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Une odyssée de l’espace

Les 60 ans d’excellence du Canada en aérospatiale.

par TIM JOHNSON | 13 JUIN 11

Le 13 avril 1970, la secrétaire de l’Institut d’études aérospatiales de l’Université de Toronto reçoit un appel en provenance de Houston, au Texas. Le centre de contrôle de la mission Apollo 13 de la NASA l’informe que la navette est en difficulté et qu’il a besoin de l’aide d’experts.

« Un groupe de professeurs, en réunion à ce moment-là, se mettent à faire des calculs », se rappelle David Zingg, directeur du réputé Institut, mieux connu sous son acronyme, UTIAS. Les astronautes reviennent sur Terre sains et saufs, en partie grâce à l’expertise de l’équipe de Toronto. « La NASA nous a ensuite remerciés par écrit de notre participation à la mission de sauvetage. Quelle fierté!»

Le Canada est depuis longtemps un joueur important du domaine de la recherche et de l’innovation. « Dans le domaine de l’aérospatiale, le Canada joue dans la cour des grands », affirme Robert Smith, professeur d’histoire à l’Université de l’Alberta et spécialiste de l’exploration spatiale.

Le succès du Canada s’explique par la démarche qu’il a adoptée. Il a en effet ciblé certains créneaux de la recherche aérospatiale, où il est devenu un chef de file. Trois de ces créneaux sont la robotique, les satellites et le droit.

Selon M. Smith, c’est en évaluant quel rôle il pourrait concrètement jouer en matière d’exploration spatiale, vu sa taille restreinte, que le Canada en est venu à cibler la robotique. « À ce jour, la Station spatiale internationale a coûté quelque 100 milliards de dollars. Le Canada ne pourrait tout simplement pas construire sa propre station. »

La plus grande contribution du Canada est sans contredit sa participation au programme de navette spatiale de la NASA en particulier avec le télémanipulateur connu sous le nom de Canadarm. Le « bras canadien » a été construit au milieu des années 1970 par trois entreprises canadiennes (Spar Aerospace Ltd., CAE Inc. et DSMA Atcon), sous la direction du Conseil national de recherches du Canada et grâce à une subvention de 100 millions de dollars du gouvernement fédéral.

Utilisé pour la première fois en 1981 à bord de la navette Columbia (et par la suite à bord de toutes celles qui lui ont succédé), Canadarm est véritablement le bras et la main de la navette. Il permet de déplacer le chargement de la zone d’entreposage à la position de sortie, de lancer des satellites et d’assister les astronautes pendant leurs sorties dans l’espace. Le robot de deuxième génération, Canadarm2, a pour sa part joué un rôle essentiel dans l’assemblage de la Station spatiale internationale et sert aujourd’hui à l’entretien et au déplacement des instruments dans la station, en plus d’appuyer le travail des astronautes dans l’espace.

Peter Hughes, professeur à l’Université de Toronto, est un des créateurs du bras canadien. Il a en effet élaboré les algorithmes dynamiques requis pour la conception des outils de simulation utilisés pour créer Canadarm et ses systèmes de contrôle. Son confrère, Gabriele D’Eleuterio, a collaboré avec lui à la conception de certains éléments robotiques utilisés dans la Station spatiale internationale. M. D’Eleuterio et d’autres chercheurs de l’Université de Toronto poursuivent d’ailleurs ces travaux.

L’Université de Toronto n’est pas la seule université canadienne active dans la conception d’outils robotiques voués à l’exploration spatiale. À l’Université de l’Alberta, le professeur de génie mécanique Carlos Lange participe à la mission de la sonde Phoenix envoyée sur mars en 2007 pour y étudier la présence d’eau. Il s’agit d’une première mission vers une autre planète pour le Canada.

Cette fois, la principale contribution du Canada a pris la forme d’une série d’instruments météorologiques, conçus par des professeurs des universités York, Dalhousie et de l’Alberta, joints au module atterrisseur. Le plus imposant d’entre eux, un appareil de détection et télémétrie par ondes lumineuses LIDAR, a servi à mesurer les nuages et permis de documenter la présence de chutes de neige sur la planète rouge, ce qui constitue une première. Dans le cadre de cette mission, M. Lange a participé à la conception d’un instrument de mesure du vent, le Telltale, et travaille maintenant à l’analyse des données sur la température, la pression et le vent transmises par l’appareil.

Bien ancrée dans l’histoire et la géographie du Canada, la recherche sur les microsatellites compte également parmi les forces du pays en aéro-spatiale. En 1962, le Canada est devenu le troisième pays, après les États-Unis et l’Union soviétique, à mettre un satellite en orbite : Alouette 1. « La taille du Canada et les difficultés liées à l’établissement des communications sur l’ensemble de son territoire ont été des facteurs déterminants », souligne M. Smith.

Bien que les tout premiers satellites canadiens servaient à recueillir des données pour mieux comprendre le phénomène des aurores boréales, ils sont vite devenus des outils de communication avec la création de Telesat Canada en 1969. L’entreprise a depuis mis en orbite des dizaines de satellites, dont le premier, Anik A1, a permis la diffusion de la CBC dans le Grand Nord canadien à compter de 1972.

Le Canada est un chef de file du domaine des microsatellites. L’UTIAS a conçu, construit et mis en orbite de nombreux satellites depuis 2003, dont certains ne sont pas plus gros qu’une boîte de chaussures. Le tout premier a permis de lancer le télescope spatial MOST (pour Microvariability and Oscillations of STars), une petite merveille de la taille d’une mallette exploitée par l’Agence spatiale canadienne. Les données que recueille le télescope sont analysées par Jaymie Matthews, astronome à l’Université de la Colombie Britannique. D’autres microsatellites sont utilisés pour les télécommunications, les mesures atmosphériques et le suivi des bateaux en mer.
Malgré l’importance du rôle de l’UTIAS en matière de recherche sur les satellites, c’est d’abord à Montréal que l’industrie aérospatiale canadienne s’était établie après la Deuxième Guerre mondiale. Forte de la présence d’une industrie de la fabrication aéronautique, Montréal a été choisie par l’Organisation de l’aviation civile internationale en 1944 et par l’Association du transport aérien international un an plus tard pour l’établissement de leur siège social. Lorsque l’Agence spatiale canadienne a été fondée en 1989, le choix de Montréal s’est imposé d’emblée.

Il était alors tout naturel que l’Université McGill fonde l’Institut de droit aérien et spatial (IDAS) en 1951. L’Institut nourrit une autre forme d’innovation en aérospatiale, ses diplômés à la maîtrise et au doctorat travaillant au sein des gouvernements et de l’industrie de 120 pays.

Contrairement à l’image de Far West qu’on projette de lui dans des films comme Star Wars et Star Trek, le cosmos est en réalité un endroit hautement réglementé, comme l’explique Paul Stephen Dempsey, directeur de l’IDAS. L’Institut a joué un rôle déterminant dans l’élaboration des lois et des traités internationaux qui régissent l’espace aérien, ajoute-t-il. Un traité international adopté récemment, qui régit les questions de responsabilité liées aux débris spatiaux, compte parmi les importants travaux des chercheurs de l’Institut.

M. Zingg, de l’Université de Toronto, souhaite que le secteur canadien de l’aérospatiale obtienne enfin le respect qu’il mérite de la part des Canadiens. Il souligne au passage que les dépenses consacrées à l’aérospatiale proportionnellement au PIB sont plus élevées au Canada que presque partout ailleurs. Le Canada possède en outre la cinquième industrie aérospatiale en importance au monde et est un chef de file en robotique spatiale de même qu’en construction de jets commerciaux et passagers, en simulateurs de vols et dans des domaines connexes.

« C’est un succès méconnu de la population, souligne-t-il avec modestie. On sent toutefois depuis quelques temps un nouveau vent d’optimisme et de reconnaissance de l’importance de ce secteur au Canada. »

Rédigé par
Tim Johnson
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