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Semestres ou trimestres

Choisir le système le plus adéquat pour son établissement peut être compliqué, car il y a des arguments en faveur des deux.

par TIM JOHNSON | 12 OCT 10

Sans être au cœur de l’actualité du moment, le calendrier universitaire fait l’objet de discussions depuis la publication, en avril dernier dans le Edmonton Journal, d’une lettre d’opinion signée par deux professeurs émérites de l’École de gestion de l’Université de l’Alberta : Allan Warrack et Ross Denham.

Aujourd’hui à la retraite, les deux professeurs affirment que le temps est venu pour l’Université de l’Alberta d’opter pour un calendrier trimestriel. Cela, estiment-ils, contribuerait à améliorer la qualité de l’enseignement tout en assurant un meilleur usage du temps, des installations et des ressources. Le moment leur a semblé propice pour lancer le débat, compte tenu du climat économique.

« En période difficile, les gens sont plus ouverts à la nouveauté et au changement, explique M. Warrack. Les chances de voir les universités modifier leur calendrier pour gagner en efficacité nous semblent donc supérieures à ce qu’elles sont en temps normal. »

La plupart des universités canadiennes proposent un calendrier semestriel, où l’année se divise en deux périodes d’études, comme l’Université de l’Alberta, alors que d’autres proposent un calendrier trimestriel, où l’année compte trois périodes d’études. (Rares sont les établissements canadiens qui privilégient un calendrier où l’année se divise en quatre périodes, qu’on retrouve surtout aux États-Unis.)

Le calendrier semestriel comporte deux périodes d’études d’environ 15 semaines chacune, qui s’étalent de septembre à décembre et de janvier à avril. Au printemps et en été, les établissements qui privilégient ce calendrier proposent des cours de moindre durée, habituellement de trois ou six semaines. Leurs campus sont donc très paisibles en cette période. Le calendrier trimestriel comporte trois périodes d’études de 13 semaines chacune, légèrement plus courtes que celles du calendrier semestriel. Cette option offre donc une période complète d’études pendant l’été.

M. Warrack souligne que, à part quelques exceptions, les établissements les plus anciens (comme les universités Queen’s et McGill ainsi que celles de Toronto et de l’Alberta) privilégient le calendrier semestriel, alors que de nombreuses universités crées depuis des années 1950 (comme l’Université de Waterloo, l’Université Simon Fraser ou les établissements du réseau des Universités du Québec) préfèrent le calendrier trimestriel. Il ajoute que le calendrier semestriel est issu des nécessités de l’agriculture de jadis, à une époque où les étudiants devaient travailler aux champs pendant l’été.

Selon M. Warrack, il est temps que les établissements les plus anciens renoncent à la tradition et emboîtent le pas aux jeunes universités. « Stratégiquement, cela va de soi et il est de notre devoir de soulever la question. »

L’Université Simon Fraser a franchi le pas et profite aujourd’hui des nombreux avantages de répartir les cours sur toute l’année comme le préconisent MM. Warrack et Denham dans leur lettre d’opinion. Les dortoirs, salles de cours, bibliothèques et autres installations servent toute l’année, et les professeurs et les étudiants jouissent d’une souplesse accrue, comme le souligne le vice-recteur à l’enseignement de l’établissement, Jon Driver. Les professeurs n’ont plus à consacrer leurs vacances d’été à la recherche; un avantage indéniable, particulièrement pour ceux dont les travaux exigent de respecter des délais spécifiques établis tout au long de l’année. Ils peuvent en outre cumuler les périodes d’enseignement successives, de manière à disposer ensuite de longues périodes pour faire de la recherche.

Par ailleurs, le fait de pouvoir répartir leurs cours sur toute l’année permet aux étudiants qui le souhaitent d’étudier pendant l’été, les libérant de ce fait de la course aux emplois d’été. Ceux qui veulent terminer ra-pidement leur programme d’études peuvent même renoncer aux vacances. « Les étudiants ont accès à l’Université toute l’année. Peu importe la saison, toutes les périodes durent 13 semaines », explique M. Driver.

Le réseau des Universités du Québec, dont font partie neuf établissements qui confèrent des grades, n’a pas toujours proposé une année universitaire divisée en trois périodes de même durée. Les étudiants ont pourtant fini par l’exiger, explique Louis Mathier, directeur des études à la TÉLUQ, l’université à distance de l’Université du Québec à Montréal. Ainsi, bien que l’offre de cours en période estivale se soit étoffée depuis sa création il y a une trentaine d’années, elle demeure moindre que celle des trimestres d’automne et d’hiver.

L’ensemble du réseau des Universités du Québec fonctionne selon un calendrier de trois périodes d’études de 15 semaines chacune. La période estivale attire surtout les étudiants étrangers et les adultes qui profitent de leurs vacances ou d’un emploi du temps moins chargé pour suivre des cours, explique M. Mathier. Étudier en été peut également présenter des avantages pour les étudiants réguliers. « Ils peuvent alors couvrir plus vite le programme d’études ou encore reprendre certains cours. »

Feridun Hamdullahpur, recteur par intérim de l’Université de Waterloo, souligne que le trimestre estival est particulièrement adapté au réputé programme coopératif de son établissement. Compte tenu des milliers d’étudiants qui alternent travail et études, l’existence de trois périodes complètes d’études est absolument indispensable. M. Hamdullahpur précise d’ailleurs que, sans ce trimestre supplémentaire, les coûteuses installations de l’établissement seraient surchargées. « Ce calendrier maximise l’utilisation des ressources et assure une meilleure répartition de la clientèle. »

Tout est, en réalité, une question de besoins, précise pour sa part Thomas Scott, vice-recteur et professeur de comptabilité à l’École de gestion de l’Université de l’Alberta, qui s’est personnellement penché sur la question. Il faut qu’il y ait une demande de la part des étudiants : un calendrier trimestriel ne sert à rien s’il ne permet pas d’accueillir un nombre accru d’étudiants et ne fait que répartir les étudiants sur trois périodes.

« Le fait de simplement transférer en été un tiers de la clientèle automnale et un tiers de la clientèle hivernale ne change rien à l’utilisation des installations et n’engendre aucun gain d’efficacité », explique-t-il. Il souligne également que le passage à un calendrier trimestriel doit être en harmonie avec la mission éducative d’un établissement.

Le calendrier trimestriel répond bien aux besoins de l’Université Simon Fraser, car une bonne part de sa clientèle vit en banlieue et travaille à temps partiel. Il convient également très bien aux établissements qui proposent d’importants programmes coopératifs. C’est la raison pour laquelle l’École de gestion de l’Université de l’Alberta commence, timidement, à envisager son adoption. Carl Amrhein, vice-recteur à l’enseignement, doute toutefois que le passage à un calendrier trimestriel soit indiqué pour l’établissement dans son ensemble.

« Si j’avais la preuve que les étudiants réclament une troisième période d’études, de 13 semaines, je me pencherais sérieusement sur la question pour tenter, dans la mesure du possible, de répondre à leur demande. Le hic, c’est que rien n’indique que les étudiants en veulent. »

Les universités qui ont adopté le calendrier trimestriel mettent en garde celles qui songent à le faire : ce calendrier est loin d’être sans défaut. Le cas de l’Université York en témoigne. Dans le cadre de sa mission de justice sociale et d’accès aux études, cet établissement propose un éventail d’options tout au long de l’année, et diverses possibilités d’inscription. Son calendrier, bien qu’il ne soit pas tout à fait également réparti sur toute l’année, est l’un des plus souples au pays.

« Les gens sous-estiment les coûts et les ressources qu’exige la modification d’un calendrier universitaire », prévient Joanne Duklas, registraire et vice-rectrice adjointe à la gestion des inscriptions de l’Université York. Également présidente de l’Association des registraires des universités et collèges du Canada, Mme Duklas souligne que l’ajout d’une période d’études complexifie la planification et alourdit la charge de travail des responsables. Ce travail fait appel à l’énergie des registraires, mais également à celle du personnel d’entretien et de soutien, qui doit passer l’été sur le campus, de même qu’à celle des professeurs, qui doivent continuer à enseigner.

Les cours d’été n’attirent généralement guère les professeurs, habitués à réduire leurs activités en cette période de l’année. « Beaucoup souhaitent passer leurs vacances en famille », explique M. Amrhein, ajoutant que l’Université de l’Alberta possède un corps professoral très jeune. « Dans une ville au climat comme celui d’Edmonton, il est rare qu’un professeur soit ravi de se voir annoncer qu’il pourra prendre ses vacances de janvier à mai, qui plus est, en plein milieu de l’année scolaire de ses enfants », poursuit M. Amrhein.

En outre, le calendrier trimestriel peut donner lieu à une année universitaire très dense. Les examens de mi-parcours et autres travaux se succèdent rapidement, les semaines de lecture sont rares, voire inexistantes, et les périodes consacrées aux examens et aux congés sont très brèves.

Les professeurs qui enseignent selon le calendrier semestriel soulignent souvent qu’ils disposent, de ce fait, de davantage de temps. « Un calendrier trimestriel conduit à des périodes de cours trop brèves, estime Gil Troy, professeur d’histoire à l’Université McGill. D’ailleurs, même avec le calendrier semestriel, elles sont trop courtes, précise-t-il : juste au moment où tout est en place pour aller plus loin, les cours prennent fin. »

Morton Mendelson, vice-principal exécutif adjoint (étude et vie étudiante) à McGill, estime pour sa part que le calendrier semestriel répond aux besoins de son établissement sur le plan de l’enseignement. L’Université propose en effet 39 heures d’enseignement passées avec un professeur, ainsi que des périodes d’examen suffisamment longues pour garantir un temps d’étude maximal tout en minimisant la possibilité de conflits d’horaire et la tenue d’examens en soirée. Comme près de la moitié des étudiants de l’établissement viennent de l’étranger ou d’autres provinces, M. Mendelson estime que McGill se doit de « bien réfléchir aux conséquences d’un changement de calendrier ».

En somme, même si certains peuvent être tentés de taxer d’inertie les universités qui persistent à maintenir le calendrier semestriel, il semble qu’il demeure parfois le plus approprié. Il est important que les universités puissent changer de calendrier si elles le souhaitent, mais uniquement une fois convaincues que ce sera pour le mieux. « Il faut que l’amélioration engendrée soit globale, conclut M. Scott, de l’Université de l’Alberta. Changer de calendrier uniquement pour garantir l’occupation des salles de cours n’a pas de sens. »

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Tim Johnson
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