Je suis atteint du syndrome de la page blanche à la perspective d’enseigner en ligne. J’y réfléchis, j’ai de bonnes idées, mais je n’arrive pas à me mettre en action. La pandémie m’a forcé à adapter un de mes cours au dernier trimestre, et je sais que mes étudiants ont été plutôt indulgents à l’égard de ce que je leur ai bricolé.
Mais cette fois-ci, ils méritent mieux. Des exposés sur Zoom ne suffiront pas. Mes étudiants du dernier trimestre ont admis avoir eu du mal à rester attentifs en ligne. La plupart ne voudraient pas suivre un autre cours en ligne, du moins pas dans le format actuel. Selon une étude récente, il ne s’agirait pas de simples données anecdotiques, puisqu’un tiers des étudiants envisagent de ne pas retourner à l’université si les cours étaient exclusivement offerts en ligne. Il faudra donc beaucoup d’inspiration et de soutien. Heureusement, les universités mettent de nombreuses ressources à notre disposition.
J’ai donc réfléchi à une façon de rendre mon cours d’automne plus intéressant et motivant pour mes étudiants au premier cycle. En initiant les étudiants à la recherche et au développement (R-D), à la propriété intellectuelle (PI), au marketing et aux finances, je leur donne un aperçu des principes et de la réalité professionnelle du milieu de la biotechnologie. Avec un peu de planification, je crois pouvoir créer un cours en ligne intéressant.
Je devrai d’abord choisir entre l’apprentissage synchrone et asynchrone. Même si les experts affichent une préférence pour le temps de contact associé à la synchronie, l’asynchronie permet un meilleur respect de la distanciation physique lors des laboratoires exigés dans le cadre de certains programmes. J’apprends d’ailleurs à préparer un cours asynchrone grâce à notre programme d’enseignement en ligne.
Heureusement, j’ai déjà adopté le modèle de classe inversée où les étudiants lisent des chapitres de manuels et participent à des discussions en classe. Or, comme certains étudiants ne lisent pas la documentation requise avant le cours, je pense publier de petites présentations vidéo cette année. J’ai d’ailleurs récemment appris à utiliser la plateforme YuJa pour le faire. J’envisage aussi d’avoir recours aux forums de discussion sur la création de vidéos de perfectionnement professionnel sur la plateforme D2L.
Les vidéos en ligne et les forums peuvent libérer du temps pour les discussions en classe. Et puisque les périodes de questions peuvent devenir monotones, j’ai récemment commencé à les transformer en jeu. Fait intéressant, certains étudiants ont réutilisé mon idée lors d’un cours antérieur similaire et ont inventé leurs propres jeux pour discuter d’études de cas. Je travaille actuellement à reproduire ces jeux en ligne avec l’aide d’instructeurs en technologie de l’apprentissage.
Pour motiver encore davantage les étudiants, je songe à miser sur le travail d’équipe en ligne. J’utilisais à l’origine une méthode similaire pour ajouter un volet apprentissage par l’expérience ou jeu de rôle à mes cours. En équipe, les étudiants devaient créer une entreprise de biotechnologie fictive et élaborer un plan d’affaires, alors que chacun d’entre eux jouait un rôle de responsable (en R-D, PI, marketing ou finances). Ils présentaient ensuite leurs idées au reste du groupe.
Cette démarche d’équipe amenait les étudiants à s’imaginer travailler dans une entreprise, et elle a stimulé leur esprit de compétition, en particulier pendant le jeu. Fait intéressant, il en a découlé une certaine pression entre pairs, car chacun s’attendait à ce que ses coéquipiers connaissent bien leur sujet.
Évidemment, la performance individuelle des étudiants est tout aussi importante. L’entrevue exploratoire est un exercice auquel je soumets mes étudiants depuis longtemps. Ces derniers doivent choisir une carrière en biotechnologie, puis procéder à une entrevue exploratoire avec un professionnel du milieu. J’envisage d’interagir en ligne avec les étudiants pour les aider à définir leurs intérêts professionnels, car ils aiment que leurs professeurs s’intéressent à leur avenir. En temps normal, les étudiants présentent leur entrevue à l’aide de PowerPoint. Mais dans le contexte du confinement, j’aimerais leur demander d’enregistrer leur entrevue Zoom (avec la permission de leur interlocuteur) pour la présenter au reste du groupe. L’autre option serait d’inviter les professionnels interviewés à participer au cours.
Mon cours comportera aussi probablement une importante composante virtuelle. Au début du trimestre, j’inviterai mes étudiants à cibler sur Internet une entreprise de biotechnologie à capitalisation moyenne et cotée en bourse. Ils devront déterminer si cette entreprise constitue un bon investissement en posant des questions sur ses finances et ses activités de R-D, de PI et de marketing.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je serais prêt à débourser l’intégralité de mes frais de scolarité pour suivre un tel cours. Même s’il est offert en ligne, il permettra aux étudiants d’acquérir une foule de compétences pratiques. Mais pour le créer, il faudra du temps, une bonne planification, et un soutien adéquat de la part de l’université.
Derrick Rancourt est biologiste spécialiste des cellules souches et professeur à la Faculté de médecine Cumming de l’Université de Calgary.