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L’expérience étudiante cet automne
: le récit de deux Ivan

Un vice-provost aux affaires étudiantes et un étudiant de première année discutent de l’expérience étudiante en temps de pandémie.
par IVAN JOSEPH & IVAN JOSEPH
09 SEP 20

L’expérience étudiante cet automne
: le récit de deux Ivan

Un vice-provost aux affaires étudiantes et un étudiant de première année discutent de l’expérience étudiante en temps de pandémie.

par IVAN JOSEPH & IVAN JOSEPH | 09 SEP 20

Il arrive que les vies personnelle et professionnelle se chevauchent de manières intéressantes, comme c’est le cas chez les Joseph. Le père, Ivan Joseph, est vice-provost aux affaires étudiantes à l’Université Dalhousie. Le 1er octobre, il entamera un premier mandat de cinq ans à l’Université Wilfrid Laurier, à titre de vice-recteur aux affaires étudiantes. Son fils, également nommé Ivan Joseph, est étudiant de première année en génie à l’Université Western. Il a choisi de vivre en résidence sur le campus. Récemment, les deux Ivan ont pris un moment pour discuter de l’expérience qui attend les étudiants sur les campus et à l’extérieur de ceux-ci. Voici quelques questions auxquelles ils ont répondu pendant leur échange.

Comment as-tu vécu l’approche de septembre?

 

Ivan, vice-provost : Chaque université essaie de trouver l’équilibre entre les impératifs de santé et de sécurité et ce que les étudiants veulent, à savoir une expérience universitaire exceptionnelle. Nous essayons de trouver le moyen de leur procurer cette expérience, mais en ligne. En attendant, de nombreuses universités ont décidé d’accueillir de petits nombres d’étudiants sur leurs campus, ce qui suscite de l’inquiétude.

Personne d’entre nous ne veut faire courir de risques aux étudiants ou vivre ce qui s’est passé en Caroline du Nord, où les étudiants ont dû être renvoyés chez eux une semaine après la rentrée. Nous essayons de parvenir à un équilibre sans savoir exactement comment nous y prendre.

Ivan, étudiant : Pile au moment d’entamer la meilleure période de nos études secondaires, lorsqu’on est admis à l’université et qu’on peut passer du temps avec nos amis, on a été contraints de rester à la maison. La quarantaine nous a privés des événements qui marquent normalement cette étape de la vie, comme la cérémonie de remise des diplômes et le bal des finissants. Et maintenant, on est privé de l’expérience habituelle des étudiants de première année.

Cette étape importante vers l’autonomie est constamment repoussée. C’est comme s’il n’y avait pas de lumière au bout du tunnel. Je pense que l’on comprend tous ce qui se passe, mais c’est difficile de faire face à tant d’incertitude, de voir que ce qu’on a tellement attendu est remis aux calendes grecques.

Quelles sont tes priorités liées à l’expérience étudiante cette année?

 

Ivan, étudiant : Chaque étudiant a sa réussite à cœur, mais il s’agit davantage d’un objectif à long terme. Je pense que la principale priorité des étudiants de première année est d’échanger avec de nouvelles personnes. La première année est normalement une étape unique de la vie, un moment où on côtoie des gens de notre âge, tous nouveaux. Une période où on peut sortir, trouver sa tribu, jeter les bases de notre parcours universitaire. On craint d’être privé de ça, et si c’est le cas, on ne pourra jamais le vivre. Comment trouver sa place dans une communauté en suivant des cours en ligne? Comment entrer véritablement en communication à deux mètres de distance, avec des gens dont le sourire est masqué?

Je crois que les étudiants de première année espèrent avoir quand même des occasions d’échanger normalement et spontanément avec des personnes nouvelles. Personnellement, c’est vraiment ce qui m’a poussé à vouloir vivre sur le campus.

Ivan, vice-provost : Ce sont les étudiants qui contribuent au dynamisme du milieu universitaire. Mais comment insuffler un sentiment de communauté aux campus quand les salons des résidences, les sièges ou les tribunes sont déserts? Et comment permettre aux quelques étudiants présents sur le campus de se côtoyer en toute sécurité?

Il ne s’agit pas seulement de procurer une expérience formidable aux étudiants. Si on ne les aide pas à communiquer les uns avec les autres, leur motivation sera compromise. Ça réduira les taux de maintien aux études et de persévérance, accentuera le décrochage, ce qui n’est bon ni pour les étudiants ni pour les universités.

Pour les équipes des affaires étudiantes, c’est comme marcher sur un fil au-dessus d’un gouffre. Nous mettons en place des protocoles et des processus pour protéger la santé des membres du milieu universitaire, tout en tentant de créer un sentiment d’appartenance. Je n’ai jamais été face à un défi pareil.

Que pensent les étudiants des mesures de santé et sécurité instaurées?

 

Ivan, vice-provost : Les universités ont émis des directives visant à assurer la sécurité de chacun, comme porter un masque dans les espaces publics, rester à deux mètres des autres, éviter les rassemblements. Il faut faire comprendre aux étudiants que la vie sur le campus ne sera pas comme ils l’avaient imaginée et insister sur le fait que ces directives visent à assurer leur sécurité. Même si ça leur semblera sûrement très paternaliste et autoritaire.

Ivan, étudiant : Si, la première fois où tu vis sans tes parents, on te dit dès le départ qu’il n’est pas question de faire sauter les verrous, c’est difficile de se plier à toutes les règles. On sait tous que ce virus est mortel. Et nous sommes conscients que nous n’en sommes pas les victimes – des gens ont perdu leur maison et leur emploi à cause de lui. Mais nous aussi on a perdu quelque chose.

On ne veut pas s’apitoyer sur le fait qu’on a été privé d’une expérience. On veut se réjouir des expériences uniques qui nous attendent. Si les mesures instaurées sont raisonnables et qu’elles nous laissent des occasions d’interagir, ça nous aidera à aller de l’avant.

Qu’est-ce qui te vient en tête quand tu penses à la santé mentale et au bien-être des étudiants en temps de pandémie?

 

Ivan, vice-provost : Les universités ont consacré beaucoup de temps à cette question. Nous savons que vivre dans l’isolement sans interactions dignes de ce nom est problématique. Nous savons que les étudiants ont besoin d’activités et d’échanges hors de la classe. Nous ne pouvons pas simplement leur dire : « Bon, ceux d’entre vous qui vivent ici sur le campus doivent rester dans leur chambre et assis devant leur ordinateur, du matin au soir. »

Il faut aussi garder en tête que toute une population étudiante est confinée, vit son expérience universitaire dans son sous-sol ou à sa table de cuisine. Comment lui offrir des occasions d’échanger avec des gens aux valeurs et intérêts semblables, mais dispersés à l’échelle de la province, du pays ou même du monde? De tels échanges ne sont pas seulement agréables. Ils sont essentiels au bien-être des étudiants.

Ivan, étudiant : Pour ceux d’entre nous qui ont choisi de vivre sur le campus, les restrictions liées à la pandémie soulèvent de nouvelles questions. Plutôt que de se demander pourquoi on n’arrive pas à s’intégrer, on se demande : « Est-ce que je vais pouvoir rencontrer des gens? Qu’est-ce qui se passera si je me trompe en choisissant les 10 personnes admises dans ma bulle sociale, si aucune ne me plaît finalement? Qu’est-ce que je ferai alors? » Avec la distanciation sociale et les autres obstacles, impossible d’aller normalement à la rencontre de nouvelles personnes. Je pense que c’est une grosse source de stress en ce moment.

Qu’est-ce que les administrateurs universitaires doivent garder à l’esprit?

 

Ivan, étudiant : Je pense qu’ils doivent offrir aux étudiants une expérience à l’image de leur établissement. D’après ce que je sais, beaucoup d’établissements se retranchent derrière des propos ambigus. Par exemple : « On va vous accorder le plus de liberté possible, mais dans le respect des lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé. » Pour toute personne raisonnable en position d’autorité, ce genre de propos est parfaitement sensé.

Mais il faut comprendre que les étudiants ne se sont pas inscrits à l’Université de l’OMS. Ils se sont inscrits à l’Université Dalhousie, à l’Université de Waterloo, à l’Université Western ou à l’Université St. Francis Xavier. Chaque étudiant a choisi son établissement pour une raison précise. Je pense que les étudiants attendent de leur établissement qu’il leur dise : « Voilà qui on est, et on va faire les choses à notre manière. »

Ivan, vice-provost : C’est une période où les administrateurs et leurs équipes se doivent encore plus d’adopter une démarche globale et de prendre en compte tous les aspects du développement des étudiants. J’entends bien la question que posent Ivan et les autres étudiants : « Comment faire pour forger des liens? » Il faut que les administrateurs s’attendent à ce que les étudiants pataugent ou fassent des erreurs. Ceux d’entre nous qui supervisent l’expérience des étudiants ne doivent pas les condamner dès le premier faux pas. Ils doivent faire preuve d’indulgence, de compassion et de compréhension.

Quel est le principal message que tu aimerais adresser?

 

Ivan, vice-provost : Que nous vivons un moment où les universités doivent plus que jamais aller à la rencontre des étudiants, où qu’ils soient. Nous devons le faire avec le concours des étudiants, pas seulement en élaborant des politiques et en attendant d’eux qu’ils les respectent.

Ivan, étudiant : En tant qu’étudiant de première année, je veux lancer un appel : « Travaillons ensemble à établir des lignes directrices raisonnables qui rendent la vie en collectivité possible, mais sans danger. »

Rédigé par
Ivan Joseph & Ivan Joseph
Ivan Joseph est vice-provost aux affaires étudiantes à l’Université Dalhousie. Son fils est étudiant de première année en génie à l’Université Western.
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