Cet article est un sommaire de l’article « Researchers are on the hunt for submerged civilizations off Canada’s coasts ».
C’est bien connu, les archéologues adorent creuser la terre à la recherche d’artéfacts anciens. En cette journée ensoleillée de fin d’été, toutefois, le chercheur Quentin Mackie se trouve loin de la terre ferme, au large de la Colombie-Britannique, à bord d’un navire que Parcs Canada a prêté à des scientifiques. Il cherche les traces d’une civilisation engloutie sous les eaux.
« Nous cherchons des vestiges de barrages de pêche à l’aide du VSA », explique M. Mackie, professeur agrégé d’anthropologie à l’Université de Victoria. Le VSA, ou véhicule sous-marin autonome, est un vaisseau téléguidé submersible hérissé de capteurs en tout genre. Lentement mais sûrement, l’engin jaune en forme de torpille émerge en effet des flots, arborant le sceau de l’Université de Victoria. « Si nous trouvons ce que nous cherchons, dit-il, ce pourrait être l’un des plus anciens sites archéologiques jamais découverts en Amérique. »
Le Canada est souvent considéré comme un pays jeune, mais la réalité est tout autre. Au large du littoral canadien, le plus long du monde, des chercheurs de disciplines diverses découvrent les secrets d’une sorte d’Atlantide nordique, aujourd’hui submergée, où des peuples autochtones auraient vécu pendant des milliers d’années.
Quelques semaines après cette sortie en mer, je rencontre M. Mackie à son bureau pour discuter de ses découvertes. Après m’avoir averti que l’interprétation de tels résultats tient parfois de la « divination », il indique une série de petits points noirs à l’écran. Ce sont des rochers de la taille d’un ballon de basketball posés en ligne droite dans ce qui était jadis le lit d’une rivière. Il est trop tôt pour le confirmer, mais ces indices portent à croire qu’il s’agit d’un très ancien barrage de pêche. Si l’hypothèse se confirme ce sera le plus ancien signe d’habitation humaine au Canada.
« Ça correspond parfaitement à notre modèle, selon lequel la structure est d’origine culturelle, et non naturelle, explique-t-il. Comme elle se trouve à 122 mètres de profondeur, nous savons qu’elle a dû être construite il y a au moins 13 700 ans, avant que cette zone soit submergée. »
Quelques milliers de kilomètres à l’est de là, Joe Boyce cherche également d’anciens sites submergés à l’aide d’un VSA et d’un sonar à balayage latéral. Professeur agrégé à la faculté de géographie et des sciences de la terre de l’Université McMaster, M. Boyce explique que ces instruments peuvent étudier des milliers de kilomètres carrés de terrain en relativement peu de temps, faisant des levés de milieux sous-marins que des plongeurs auraient pris des décennies à cartographier.
Géophysicien de formation, M. Boyce a constaté le potentiel de ces appareils en cartographiant des sites du début de l’âge du bronze en Grèce et en Turquie, l’un des deux grands axes de ses recherches. Le deuxième axe vise l’étude de sites paléoindiens engloutis dans la région des Grands Lacs, en particulier dans le lac Rice, près de Peterborough, en Ontario. Il y a découvert des sites engloutis sous l’eau depuis 12 000 ans, après une montée rapide des eaux. « La nappe glaciaire se retirait à peine. C’était un paysage de toundra arctique, très aride, radicalement différent de ce qu’on voit aujourd’hui. »
Ces travaux sont très enrichissants, mais M. Mackie signale leur coût élevé. Un véhicule sous-marin comme celui qu’il utilise à Haida Gwaii vaut environ 1,5 million de dollars. L’archéologie sous-marine est une discipline des sciences humaines, mais elle exige des budgets aussi importants que ceux des sciences naturelles. « Le financement ne correspond pas à la réalité dans ce domaine. »
Trevor Bell, professeur de géographie à l’Université Memorial, utilise le même type de technologie, ainsi que des plongeurs, pour cartographier une partie du littoral de Terre-Neuve-et-Labrador. Ses travaux ont déjà changé la vision de la préhistoire du Canada : alors que les fouilles terrestres réalisées jusque là faisaient remonter la présence humaine dans la région à environ 5 000 ans, ses recherches sous-marines prouvent que d’anciens peuples archaïques maritimes s’y sont établis il y a près de 10 000 ans.
M. Bell précise que de nombreux sites archéologiques terrestres sont repérés par hasard – en creusant les fondations de nouveaux immeubles, par exemple –, mais que ces découvertes fortuites sont impossibles sous l’eau. Les recherches y seront donc toujours plus longues et coûteuses que sur la terre ferme. En revanche, les applications des fouilles sous-marines dépassent largement le champ de l’archéologie. Selon lui, les données recueillies peuvent notamment servir aux travaux d’exploration des pétrolières ou à la pose de câbles sous-marins par des entreprises technologiques. Les peuples autochtones se servent également des résultats pour explorer leurs origines et leur patrimoine.
Enfin, à l’ère des changements climatiques, l’ensemble de la société peut également tirer profit des découvertes sous-marines, conclut M. Bell. « En poursuivant nos travaux, nous pourrons déterminer comment ces peuples anciens se sont ajustés à la montée rapide des eaux – comment ils ont réagi culturellement. Des réalités qui sont actuellement emprisonnées dans les profondeurs. »