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L’Université Trent réclame son patrimoine des années soixante

L'université tente de sauvegarder sa collection exceptionnelle de meubles.

par LÉO CHARBONNEAU | 11 SEP 13

Avant même que les premiers étudiants s’inscrivent à l’Université Trent en 1964, une équipe de jeunes créateurs avait déjà conçu plus d’une quarantaine de modèles de canapés, de chaises, de tables et de toutes sortes de meubles pour l’établissement naissant. « C’est étonnant que l’Université ait eu dès lors un ensemble complet de meubles entièrement conçus sur mesure (fauteuils, causeuses, canapés, tabourets et tables basses) et variant d’une pièce à l’autre », relate Rob Tuckerman, fabricant de meubles local et ancien de l’Université.

Les meubles étaient de style moderne, semblables à ce qu’on voit dans la télésérie Mad Men, explique M. Tuckerman. « Imaginez des pièces entières ainsi meublées, où chaque morceau était une pièce originale, spécialement créée pour l’Université. »

L’Université comptait plus de 250 meubles fabriqués localement ou dans de petits ateliers de Toronto. L’achat de 433 chaises signées par des créateurs contemporains de renom dont Arne Jacobsen du Danemark, Alvar Aalto de la Finlande, et Harry Bertoia de l’Italie, est ensuite venu compléter le mobilier.

L’Université doit cet héritage en matière de design au célèbre architecte britanno-colombien Ron Thom, embauché à l’époque par le recteur de l’Université Trent, Tom Symons, comme maître d’œuvre de la planification architecturale de l’établissement. M. Thom a conçu les immeubles iconiques, completés en 1966, qui forment le cœur du campus principal de l’Université, dont le Collège Champlain et le Collège Lady Eaton ainsi que la bibliothèque Bata.

Le travail de M. Thom ne se limitait pas aux édifices. « Il se souciait d’offrir un design global (et non seulement de créer des espaces), allant de l’atmosphère générale jusqu’au dernier cendrier », précise M. Tuckerman. Il avait embauché une dizaine de jeunes architectes canadiens pour le seconder. « Au milieu des années 1960, le Canada était à l’avant-garde en matière de design. »

Cinquante ans plus tard, l’héritage de l’Université Trent a subi l’usure du temps et il n’en reste que peu de choses. Déjà en 1989, lors du 25e anniversaire de l’établissement, Bernadine Dodge, qui était alors archiviste, en parlait au passé. « À une époque, l’Université était remplie de meubles d’une grande beauté conçus par des artistes de renommée internationale ». Mme Dodge, qui organisait cette année-là une importante exposition du mobilier original, a avoué l’ampleur de la tâche qu’avait représenté réunir des éléments provenant d’un peu partout sur le campus. « La plupart des meubles ne se trouvaient plus dans leur emplacement original et bon nombre avaient disparu ou étaient endommagés. »

M. Tuckerman peut en témoigner. Au début des années 1990, « j’ai remarqué que beaucoup de meubles se retrouvaient sur le bord du chemin et dans les poubelles, raconte-t-il. J’ai dans mon salon un fauteuil que j’ai récupéré d’une poubelle. Il était encore en très bon état et recouvert du cuir orange si typique des années 1960. Et il est fait de bois de rose! ».

M. Tuckerman ne blâme pas l’Université pour cette négligence. « C’est compréhensible. Son rôle est d’éduquer et non de préserver le patrimoine. »L’Université s’est en outre développée de façon exponentielle au fil des ans, et a dû composer avec les pressions financières que cela comporte. « Lorsque le budget d’entretien est utilisé pour réparer les toits qui coulent et les fenêtres, l’état d’une table design n’est pas au sommet des priorités », avoue M. Tuckerman.

Le récit continue sous le diaporama. Cliquez sur l’image pour commencer.

Le collection mobilier de Trent            Image 1 de 7



Un héritage retrouvé

Tout n’est pas perdu. En vue du 50e anniversaire de l’établissement en 2014, Michael Eamon, principal du Collège Lady Eaton, a mis sur pied un comité chargé d’inventorier les ressources culturelles de l’Université, y compris le mobilier original, dans le but de préserver ce qui en reste. Historien vouant un intérêt particulier au patrimoine bâti, M. Eamon affirme qu’il y a toujours eu des gens intéressés à préserver cet héritage, mais « qu’une participation globale faisait défaut. J’ai pensé qu’il fallait mettre un comité sur pied pour réunir toutes les parties intéressées ».

En outre, afin de créer un fonds spécial du patrimoine pour le 50e anniversaire, M. Tuckerman et son entreprise, Blue Gum Design, en collaboration avec l’association des anciens, fabrique et vend en édition limitée des répliques de deux fauteuils originalement créés pour l’Université Trent. « Je voulais quelque chose qui soit typique de cet héritage, alors j’ai immédiatement pensé aux fauteuils », dit-il.

Les fauteuils Champlain et Rubidge sont des répliques des fauteuils de cuir de style safari qui ornaient le Collège Champlain. Ils se vendront 800 $ chacun et, de ce montant, la somme de 200 $ ira au fond du patrimoine. Cent cinq fauteuils seront fabriqués dans chacun des deux styles pour rappeler le nombre d’inscriptions lors de l’inauguration de l’Université, en 1964.

Au départ, M. Tuckerman fabriquait les fauteuils lui-même, mais il a embauché des artisans locaux pour construire la majeure partie des meubles. « Nous demeurons dans l’esprit original de la fabrication des meubles qui, à l’époque, avait été confiée à des artisans locaux. »

Rédigé par
Léo Charbonneau
En 2000, Léo Charbonneau est entré au service d’Affaires universitaires comme rédacteur principal et a été nommé rédacteur en chef adjoint trois ans plus tard. Il a travaillé 10 années au Medical Post à titre de chef de la rédaction et réviseur de chroniques à Montréal. C’est lui qui a proposé de rédiger le blogue officiel d’Affaires universitaires, En marge, en partie pour se rapprocher du lectorat.
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