Le travail émotionnel, c’est la gestion des émotions dans le contexte de notre rôle. Il peut s’agir de nos propres émotions ou de celles d’une autre personne. Le travail émotionnel n’est pas forcément néfaste, mais il comporte bien des défis.
S’il occupe une place centrale dans les activités des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs, il passe souvent inaperçu, et a des conséquences négatives disproportionnées sur les personnes dont les identités sont marginalisées.
Dans le cadre de mes recherches doctorales sur la politique des études supérieures, j’ai eu l’occasion d’avoir de longs échanges avec des personnes qui étudient ou qui ont étudié au doctorat. Bon nombre d’entre elles m’ont parlé du travail émotionnel qu’elles ont dû assumer.
Soutien des pairs.
Les étudiantes et étudiants tissent des liens solides entre eux qui sont essentiels à leur santé mentale. En plus des bienfaits personnels, ces relations profitent grandement aux établissements. Une personne étudiant au doctorat m’a dit ceci au sujet du mentorat entre pairs : « Les étudiantes et étudiants viennent me voir pour me parler des mêmes craintes et angoisses que j’ai vécues […] Ils me demandent conseil. Je dois revivre mes propres traumatismes associés à certaines de ces expériences tout en tentant de trouver des façons d’aider mes pairs à les gérer. »
Gestion des attentes.
Les étudiantes et étudiants doivent gérer les attentes de leurs superviseures et superviseurs, des membres de comités et d’autres personnes qui ont une incidence sur leur progression. Une personne non binaire m’a décrit le travail émotionnel découlant des interactions avec la personne qui supervisait son travail. Non seulement celle-ci n’utilisait-elle pas le bon pronom, mais elle s’attendait à ce que la personne écrive un article alors qu’elle se remettait d’une chirurgie affirmative du genre.
Perfectionnement professionnel.
Le travail émotionnel est tantôt explicite, tantôt présenté comme une règle non écrite. Lors d’une présentation visant à la préparer pour sa toute première conférence, une étudiante a reçu une question inappropriée de la part d’un membre de l’auditoire. La personne qui la supervisait lui a dit : « Il faut parfois apprendre à serrer les dents. » Qu’il s’agisse d’un bon conseil ou non, c’est un exemple de la manière dont les étudiantes et étudiants apprennent les normes et les attentes en matière de gestion des émotions.
Enseignement.
En tant qu’auxiliaires d’enseignement et enseignantes et enseignants principaux, nous gérons également les émotions en salle de classe. Une étudiante a mentionné avoir changé son ton et son attitude pour avoir l’air plus sympathique. En réfléchissant davantage au caractère sexospécifique de cette façon de faire, elle a ajouté : « Je dissimulais à quel point l’anxiété me rendait malade physiquement. Je m’habillais également d’une certaine manière parce que je ne voulais pas être accusée d’avoir voulu attirer l’attention des hommes […] Les choses sont ainsi faites. »
Bon nombre de professionnelles et professionnels du milieu de l’enseignement supérieur ont à cœur d’améliorer l’expérience des étudiantes et étudiants et de donner à la relève les connaissances et les compétences nécessaires à sa réussite. Comment peut-on aider les étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs à gérer le travail émotionnel?
- Lui donner de la visibilité. Nouez avec les étudiantes et étudiants une conservation continue et réfléchie sur le travail émotionnel. Si vous voyez une personne accomplir du travail émotionnel, dites-lui que vous en êtes consciente ou conscient. Vous pouvez également faire part de votre propre expérience aux étudiantes et étudiants. Vous devrez alors vous montrer vulnérable, mais l’exercice sera profitable pour tout le monde.
- Être une bonne personne alliée. Tissez un partenariat avec les étudiantes et étudiants pour comprendre en quoi les normes, les attentes et les répercussions du travail émotionnel varient selon les groupes. Réclamez des changements qui atténueront les conséquences négatives sur la santé et favoriseront la répartition équitable de ce travail.
- Offrir une rémunération. Trouvez une façon créative de rémunérer les étudiantes et étudiants pour ce type de travail. Il ne suffira pas d’une simple procédure comptable, mais il existe peut-être plus de possibilités que vous le croyez.
- Améliorer la formation. Bonifiez les programmes afin de renseigner les étudiantes et étudiants sur le travail émotionnel et de leur offrir les compétences nécessaires pour s’en acquitter. Il pourrait s’agir d’ajouter aux programmes existants du contenu portant expressément sur le travail émotionnel.
- Discuter des limites. Avant de prendre soin des autres, on doit prendre soin de soi. Demandez aux étudiantes et étudiants quelles sont les limites qui leur permettent de préserver leur santé, et encouragez-les régulièrement à les faire respecter. Vous pouvez également leur faire part de vos propres limites.
Meagan Auer est doctorante en sciences politiques à l’Université de l’Alberta et médiatrice pour l’engagement communautaire à l’Université MacEwan.
Cet article se fonde sur les recherches de Loleen Berdahl et Christie Schultz, sur les témoignages que j’ai reçus dans le cadre de mes travaux sur le terrain et sur ma propre expérience des études supérieures.