recherche sur le microbiome intestinal au sein de l’organisme subventionnaire. Présentes en grand nombre – principalement dans les intestins, mais aussi dans tout le corps –, les bactéries contribuent à la digestion et à d’autres fonctions liées au système immunitaire. Cependant, ce qu’on ne sait que depuis tout récemment, indique M. Ouellette, c’est que le microbiome est associé au développement de presque toutes les maladies. « Il y a aussi, dit-il, un lien évident entre le microbiome et une partie de ce qui se passe dans notre cerveau. »
Au Canada, un des plus importants projets de recherche concertée actuels sur le microbiome intestinal regroupe 17 centres et 75 chercheurs et jouit d’un financement de près de 12,5 millions de dollars. Le réseau IMAGINE (pour Inflammation, Microbiome and Alimentation: Gastro-Intestinal and Neuropsychiatric Effects) a été lancé au printemps 2016 et est financé par les IRSC. Réunissant des chercheurs de partout au Canada, il étudiera les bactéries intestinales et comparera le régime alimentaire des personnes atteintes de MICI et du côlon irritable à celui des personnes en santé.
« Nous sommes unis dans le but commun de comprendre comment le régime alimentaire et le microbiome interagissent pour causer les maladies gastro-intestinales… et les comorbidités psychiatriques qui y sont associées, explique Paul Moayyedi, codirigeant du réseau IMAGINE et directeur du département de gastroentérologie de l’école de médecine de l’Université McMaster. C’est loin d’être une mince affaire vu les milliers d’organismes qui existent. La plupart n’ont même jamais été caractérisés. C’est infiniment plus laborieux que de chercher une aiguille dans une botte de foin. »
Les chercheurs canadiens participent aussi à des travaux de recherche internationaux sur le microbiome intestinal. Le Canada attire également des chercheurs étrangers. L’été dernier, l’Université Laval a décerné la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur l’axe microbiome-endocannabinoïdome dans la santé métabolique assortie d’un financement de 10 millions de dollars à l’expert en chimie biomoléculaire italien Vincenzo Di Marzo.
Aussi repoussant que cela puisse paraître, la transplantation fécale a démontré être le traitement le plus efficace pour le microbiome intestinal. En administrant des échantillons fécaux de personnes en santé à des victimes de la bactérie Clostridium difficile, on a réussi à la remplacer par des bactéries saines et à éradiquer une infection qui est potentiellement mortelle. « C’était la première grande réussite », indique M.Ouellette. La transplantation fécale s’est aussi avérée efficace dans certains cas de colite ulcéreuse et d’obésité.
Au sujet du succès du livre Let Them Eat Dirt, M. Finlay explique : « Les conditions étaient propices. Si je l’avais écrit il y a cinq ans, personne ne l’aurait lu. Dans cinq ans, 50 autres livres seront parus sur le sujet. » Ayant travaillé plus d’une décennie dans le domaine, M. Finlay affirme être heureux que le milieu scientifique commence à reconnaître l’importance du microbiome intestinal et sa pertinence dans plusieurs champs de la médecine, ainsi qu’à financer les travaux sur le sujet. « Le moment y est maintenant propice. »