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Lutte contre les maladies tropicales négligées

On dit qu’elles sont négligées, parce qu’on leur accorde très peu d’attention dans les pays industrialisés, où elles sont inexistantes ou depuis longtemps disparues.

par DIANA SWIFT | 06 DÉC 10

Certaines portent des noms étranges, comme le pian, la fièvre Dum-Dum ou la cécité des rivières. D’autres, comme la lèpre, sont mieux connues. Toutes ces maladies ont un point en commun : elles appartiennent à la famille des maladies tropicales négligées (MTN), des infections chroniques qui causent des incapacités et des retards de développement graves chez plus d’un milliard de personnes, surtout parmi les populations les plus pauvres de la planète.

Endémiques en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les îles du Pacifique, ces infections sont causées par des bactéries, des virus, des vers et des protozoaires. On dit qu’elles sont négligées, parce qu’on leur accorde très peu d’attention dans les pays industrialisés, où elles sont inexistantes ou depuis longtemps disparues. Certaines peuvent être traitées, d’autres demeurent à ce jour incurables.

Ces maladies se combinent souvent entre elles ou avec une des trois grandes maladies mortelles – le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose – pour affaiblir le système immunitaire et provoquer une mort prématurée. Elles entraînent d’immenses coûts pour les pays en développement sous forme de réduction de la qualité de vie et de perte de productivité, mais les fonds consacrés à leur éradication sont négligeables comparativement au nombre de personnes atteintes.

Il y a toutefois de l’espoir. Au Canada et dans d’autres pays industrialisés, un nombre restreint mais croissant de chercheurs tentent actuellement de maîtriser ou d’éradiquer ces maladies infectieuses, motivés par la quantité de personnes démunies qui en sont atteintes. Les gouvernements des pays occidentaux et les compagnies pharmaceutiques sont également de plus en plus conscients de leur responsabilité de fournir des médicaments abordables. Au cours de la dernière décennie, des groupes ont uni leurs forces pour élaborer des plans stratégiques en santé mondiale, et les grands fabricants de médicaments se sont engagés à donner des médicaments ou à financer la recherche afin de faire disparaître ces fléaux.

Selon Kishor Wasan, professeur de sciences pharmaceutiques à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), deux événements marquants ont contribué à mieux faire connaître les MTN. Médecins sans frontières a remporté le Prix Nobel de la paix en 1999 pour ses travaux relatifs aux MTN, et la Fondation Bill et Melinda Gates a été créée en 2000.

Depuis une dizaine d’années, de nombreux centres d’études ont créé des programmes de recherche en santé mondiale. La Neglected Global Diseases Initiative de la UBC, qui reçoit du financement de diverses sources, en est un bon exemple. Le M. Wasan travaille à la mise au point d’une version orale et abordable de l’amphotéricine B afin de combattre la leishmaniose viscérale (familièrement appelée fièvre Dum-Dum). Causée par de minuscules protozoaires unicellulaires transmis par le phlébotome femelle, la leishmaniose viscérale est la deuxième maladie parasitaire mortelle en importance dans le monde après le paludisme et frappe quelque 500 000 personnes chaque année. Si elle n’est pas traitée, elle peut entraîner la mort.

Le traitement à l’amphotéricine B est administré par voie intraveineuse et coûte très cher. Une version orale plus abordable faciliterait donc grandement le traitement de la leishmaniose viscérale. La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a récemment accordé à l’amphotéricine B le statut de « médicament orphelin », ce qui donne droit à des mesures incitatives, comme des crédits d’impôt, des fonds pour les essais cliniques et sept ans d’exclusivité. Selon le M. Wasan, l’approbation de la FDA « est un énorme pas en avant. Nous réussirons à produire ce médicament à moindre coût ».

À l’autre bout du pays, Barbara Papadopoulou, biologiste moléculaire à l’Université Laval, s’intéresse également à la leishmaniose viscérale, mais d’un point de vue différent. En effet, ses travaux portent sur le parasite plutôt que sur l’hôte. Son groupe a découvert récemment un mécanisme régulateur de plusieurs gènes chez le parasite. « Notre objectif est de concevoir un médicament à cibles multiples, car ce mécanisme influe sur différents gènes, ce qui multiplie les chances d’éliminer le parasite. »

Brian Ward, chef de l’unité des maladies infectieuses au Centre universitaire de santé McGill, a recours à une nouvelle technologie pour trouver les indicateurs pronostiques et diagnostiques de certaines MTN, dont la maladie de Chagas, la dengue et la bilharziose, une grave infection transmise par le ver plat qui s’attaque à des organes vitaux comme le foie. Pour de nombreuses MTN, les tests diagnostiques et pronostiques sont de piètre qualité, et les personnes infectées obtiennent parfois un résultat positif même après avoir été soignées. Son équipe travaille donc à la conception de tests qui permettront de savoir avec certitude si la personne est guérie ou réinfectée et si la maladie progresse, ce qui permettrait d’éviter de donner des traitements toxiques inutiles à certains patients.

Malgré une prise de conscience grandissante à l’échelle mondiale et un soutien accru au traitement et à la recherche, les progrès sont encore trop lents au goût des chercheurs. « Ces maladies récoltent beaucoup d’attention, mais elles sont encore négligées en ce qui a trait au nombre de dollars investis dans la recherche en proportion du nombre de personnes infectées », conclut M. Wasan, de la UBC.

Rédigé par
Diana Swift
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