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Les universités travaillent à rendre leurs campus plus accueillants pour les personnes transgenres

Répondre aux préoccupations des transgenres constitue peut-être le dernier défi de notre époque en matière de droits de la personne.

par PAUL GESSELL | 10 SEP 14

En recherche d’une université, Bridget Liang, de Hamilton en Ontario, a finalement opté pour l’Université York, en partie en raison de l’existence sur son campus de nombreuses toilettes unisexes. Mme Liang est une femme transgenre. Pour les personnes comme elles, les vastes toilettes publiques peuvent être des lieux terrifiants où les brutes jettent des regards salaces, balancent des remarques, voire frappent. « Les salles de bain privées règlent le problème », explique-t-elle.

Spécialiste mondialement réputé des problématiques transgenres, Aaron Devor abonde : « Les toilettes publiques ne sont pas sûres », affirme cet homme transgenre, à la fois fondateur et directeur des Transgender Archives de l’Université de Victoria et professeur de sociologie au sein de cet établissement.

Mme Liang ne regrette nullement d’avoir opté pour l’Université York, où elle poursuit une maîtrise en études sur les handicaps d’un point de vue critique. Si cet établissement est considéré comme précurseur en ce qui a trait aux problématiques transgenres, beaucoup d’autres universités canadiennes travaillent elles aussi à rendre leurs campus plus accueillants pour les étudiants, les professeurs et les membres du personnel transgenres.

Nombre d’entre elles organisent notamment des ateliers destinés à sensibiliser le corps professoral, le personnel et les dirigeants étudiants aux besoins des personnes transgenres. On tente également de modifier les listes d’étudiants, les relevés de notes et d’autres documents afin qu’ils fassent état des noms et genres privilégiés par les étudiants transgenres. Les offres d’emplois sur les campus incitent par ailleurs les personnes transgenres à postuler. L’Université York aide même financièrement certains de ses employés syndiqués à acquitter une partie de leurs frais médicaux liés à leur changement de sexe.

Les militants estiment que la situation des personnes transgenres sur les campus canadiens s’améliore. L’Université de la Saskatchewan est par exemple devenue en mars le dernier établissement à ce jour à interdire la discrimination fondée sur le genre, l’expression du genre ou la « bispiritualité » (terme parfois employé par la communauté LGBTQ des Premières nations). « Les choses sont en bonne voie, dit M. Devor, mais il faut rester réalistes : beaucoup reste à faire. »

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Au Canada, les droits des personnes transgenres évoluent comme, précédemment, ceux des personnes homosexuelles. Jusqu’en 1969, les rapports homosexuels étaient illégaux au pays. Aujourd’hui, le mariage entre personnes de même sexe est admis. L’Ontario, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont modifié leurs lois sur les droits de la personne pour interdire la discrimination fondée sur l’« identité de genre » ou la « préférence de genre ». Les commissions scolaires d’Edmonton, de Toronto et de Vancouver ont modifié leurs politiques pour accueillir adéquatement les élèves transgenres.

Il n’existe pas de statistiques officielles concernant le nombre de personnes transgenres au sein des universités ou de l’ensemble de la population. M. Devor précise toutefois que, selon la meilleure étude sur le sujet, elles représenteraient entre 0,5 et 1 pour cent de la population canadienne; leur nombre serait donc considérablement supérieur à celui estimé par certaines études antérieures, soit une sur 10 000 à peine.

Le terme « transgenre » désigne tout à la fois les personnes qui ont changé de sexe par chirurgie, celles qui sont en voie de transition vers un nouveau genre, et celles qui choisissent simplement de porter des vêtements et des noms associés au sexe opposé à celui qui était le leur à la naissance sans avoir recours à quelque chirurgie ou traitement médical que ce soit.

Les étudiants qui changent de genre et de nom pendant leur parcours au sein d’une université tout en conservant le nom légal qui était le leur au moment de leur inscription peuvent se heurter à des problèmes administratifs. Les professeurs transgenres aussi, comme l’illustre l’expérience vécue par Bobby Noble. Professeur adjoint de sexualité et d’études du genre à la School of Gender, Sexuality and Women’s Studies de l’Université York, cet homme transgenre a eu maille à partir avec le responsable de l’attribution des avantages sociaux de l’établissement : ne pouvant concevoir que M. Noble ait touché des avantages sociaux sous un nom et un genre différents, il exigeait de lui un certificat de mariage prouvant qu’il avait épousé la femme qu’il était auparavant! « Ça a duré deux ans, pour chaque demande d’avantages sociaux, même après que j’ai indiqué par écrit avoir légalement changé de sexe et non m’être marié. »

Rien ne désavantage plus les personnes transgenres que leur peur constante d’être agressées. Si les cas de violence physique à l’encontre des étudiants transgenres sont relativement peu nombreux sur les campus, les agressions verbales et les insultes y sont hélas beaucoup plus fréquentes selon les responsables des droits de la personne. Or, ces agressions verbales peuvent terroriser et démoraliser les étudiants victimes, en plus de leur donner la sensation d’évoluer dans un environnement hostile.

Les professeurs transgenres font également état de taux d’abandon des études élevés chez les étudiants transgenres, à l’université comme au secondaire. Le chômage et le sous-emploi sont également endémiques parmi ces personnes.

Rédigé par
Paul Gessell
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